Corps de Ménéham – ( RC )

photo RC Ménéham juillet 22
Corps de granit en bord de mer,
au hasard , tu verras des maisons minuscules
par rapport à ces géants de pierre.
Comme elles le peuvent, elles se dissimulent
tout en espérant
se mettre à l’abri du vent
et des embruns, derrière les roches.
Pas question pour un Petit Poucet
de s’égarer dans la forêt.
Même si l’océan est proche,
( la futaie est lointaine:
les rochers se referment
sur la terre ferme ):
Possèdes tu le sésame
qui permet d’ouvrir les demeures secrètes
du village de Ménéham ?
si tu veux je te le prête,
mais ne penses pas y trouver
un trésor caché
par les flibustiers :
on ne compte plus les heures
avec le temps qui passe
sur les légendes
parmi les herbes de la lande.
Seuls ces grands corps demeurent:
corps de granite
qui restent sur place
aux grandes formes insolites.
Ils ne confieront rien de leur âge
à ceux qui viennent visiter le village.
Imagiers de pierre – ( RC )

frise romane Lucques (Italie)
Les imagiers de pierre
nous content les oiseaux :
colombes et corbeaux
des légendes historiées .
Nous ne connaissons plus les temps d’avant
aux côté d’êtres imaginaires,
des monstres aux dents acérées,
assoiffés de sang,
qui peupleraient l’enfer.
On rêverait plutôt aux princesses
et aux reines,
qu’au destin des ânesses.
Confie-toi plutôt aux sirènes
à queue divisée
que voisinent les héros
montés sur les chevaux
dans une autre scène.
C’est un livre ouvert
qui nous étonne,
en haut de chaque colonne,
et presque un millénaire,
traverse les âges :
immobile voyage
du bestiaire de pierre.
Leliana Stancu – berçeuse

