Leopold Sedar Senghor – To a dark girl
Photo: Denise Bellon
Tu as laissé glisser sur moi
L’amitié d’un rayon de lune.
Et tu m’as souri doucement,
Plage au matin éclose en galets blancs.
Elle règne sur mon souvenir, ta peau olive
Où Soleil et Terre se fiancent.
Et ta démarche mélodie
Et tes finesses de bijou sénégalais,
Et ton altière majesté de pyramide,
Princesse !
Dont les yeux chantent la nostalgie
Des splendeurs du Mali sous ses tables ensevelies.
Leopold Sédar Senghor – Prière de paix

Sculpture romane – église de Ste Marie et St.David, Kilpeck. England
- Voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon coeur, ce serpent que j’avais cru mort…
- Tue-le, Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France.
- Seigneur, parmi les nations blanches, place la France à la droite du Père.
- Oh ! je sais bien qu’elle est aussi l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des bœufs, pour engraisser ses terres à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier.
- Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus,
- qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os
- Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins.
- Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques
- Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié.
- Oui, Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement
- Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire
- Qui est la République et livre les pays aux Grands Concessionnaires
- Et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc.
L.S. SENGHOR, Hosties Noires, 1948
Leopold Sedar-Senghor – L’éthiopienne
…Puisque reverdissent nos jambes pour la danse de la moisson
Je sais qu’elle viendra la Très Bonne Nouvelle
Au solstice de Juin, comme dans l’an de la défaite et dans l’an de l’espoir.
La précèdent de longs mirages de dromadaires, graves des essences de sa beauté.
La voilà l’Ethiopienne, fauve comme l’or mûr incorruptible comme l’or
Douce d’olive, bleu souriante de son visage fin souriante dans sa prestance
Vêtue de vert et de nuage. Parée du pentagramme.
–
Léopold Sédar Senghor
in » Ethiopiques «
poème bantou – feu – ( trad Leopold Sédar Senghor )

peinture perso: maternelle age 5 ans ( j’ai probablement été fortement aidé… toujours est-il que j’ai toujours cette peinture, d’un format 50×65 cm)
–
Feu
« Feu que les hommes regardent dans la nuit, dans la nuit profonde,
Feu qui brûles et ne chauffes pas, qui brilles et ne brûles pas.
Feu qui voles sans corps, sans coeur, qui ne connais case ni foyer,
Feu transparent des palmes, un homme sans peur t’invoque.
Feu des sorciers, ton père est où ? Ta mère est où ? Qui t’a nourri ?
Tu es ton père, tu es ta mère, tu passes et ne laisses traces.
Le bois sec ne t’engendre, tu n’as pas les cendres pour filles, tu meurs et ne meurs pas.
L’ âme errante se transforme en toi, et nul ne le sait.
Feu des sorciers, Esprit des eaux inférieures, Esprit des airs supérieurs,
Fulgore qui brilles, luciole qui illumines le marais,
Oiseau sans ailes, matière sans corps,
Esprit de la Force du Feu,
Ecoute ma voix : un homme sans peur t’invoque »
–
Poème Bantou
(traduit par Léopold Sedar Senghor)
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Léopold Sédar Senghor – Goutte de temps
Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours l’enfance et l’Eden
Comme je mêle la Mort et la Vie ? un pont de douceur les relie.
Léopold Sédar Senghor
Leopold Sédar Senghor – Avant la nuit
Avant la nuit, une pensée de toi pour toi, avant que je ne tombe
Dans le filet blanc des angoisses, et la promenade aux frontières
Du rêve du désir avant le crépuscule, parmi les gazelles des sables
Pour ressusciter le poème au royaume d’Enfance.
Elles vous fixent étonnées, comme la jeune fille du Ferlo, tu te souviens
Buste peul flancs, collines plus mélodieuses que les bronzes saïtes
Et ses cheveux tressés, rythmés quand elle danse
Mais ses yeux immenses en allés, qui éclairent ma nuit.
La lumière est-elle encore si légère en ton pays limpide
Et les femmes si belles, on dirait des images ?
Si je la revoyais la jeune fille, la femme, c’est toi au soleil de Septembre
Peau d’or démarche mélodieuse, et ces yeux vastes, forteresses contre la mort.