Sandro Penna – De retour à la mer de mes vingt ans –

De retour à la mer de mes vingt ans, au soir, je traversai les boulevards tièdes et je cherchais mes compagnons d’antan… Je humais comme un loup déchainé l’ombre chaude des maisons. Un parfum vide et ancien me chassait vers la plage grande ouverte sur la mer. Pour y trouver l’amertume la plus claire et mon ombre lunaire, figée sur ce parfum d’antan. *
Quando tornai al mare di una volta, nella sera fra i caldi viali ricercavo i compagni di allora… Come un lupo impazzito odoravo la calda ombra fra le case. L’odore antico e vuoto mi cacciava all’ampia spiaggia sul mare aperto. Lì trovavo l’amarezza più chiara e la mia ombra lunare ferma su l’antico odore. *
Sandro Penna
Poésie/Poèmes
(1973)
traduit de l’italien par
Pierre Lepori
Editions d’en bas
Chemins dérobés- ( Susanne Derève)

.
Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés
du poème ?
Un égarement sans doute, une fugue entre les mains
ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – ,
une eau qui se referme,
un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite
je ne retiens de l’absence
qu’une empreinte à demi effacée , tienne ,
qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel,
ses grumeaux d’écume ,
et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Impromptu – Susanne Derève

Léon Spilliaert – La digue d’Ostende
Impromptu
Mot
rire sourire éclat
Dans le grand embarras du jour
le ciel hésite encore
entre brume et soleil
ombre close et lumière
pâle estampe que froisse la brise d’été
marine aux voiles blanches
un frêle esquif encalminé cherchant le vent
le vol impromptu du vent
l’éclat de rire des goélands
le mot à mot secret de l’aube
un sourire ténu aux lèvres du Levant