Petrov-Vodkin, Kuzma détail de la peinture « l’alarme »
Mon enfant, mon ange,
C’est un rêve étrange,
Chaque soir quand je veille
Ton profond sommeil,
Quand le crépuscule
Emporte tous les jours
Vers d’autres soleils
Attendant l’éveil,
Signe que les Dieux
Avec leurs aveux
Embrassent d’autres mondes,
Et l’amour inonde
Tour à tour, les terres,
Même si celles d’hier,
Vivant en caresse,
Demain, ils les blessent…
Mon enfant, mon rêve,
Chaque jour qui s’achève,
Je murmure un doux
Chant, sur tes chères joues,
Comme une belle corolle
De merveille étole,
Tu m’entends, je sais,
Dans ton monde de fées,
Sans avoir l’orgueil
De donner conseils,
Que même dans ma vie
Je n’ai pas suivis,
Juste quelques légendes,
Ensuite je défends
Tes éternels rêves,
Mon enfant, ma sève…
Mon enfant déesse,
Reçois ma tendresse,
Un jour viendra
Quand on partira
Sur des terres de conte,
Sur des anodontes,
Dans des lointains,
Au-delà des humains,
Quand les beaux voyages
Finiront d’ancrage,
Mais je te promets
Ma bienfaisante fée,
Que tu ne perdras
A jamais mes bras,
Tu vivras toujours
L’infini amour…
–
lire d’autres textes de cette auteure ?
Des nuages avalant des montagnes – ( RC )
C’est une soif,
immense, inextinguible,
Elle ferait se vider les lacs ,
assécher les rivières,
si tu étais ce géant,
décrit dans tant de légendes .
Mais il y a plus fort que toi :
on peut voir couramment
des nuages
avaler des montagnes .
–
RC – mars 2018
Abdelkader Zibouche – deux-cent silences
peinture: Z Music
Deux cent silences
rejoignent le silence
Deux cent regards
à jamais pétrifiés
Des millions de mutismes
froids de ne vouloir
sauver le juste de l’injuste
le vivant de l’innommable
absolvent les bourreaux
C’est la mémoire indifférente
abdiquant la puissance du verbe
devant mille girons maternels
spoliés de leur douceur .
***
Sache qu’ici les morts sont moins morts
leur poids fustige toute mesure
Ils cessent même d’être morts
à leur guise se fabriquent les légendes
Un seul corps éteint sous les feux de la rampe
efface des monceaux de cadavres .
Abdelkader Zibouche
Semis de pierres à Carnac – ( RC )
A Carnac, on a planté des petites pierres,
pour retenir les rayons de lune.
– C’était au début, quand elle a commencé
sa course autour de la terre. –
Maintenant les pierres ont bien grandi,
ce sont des témoins,
Ils se sont redressés, au fil du temps,
Communiquent avec le soleil et le vent :
Ils racontent, muets, en grandes files, alignés,
beaucoup de choses, sur ce qu’on ne connaît pas.
Pour notre portée d’hommes modernes,
C’est comme un langage des signes, venu de l’en-deçà…
La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre,
Et grandissent encore un petit peu, imperceptiblement,
Le dialogue se perpétue avec le sol,
Et le rayonnement des astres .
Avec leur station debout, on peut leur attribuer
un caractère, comme si une présence humaine était enfermée dedans.
Il se pourrait qu’elles se soient rassemblées d’elles-même,
en vue d’une cérémonie à venir.
D’autres le font de manière étrangement proche, dans des pays différents,
Où déjà la distance fait qu’on se demande comment elles font.
Peut-être que la roche en marche aurait les instincts d’une commune famille…
c’est difficile à dire, et personne n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.
Vu leur silence apparent, juste couronné de vent,
il faut laisser parler les légendes ; c’est un peu leur chanson.
–
RC – juillet 2015
Papusza – En guise d’avertissement
–
Seigneur, où dois-je aller ?
Que puis-je faire ?
Où trouverai-je
Les légendes et les chants ?
Je ne vais pas dans la forêt,
Je ne rencontre pas les fleuves.
O toi l’arbre, mon père,
Mon père noir !
Le temps des Gitans errants
Est depuis longtemps passé.
Mais je les vois, brillants,
Forts et clairs comme l’eau.
On l’entend
Vagabonder
Lorsqu’elle veut parler.
Mais la pauvre elle ne peut parler (….)
(….) l’eau ne regard pas en arrière.
Elle fuit, s’en va toujours plus loin,
Où les yeux ne la verront pas,
L’eau est vagabonde.
Bronislawa Wajs dite la Papusza,— voir l’émission qui lui a été consacrée…
Bête de Gévaudan ( RC )
Dans ces lieux, que je vous décris
Il y a toujours de ces champignons
Que l’on prend pour des lumignons
Des brumes, de l’encre et des cris..
Il n’y a plus grand monde, avant l’hiver
Quelques boeufs, pas de tracteurs
Mais seulement quelques cultivateurs
Et les environs sont déserts
Dans les labours, ils jettent le blé au vent
Comme elle est bête , du Gévaudan…
dans la forêt sombre, luisent des dents
C’était il y a longtemps, c’était avant…
Il y a des chemins qui vont au hasard
Et des bandits de grand chemin
Qui hantent les routes du destin
Lorsque le jour se fait hagard
Si le sombre se pose là, menaçant
Tous les jours ne sont pas dimanche,
Envers l’inconnu un désir de revanche
Mêle de l’inconnu des désirs de feu et sang
Car on raconte beaucoup de choses
Difficiles à vérifier
Et dont il faut quand même, se méfier
Qui font beaucoup de littérature, – et de prose.
On ne sait plus, avant que pierres se fendent
Ce qui est du vrai ou du fantastique,
Le fil du temps, délite l’historique
Et les traces se diluent en légendes…
A trier du grain de l’ivraie,
Les contes, enjolivés par l’âge
Ne sont plus, au reportage
Qu’évènements, où chercher le vrai
Est comme chercher , quelques indices
Ou l’aiguille dans la botte de foin
De ces échos lointains
Qui ont intéressé la police…
Mais provoquent l’imaginaire
D’un esprit élastique
A voir des bêtes fantastiques
Un peu partout sur terre…
Si une bête s’est échappée
C’est toute un affaire
— On parle d’une panthère
Et toutes les calanques sont bloquées…
Il faut verser de l’encre en litres
Le lecteur des gazettes est poussé à l’achat…
Finalement …… ce n’était qu’un gros chat
Dont on fit les gros titres…
Les nouvelles d’ailleurs ne sont jamais pareilles
La Sardine – ( cétait un record )
Avait bouché le vieux port…
C’est vrai qu’on était à Marseille…
On dit bien avec » l’acssent », » Bonne Mère »
– Tu vois pas qu’ils exagèrent…. ?
Mais dans le sombre Gévaudan
… on en fait tout autant….
Et si la « Bête » — ce phénomène
– Dont on fit affaire d’état
N’était qu’une suite d’assassinats
Qui aurait sa forme humaine…. ?
Dont on fit une « Une »
— faute de trouver un coupable
Ce fut la « bête » », le responsable
… les loups hurlant à la lune….
RC – 20 octobre 2012
( voir -entre autres la description détaillée qu’on en a fait, ici… )
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