Jean-Pierre Balpe – Solo de flûte narh Rajastan

Là regarde elle elle a l’air fragile si fragile la regarde voudrait la toucher savoir si elle est de chair et de sang comme lui ou d’une autre matière voudrait la toucher ne cesse de la regarder toucher son cou son pied son ventre ses seins ses lèvres la toucher rien que la toucher pour voir pour être sûr sûr de ce quelle est être sûr que ça vaut le coup de penser à elle la regarder sans peur de la détruire ou même d’altérer simplement altérer l’équilibre subtil des teintes de sa peau depuis les si légers cernes violines qui soulignent la profondeur de son regard jusqu’à l’incarnat purpurin qui ferme les plis amplifie le relief de ses lèvres la regarde ne peut faire autrement la regarde se dit que le rose transparent peut-être transparent diaphane translucide oui translucide de ses joues comme celui plus ferme qui courbe ses épaules ne peut pas ne peut pas être réel qu’il y a quelque chose qui lui échappe sûrement quelque chose qui lui échappe que ça ne peut pas être vrai tout ça pas longtemps
Georges Jean – dans le désordre des choses

Les fruits sur la prairie pourrissent
Les sentiers mènent aux étangs
Où le ciel ouvre sa pulpe
Les dernières roses construisent
Le réseau profond de la mort
Les maisons prennent dans leurs mains
Les personnages de la brume
Nous sommes dans la chair du temps
Les arbres noirs de la nuit
Les oiseaux gris dans le matin
Il semble que le soleil
Va déchirer ces voiles blancs
Ainsi dans le matin du temps
Les paroles simples se lèvent
Alors éclatent les ailes
Se fendent les rameaux
Saigne l’Orient
Et quelques mots dans le silence
Permettent d’entendre la danse
Et rêver de l’Océan
Pour les regards du dedans
Les pierres sont en gésine
Au cœur de la forêt proche
Là dans les sentiers de silex
Le plaisir bat comme le cœur
Voici les traces les sillages
Les filles des longs retours
Et dans l’ombre d’alentour
Les absents se sont levés
Et le jour ouvre nos lèvres
Et les mots entrent dans les choses.
–
extrait de « parcours immobile »
Candice Nguyen – la nourriture des méduses

Ces mots prisonniers des rochers et l’eau qui bat entre, inlassablement.
C’est une lumière noire qui décline sur la peau de visages rougis par le froid et les sourires piqués par les sels sont laissés là en feu sur la route des marées. Ils flotteront dans le bleu de l’obscurité toute la nuit et disparaîtront dès les premières agitations au matin. C’est la Baltique, en octobre, une nuit, c’est un silence lourd cassé par le ronronnement des machines et le reflux des méduses qui capturent en leur ombrelle toute la lumière des étoiles dont elles se repaissent avides, exclusives, affamées, en ces heures creuses du monde. Elles ne partagent pas. Elles conservent jalousement le trésor précieux et dans une lenteur agressive et gracieuse, elles attendent la mort pour renaître. Les méduses se reproduisent lors de leur mort. Coefficients, force des vents et l’écume blanche qui dégouline alors de nos corps mouillés, souillés, à bout, c’est dans la vase maintenant que nos lèvres se débattent et nos langues abandonnées au vide et l’absence de sens fouillent et triturent la nourriture des méduses en espérant y retrouver leur jeunesse et les balbutiements des premiers instants, des premiers jours – les premiers mots, inlassablement.
Romane Della Gaspera – l’arbre

L’arbre
Il reste tant à faire encore pour devenir humain
Trouver en soi le tronc, la racine et la branche
Jusqu’à la souche la plus enfouie et la racine la plus épouse du ciel
Comment rendre l’écorce souple, la salive amoureuse
Comment être canal de toutes les sèves du monde
Celles qui montent aux lèvres et celles qu’on vomit
Celles qui brûlent au ventre et toutes celles qui saignent
Tant de vents vont passer trembler dans mes narines
Tant de mes feuilles sanglotent dans leur papier d’automne
Je ne suis que, ployante, un bambou de grand vent
Tout à la fois la brise et la branche brisée
Tout à la fois l’orage et la fleur d’oranger
Hala Mohammad – Le sourire qui n’a pas trouvé son chemin

