Bernat Manciet – sonnet IX (laurier du vent )

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J’entre dans le laurier du vent
dans son frémissement de foret
dans la poix des guis picorés
et les bleus dorés d’un jeune juillet
en tous mes lieux tu répands ta querelle
partout l’oiseau devient feuille
et la rose ailes par son néant
liserée des rires de ta peau
mais parmi les ombres en foule
fourrés buissons et halliers
voici paraître comme une lueur de lune
et de lointain en lointain apaisé
le tourbillon se fait mutisme
ce silence qui t’est louange
Lambert Schlechter – harengs à mariner

Toutes les six semaines, pendant la mauvaise saison, des harengs à mariner, rondelles d’oignons, clous de girofle, feuilles de laurier, lait & crème, toute la Manche dans le saladier, l’embrun de Scheveningen, sable humide, respirez, disait ma mère, respirez, l’iode c’est sain, et elle montrait comment respirer, et on respirait, fâcherie façonnement factorerie, chaque mot a une odeur, mais faut pas dire ce que ça sent, mon vieux Petit Larousse illustré est si vieux qu’il sent, humidités successives de plus d’un demi-siècle, 1956, j’avais quatorze ans, j’apprenais les mots, ellébore ellipse élytre
Erri De Luca – Arbres en lecture
peinture : Henri le Sidaner
Nous apprenons les alphabets et nous ne savons pas lire les arbres.
Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes,
les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations,
le romarin est une chanson, le laurier une prophétie.
In « Trois chevaux »