Benjamin Fondane – des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche
graffiti Mona-Lisa cf site
II y eut autrefois des choses sans musique
des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche
des étés haletants
des silences plus frais que neige
des êtres qui entraient en nous et qui sortaient
sans qu’on s’en rendît compte,
nourritures, paresses savantes, jus d’oiseaux
idiomes heureux, échanges,
de sorte qu’on était ce qui entrait en nous
parfois un cil, parfois un ange
parfois un baobab où la hache faisait
des blessures délicieuses
et quand, souvent, des femmes ou des sangsues roses
se collaient à nos corps
on éprouvait soudain la joie d’être mangé
et le délice affreux de devenir un autre.
Ces choses n’avaient ni commencement ni fin
cela ne finissait pas d’être
pas un trou, pas la moindre fissure
pas un visage lézardé !
les hommes se tenaient coude à coude, serrés,
comme pour empêcher qu’on y passe
pas une absence entre deux vagues
pas un ravin entre deux mots
pas un passage entre deux seins
lourds, gras,
et pourtant au travers de la muraille lisse
quelque chose suintait
l’écho ranci d’une fête étrange, une sueur de musique,
les gouttes d’un sang frais qui caillait aussitôt
sur la peau morte du monde.
Je n’ai jamais rien compris à ces mélanges
j’entrais et d’autres sortaient,
puis d’autres qui tournaient autour du crépuscule
ou se penchaient sur les saisons
et nul ne se doutait que ce n’était pas là
la terre ferme,
que l’océan n’était pas un jardin suspendu
j’entrais à tout instant dans la vie des autres
et j’oubliais de fermer les portes après moi
chacun portait en lui un monde doux et tendre
des coins où l’on était surpris par la douceur
je n’avais pas de nom, comment s’appelaient-ils ?
C’était si bon de ne pas avoir de figure,
si bon d’être poreux, ouvert,
qu’à l’heure de dormir chacun
se disait en rêvant : – que sera-t-elle encore
cette grande journée, sans dieu, du lendemain ?
*Benjamin Fondane
Ciels amnésiques – ( RC )
photo nb provenance flickR auteur inconnu
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Quel regard oubliera
les ciels amnésiques
oublieux des brillances
Et du partage de la lumière ?
Quel cœur ne regretterait pas l’émotion de la palette délaissée
D’ un peintre au baroque monochrome
Qui n’aurait de symphonie
Qu’un gris ayant éteint toutes les couleurs
En dehors des saisons,
En dehors d’un avenir de lumière et fulgurance
Si aujourd’hui est semblable à demain…?
Comment continuer, à clore les yeux et l’âme
Sans l’exhaltation des possibles
Qui portent ce pas et le suivant *
La nuit juste avant la clairière
Vers de meilleurs lendemains?
RC 8 juin 2012
* ( ce pas et le suivant, est la titre d’un ouvrage de Pierre Bergounioux).
– sur l’incitation du regard sur l’automne, de H Soris-
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Marie Hurtrel, dont je viens de visiter les écrits, , nous communique un de ses textes, qui présente quelques affintés…
L’ivre livre
Il y avait trois mots qui voulaient se perdre
entre un ciel inutile
et la terre roulant ses étreintes
Comme revient une hirondelle
quand le vent se lève sur l’horizon
c’est parce que j’ai vu tes sommets sous les nuages
que son vol couche la saison
Et dans le lit des doutes se relie la route
près de là-bas
par ce sol qui m’enterre à m’attendre
la route au désert
et la source entre ses pages
c’est un livre qui attend
D’une terre un ancrage
il y a demain de là
une ode rouge entre les veines
et mon sang sans arrimage
au silence recompose la voie
–
© Marie Hurtrel
Une Réponse
Mercredi dans les Alpes (RC)
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Pourquoi j’ai choisi ce titre ?
Hein, -sans doute parce que
Cà sonne comme un jour changeant ,
Et les sonnailles du bétail dispersé.
Le lendemain, transforme le monde,
Les murailles gris bleu sont maintenant orange
En tournant la tête, je déchire quelques nuages
Cavalcade de quelques bouquetins en éboulis
Le lendemain est aussi tout à l’heure
L’épaule suspendue de la montagne
Se teinte d’éclairages d’hiver et la fantaisie
d’oiseaux de Magritte englués dans le roc
Sages tracés de remontées mécaniques
striant les pentes de lignes mobiles
Ruches bourdonnantes d’immeubles agglutinés
Comme d’excroissances vénéneuses.
Le lendemain changeant me dit le pays voisin
Transformant la parole, en langage étranger
Mon père disait » mâcher de la paille »
En absence – Prévert -de passage- muraille
Et de tunnels routiers audacieux
Et les spirales des voies ferrées d’antan
Forant des kilomètres rocheux
Et jouant des ponts si improbables
C’est vers Tende, je me souviens
Me rappeler pourquoi, avant la mer
Les pentes sont encore les Alpes
Les replis gardant de petits lacs miroirs
Autant de joyaux liquides
Aux balcons des pentes velours
Le lendemain qui transforme le monde
Attend en silence le départ de l’ombre
Le rideau de lumière, combattant la nuit
Après avoir happé les crêtes,
Peu à peu lui grignote une part de jour
En allégeant son triangle- c’était en rosé
Le lendemain est aujourd’hui, posé
L’aube a relégué mercredi
D’un éclairage nouveau le haut fantasme
de glaces construit le jeudi.
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RC
5 fev 2012
Pétales d’hiver ailleurs – ( RC )
(En utilisant les « brèves de Nath et Monik « , voilà un petit écho…)
« j’ai tout qui fleurit au bout des doigts
au bout des gestes esquissés »
et en rapport avec l’article d’Arthémisia « la fleur d’hiver »
Sortie main après main
Une fleur de métal
Emerge en pétales
Sous le lendemain
Ses pétales d’hiver ailleurs
Une fleur en coeur
L ‘ami transparent
Des gestes de l’amant
Etre et avoir été
Oiseau exotique
Ce chant prolifique
C’est déjà l’été.
RC 01-2012
aux lendemains qui doutent, les tornades immobiles (RC)
aux lendemains qui doutent, les tornades immobiles
Tornades immobiles, étendons nous,
L’épicier de passage nous assaisonne, de remords.
Tchernobyl nous survole de son œil indolore,
Le sang est invisible dans l’espèce d’espace
où les frontières n’ont plus cours.
Aux vents de l’absence, recroquevillés d’indifférence,
Des entiers des hivers des étés mélangés.
Poussières en petitude, longueurs de vie rabougries
Toujours un fauteuil roulant , pour nous attendre
Vieillesse et sécheresse, l’histoire continue sa route
Pour nous, sans nous aux lendemains qui doutent
Ce texte créé le21 mai 2011 ——->est en écho à celui de
Question d’espace
Très beau poème pour cette symphonie en gris .