Blancs muets – (Susanne Derève)

Le Secret – Auguste Rodin (1910)
Blancs muets
L’espace de silence du ciel
du lever du jour jusqu’à sa longue descente
vers la nuit
le langage retenu
les non-dits
l’e dérobé de l’indicible
(la page blanche du souvenir)
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Blanc virginal
Petites mains pressées
l’aiguille s’affaire sur les voiles gansés
tulles crêpes aubes
ourle faufile
ardente
sous la lampe
****
Blanc repentir
Cette autre main tachée de plâtre
épurant patiemment la matière
y traçant les lignes de vie
gommant le trait
pour en tirer obstinément
une poussière aveugle inanimée
****
Et d’elle au souvenir bien moins
qu’un voile de mariée,
l’épaisseur d’une plume au vent,
la transparence végétale
d’une fleur de printemps
l’aile ténue d’un soupir
Vertiges – de fileuse de lune

- photo : H Cartier-Bresson Arbres en Brie
A voir sur le blog ( de fileuse de lune)
Vertiges
éclaboussures
traversées
J’habite ces parages
de peu de densité
où l’éclair d’un regard
chavire l’horizon
Membranes soulevées
sur le dos des fleuves
s’éparpillent en rémiges
en consonnes
brunes et vigoureuses
Se déversent les langues
dans une amphore
se délecte le ciel
d’être à nouveau
en crue
Pour apprivoiser les pinèdes
en maraude
les forêts de silex
il faut tailler son nom
dans le tronc le plus vieux,
habiter son élan
Dans les prairies de l’Homme
je sais un abreuvoir
où se rassemblent troupeaux
de hautes sèves
clameurs de laines
blanches et bouclées
J’y porte l’épaisseur
de mes murs
la lourdeur de mon sang.
Une odeur de suint
ocre et tenace
rassure les ancêtres
Claquante
comme une étreinte
la parole éperonne
les flancs fumants
de ce matin tout neuf
Tourbillon
ivresse pure
je virevolte, à cru,
sur des phrases de sel
m’accouple à leur écorce
et hurle
source vive !
J’ouvre,
dans ma poitrine,
des fenêtres
aux giboulées de grives,
de raisins et d’étoiles,
aux rafales d’ardoises,
aux foules écervelées
des déserts, des pierres
et des jardins
Là, dans cet espace
consenti à l’incandescence,
la bruine déploie
mon feuillage
gâche sa salive
à ma résine
Sur mes berges
calleuses
faseyent quelques saules
Guetter l’exubérance
étirer les limites
de son sang
de sa peau
pour être ampleur
luxuriance
et faire tomber de soi
jusqu’à la moindre
ténèbre
Et puis
se rencogner
dans l’angle juste
de la légèreté,
retrouver sa foulée
d’osier souple et de vent
Mouvements d’un cil – papier de riz, moisissures pâles
Une nouvelle fois, je tente de capter l’actualité abondante de « mouvements d’un cil »… et je vous fais partager ses « moisissures pâles– »
Hommage à Horst Judith

Moisissures pâles
La dépossession est une seconde peau. Les touches de poignets,
Les touches de piano étaient bleues. Mes doigts empourprés
Par la fièvre devaient supporter la légère pression. La masse de la légèreté.
La musique est intérieure avant le sentiment d’apesanteur. Elle gravite
Le flux des valvules et de l’hypophyse avant d’envahir l’espace.
Entre les courbes, les vagues frissonnent. Cet élan. Le voile étouffe
La mouette sur l’amandier du Levant. Tous les points sont invisibles.
Les meubles tournoient. Le sol, la terre en dessous se condense
Dans ce rythme qui bat cellulaire. Les bras au fond de l’herbe,
Les tentacules de racines, la moisissure pâle entre les interstices.
Une sonate. Les humeurs fluctuent. Les murs tremblent comme des feuilles,
Poreux quand les doigts déploient les ailes le long des turbulences translucides.
Les notes crépusculaires descendent des siècles que tous les organismes
Ne pourraient comprimer. Sonates de sodium. Impression nocturnale
Quand les champs de la conscience sont à demi-éveillées, étouffée
Par des insectes minuscules sur des taches de pierre.
Moisissure pâle
JoBougon – suspendre le temps
Suspendre le temps — du blog de Jo chez wordpress: 1 juin 2011 par jobougon
Dans les ruines tu temps mon regard s’est posé en silence
Il laisse un peu la trace de mes insouciances
Mais elle est loin cette légèreté
Elle s’est perdue dans des gravats abandonnés
Et au milieu des vestiges oubliés
J’ai retrouvé le chemin des secrets
Ceux qu’on chuchote au creux de l’oreille
Que l’on ne dit qu’à ceux que l’on aime
Et ce n’est plus mon crâne fêlé
Qui laisse passer la lumière
Mais c’est mon cœur qui s’est fendu
Morfondu confondu éperdu C
’est mon cœur qui n’en pouvant plus
A laissé le temps suspendu.
றouvemenʨ d’un ciℓ [edit./ exibit. projects (il y a 5 semaines)
Dispossession is a second skin. The wrists keys,
The piano keys were blue. My empurpled fingers
By the fever had to bear the light pressure. The mass of the light.
Music is inner feeling before of weightlessness . It gravitates
The flow valvulars and pituitary before invading the space.
Between the curves, waves shiver. This momentum. The veil stifles
The seagull on the almond tree in the Levant. All points are invisible.
Furnitures whirl. The soil, the earth below condenses
In this rhythm beating cellular. Arms at the bottom of the grass,
The tentacles of roots, mold pale between the interstices.
A sonata. Moods fluctuate. The walls tremble like leaves,
Porous when fingers deploying the wings along the translucent turbulence .
Crepuscular notes down the centuries that all organisms
Could not compress. Sonatas sodium. Nocturnale impression
When the fields of consciousness are half-awake, smothered
by tiny insects on stains of stone.
Pale molds
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