Le sourire
Qui n’a pas trouvé son chemin vers mes lèvres
Les jours de bonheur,
Tel un vent silencieux
Telle une pierre tombale
Fend mon visage
Dans mon chagrin
Le coeur funambule – Ecchymoses

Sur les ecchymoses du jour
Perlent quelques gouttes de ciel
L’onguent du crépuscule
Brode un ourlet pourpre
Aux jupes élimées des vagues
Brindilles de mer
Le souffle du courant
Efface les taches de l’oubli
Sur les visages de l’eau
Toutes les teintes du vent
Accrochées aux ailes des mots
En friselis d’écume
Dansent aux marges des rochers
Le bavardage des algues
En strophes d’ombre et de lumière
Sème les graines des phrases
Au chant muet de nos lèvres
Face aux festins des couleurs
Nous habitons tout à la fois
Le paysage et son reflet
Le brasier montant aux joues de la lune
Dans le silence aiguisé du jusant
Les rouges gorges des braises du couchant
En rayons brûlants pénètrent lentement
Le ventre humide de l’océan
avec l’autorisation d’Olivier ( voir son site )
Sans noms – ( RC ) – d’après Paul Celan
dessin: Zoran Music
Ils veulent effacer nos noms
comme nos corps,
anonymes et juste identifiables
grâce à un matricule,
en apposant des scellés
dans le non-dit,
sur les lèvres éteintes
de l’histoire, la rendant muette,
aussi innommable que nous .
Or ce n’est pas notre fin,
qui s’écrit, taciturne
mais le commencement
d’une écriture,
même si nos noms
ne nous sont rendus,
qu’avec des caractères
inscrits par milliers
dans des plaques de mémoire.
–
RC – mars 2020
—
d’après le texte de Paul Celan, évoquant la Shoah ( dans Zeigehöft, )
Das Nichts, um unsrer
Namen willen
—-sie sammeln uns ein—-,
siegelt,
das Ende glaubt uns
den Anfang,
vor den uns
umschweigenden
Meistern,
im Ungescheidnen, bezeugt sich
die klamme
Helle.
–
dans son allocution de réception du prix de la ville de Brême, en 1958, Paul Celan déclare :
Accessible, proche et non perdue, au milieu de tant de pertes, il ne restait qu’une chose : la langue. Elle, la langue, restait non perdue. Oui, malgré tout. Mais il lui fallut alors traverser ses propres absences de réponse, traverser l’horreur des voix qui se sont tues, traverser les mille ténèbres du discours porteur de mort. Elle traversa et ne trouva pas de mots pour ce qui était arrivé. Mais elle traversa cet événement et put remonter au jour “enrichie” de tout cela. C’est dans cette langue que, au cours de ces années-là et de celles qui suivirent, j’ai essayé d’écrire des poèmes afin de parler, de m’orienter, afin de savoir où j’étais et où cela m’entraînait, afin de me donner un projet de réalité
Gérard Titus-Carmel – cet arrière-goût de nuit
cet arrière-goût de nuit
a tant dévasté ma langue
qu’il ne m’est plus alliance avec le monde
que dans les seuls mots
ciel et lilas
des mots
dont je me frotte les lèvres
chaque fois que j’observe
les craquelures du mur
où parfois les lézards s’affolent
vers midi
Marine Giangregorio – Signe
photo: Francesca Woodman
Un signe, elle attendait
Un signe, une pluie
Un regard, une odeur
Le sursaut!
Elle en vint à prier
La larme
De lui offrir une caresse
Pour que la peau vive
Sente, que ses lèvres
Gouttent une présence
Mais comme le mot
La larme résiste
La peau est froide
Le signe, croyait-elle
Irriguerait
L’inspiration
La faim
Le désir
La colère
Le regret
Ses artères seraient
Semblables à de petits torrents
Où la vie s’emporte, se révolte
Il lui fallait
Que lui aurait-il fallut?
Un peu d’amour de soi
Un peu de dégoût aussi
Non de l’indifférence
« L’absence à soi
C’est le pire des sentiments »
Se dit-elle,
Attendant un signe
Un signe d’elle
Et comme rien n’arrivait
Elle se mit face au grand miroir
Scellé au mur
Regarda longuement
L’image reflétée
Y enfonça le crane
Tête baissée
–
on peut consulter d’autres textes de M Giangregorio en allant sur son site
James Joyce – musique de chambre – XVII
photo Francesca Woodman
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
Ô colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,.
