Potée – ( RC )
Peinture: P Picasso – nature morte aux oignons 1908
Si vous voulez connaître mon opinion,
Ecoutez mon dialogue avec les oignons,
Moi qui néglige leur douleur,
– leurs pleurs et leur odeur
– mettons nous un peu à leur place
faisons preuve d’un peu d’audace
( à prendre comme un jeu de rôle )
Quelque part dans la casserole
Je vais ainsi leurs habits ôter,
Ce serait comme préparer la potée
Tout ce qu’il faut d’eau
pour complaire aux poireaux
Déjà la marmite fume,
Ce sera la fête des légumes,
Allez…ajouter un morceau de citrouille,
….. et attendre que l’eau bouille .
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RC – mai 2016
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en relation avec un texte de S Mallarmé: le marchand d’ail et d’oignons
Henri Rode – Le monstre
LE MONSTRE (fragment)
« Je vois le monstre de préférence (et c’est toujours ici de préférence qu’il s’agit) dans l’objet, le légume, le résidu dont on a su d’abord tirer usage, le fruit pressuré et la montre écrasée, pour les rejeter ensuite dans un coin où l’objet, le fruit, la montre, etc., poursuivent leur existence inutilisable.
Prenons ce tas de pelures d’oignons roux laissé au milieu du fenil apparemment oublié de Dieu et des hommes, une humble toison à peine dorée d’un rayon et qui ne donne au préalable aucune impression de protestation ni même d’existence, qu’un distrait pourrait fouler aux pieds, une araignée traverser sans risque, un balai balayer sans remords. Je songe : trop facile de te passer de toi pour expliquer. Et c’est pourquoi je repasse. Je ne veux pas donner dans le panneau.
C’est au contraire avec un grand souci de sympathie que je me penche sur le tas de pelures. Je les fouille, les sens, des monceaux de vers doivent les travailler mais ici mon observation est courte. Je pourrais expliquer la larve plus l’éclosion sans aboutir à aucune satisfaction personnelle. Chercher une ressemblance n’est jamais le fait du hasard mais d’un besoin intérieur, d’un rassurement dirai-je.
Pour me rassurer quant à la destination de ces pelures prêtes à se dissoudre en poussière, il me faut une expérience neuve et définir pourquoi, pourquoi ? Chaque fois que je passais près du tas et quel que fût mon état d’absence une tristesse incompréhensible me prenait, pourquoi tout déchet, tout objet délaissé dans un coin ne me semblait jamais tout à fait fini ni inutile, et pourquoi en fin de compte mon utilité au jour ne me paraissait ni plus certaine ni plus étonnante que celle du moindre objet, pour peu que je descende aux sources de la création. »
Henri RODE in « Cahiers du Sud » n° 293 (1949)
Les mailles écorchées de la réalité – ( RC )
image: « Six personnages en quête d’auteur », mis en scène par Emmanuel Demarcy. » – provenance lepoint.fr
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J’ai du mal à ordonner les choses,
ordonner dans le sens « ordre donné »,
plutôt que dans celui de ordre-désordre… :
J’ai dû prendre la formule à l’envers.
Je navigue sans doute à contre-sens,
et justement les choses sont comme
on n’a pas l’habitude de, ( l’inversion du mode d’emploi)
et du mélange du tout …
( Qui de l’ordre du fantasme,
des mailles écorchées de la réalité,
des formules à l’alchimie incertaine,
où le fil qui les tient ensemble se dissout… )
J’énonce des choses, où,
comme les légumes, se juxtaposent, ceux qui
crus , crissent sont la dent,
ceux qui , trop cuits , dont la matière s’échappe .
Et avec le tout, une architecture fantasque.
On se demande comment ça tient debout,
quelle est la part du rêve,
et où se glissent les carillons des fêtes,
La sonate des pages qui s’envolent,
le pavillon de l’impatience,
l’essence volatile des sentiments,
et l’encre qui se dépose,
- où je vais puiser…
encore sous le coup du choc d’un regard,
des noces de plume,
et de l’obscur affrontement des mots.
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RC- dec 2015
Le contour du soleil, celui de mes mains ( RC )
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En formant le contour du soleil, à celui de mes mains,
peut-être en forme de cœur,
( Que sait-on des coïncidences ?)
Ou d’un soleil en losange …
Il faut éclabousser
-de lumière les dimensions nocturnes,
mettre en boîte
les parcelles de brouillard,
Celles qui restent.
Déjà, les gargouilles des cathédrales nordiques,
ont mangé les pensionnaires de l’angoisse,
en laissant place aux vents,
qui ont fait place nette…
Il est un jour comme celui-là,
aux bords tranchants …
Si le doute s’aventure,
aux abords inconnus,
alors comme les oiseaux migrateurs,
recherchent des régions enveloppées,
d’airs marins,
Je reviendrai au pays du mistral,
et aux campaniles,
qui découpent leurs silhouettes,
le matin, aux rumeurs bruissantes
des marchés aux légumes…
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RC – 25 février 2013
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photo
moleendfishing
gargouille Oxford, England