Eveille-toi éveille-toi.
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
Jean-Claude Pinson – Saison des civelles
( extrait de son ouvrage » J’habite ici )
Tard un soir que nous traversions la Loire à Nantes
nous fascina le spectacle de dizaines de bateaux
qui allaient et venaient entre les ponts semblant fouiller les eaux avec leurs projecteurs
on était en mars et c’était comme si dans ce remuement nocturne le printemps
bientôt à naître avait
eu un cœur et qu’il battait au rythme étouffé
des diesels nous avions laissé la voiture sur la berge pour marcher
et mieux respirer l’odeur de la marée
montante, celle qui pousse les civelles
dans les eaux de l’estuaire
Le long du quai il y avait aussi des pêcheurs à pied ceux-là; ils trempaient des tamis
dans les remous
du mascaret avec des gestes graves d’orpailleurs nous nous étions approchés: au fond des épuisettes ce qu’ils remontaient ressemblait à du verre en
fusion ou plutôt à des spermatozoïdes vibrionnant désormais en vain et nous avions parlé aux enfants
d’une odyssée commencée là où dort dans les grands fonds l’Atlantide engloutie
du moins c’est la légende, avions-nous ajouté en remontant dans la voiture
je songeai à me servir de cet exemple dans un cours sur la nature et la finalité
je poserais la question de savoir s’il y a un sens à dire qu’une intention quelconque a présidé au long voyage des civelles comme si quelque main anonyme et connaissant les cartes marines les avait guidées jour après jour depuis qu’elles sont confiées aux bras infatigables du courant et en quel sens leur transhumance témoigne pour la force d’une mémoire, d’une lumière d’avant les hommes- droit d’aînesse que d’ailleurs il leur faut payer au prix fort
Ainsi je fais moins fi des variations du temps,sèche avec le vent d’est, revis lorsqu’une dépression approche son haleine, humecte l’horizon d’un front bas de nuages
alors le corps est comme une maison où des chambranles gonflent où des parquets respirent les lèvres colmatent leurs fissures prêtes pour la pluie ou plutôt le crachin qui est comme les postillons d’une grande parole le regard intérieur s’assouplit tandis qu’à l’horizon le bocage lève comme un gâteau on dirait même que les viscères sont prêts (pourtant les miens sont franchement athées)
à écouter la pluie et son crépi jeté évanescent sur les fenêtres comme une aria céleste
mais c’est évidemment trop dire
Au printemps j’ai des chemins creux qui poussent dans la tête, des envies de campagne
rarement je passe à l’acte je me complais plutôt à choyer la mémoire d’un jour à l’île aux Moines où nous avons marché entre deux fanfares d’aubépines (la métaphore tant pis trahit la paix du lieu)
le vert d’une île en face faisait comme un motif mit la très grande assiette de la mer
Pourquoi étions-nous si sereins?
Etait-ce au bout du chemin la certitude que serait une plage où ramasser des coquillages?
Ce matin j’ai senti un avant-goût d’été
il suffisait que soit ouverte une fenêtre de cuisine que s’en échappent des bruits légers de vaisselle qu’on range fugitivement faisant tinter comme des sous du nouvel an
les beaux jours à venir et que sur le rebord fume la tache rose des langoustines
dans un grand plat qu’on avait mises à refroidir
…
Renée Vivien – un éclair qui laisse les bras vides
Ta forme est un éclair qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l’instant que l’on ne peut saisir…
Tu fuis, lorsque l’appel de mes lèvres avides
T’implore, ô mon Désir !
Plus froide que l’Espoir, ta caresse est cruelle
Passe comme un parfum et meurt comme un reflet.
Ah ! l’éternelle faim et soif éternelle
Et l’éternel regret !
Tu frôles sans étreindre, ainsi que la Chimère
Vers qui tendent toujours les vœux inapaisés…
Rien ne vaut ce tourment ni cette extase amère
De tes rares baisers !
____________(Études et préludes, 1901)
Alain Helissen – ( my life on a horse back ) 10027810

Jacques Borel – la plaie
Pourquoi es-tu mort, père,
Après m’avoir craché,
Inutile noyau,
Dans cette longue plaie
Qui ne se ferme plus ?
J’ai grandi, arbre d’os,
Dans une combe humide,
Arrachant une à une
A leurs lèvres de soif
Mes ingrates racines,
Mais quel hoquet là-bas,
Quel caillot, quel appel,
Quel cri toujours ouvert !
De ce versant d’adieu,
Je l’entends, agonie
Jalouse sous la terre.
James Joyce – Ma colombe
montage-peinture: Max Ernst
My dove, my beautiful one,
Arise, arise !
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.
The odorous winds are weaving
A music of sighs :
Arise, arise,
My dove, my beautiful one !
I wait by the cedar tree,
My sister, my love,
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.
The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise !
XVII
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi
Sur mes lèvres et mes paupières,
Rosée de nuit repose là.
Le vent fleurant tisse en concert
Tous les soupirs comme des voix
Ma colombe, belle et si chère,
Eveille-toi, éveille-toi !
Près du cèdre là je t’attends,
O toi ma sœur et mon amie,
O colombe de ton sein blanc,
Ma poitrine sera le lit.
Pâle rosée vient se poser
Comme un voile par-dessus moi.
Ma colombe, belle et aimée,
Eveille-toi éveille-toi.
- extrait du recueil « musique de chambre «
Bernat Manciet – L’écorce du cours d’eau
La soie
efface
l’écorce
du cours d’eau
petit jour
goutte noire
la branche
bronche
aérienne
mais œuvre
de givre
la neige
prononce
les lèvres
Cécile Sauvage – Le vallon
dessin perso RC
Le cœur tremblant, la joue en feu,
J’emporte dans mes cheveux
Tes lèvres encore tièdes.
Tes baisers restent suspendus
Sur mon front et mes bras nus
Comme des papillons humides.
Je garde aussi ton bras d’amant,
Autoritaire enlacement,
Comme une ceinture à ma taille.
Cécile Sauvage.
Justo Jorge Padrôn – Origine de l’étonnement
sculpture grecque : tête d’Aphrodite
ORIGINE DE L’ÉTONNEMENT
Je la désirais belle comme une hache.
Aussi ferme que le silex
pour être orgueil et force que rien n‘ébranle, l’imaginais toujours apparaissant
quand je la pressentais dans la sérénité,
Combien d’années me fallut-il pour m’exercer
à l’habitude étrange d’une étrange attente?
Elle était là soudain étendue dans les feuilles.
Vivante, Inhabitée,
seule comme à l’origine des temps.
J’ai entendu son cœur qui blessait l’air
et tintait dans mes veines au point ou presque de faire éclater
la peau entière de mes rêves.
Et j’ai glissé mes lèvres sur son corps devenu lèvres,
Sans réussir pourtant à la réveiller,
J’ai supplié devant la nuit,
Seul le délire du silence grandissait.
Je suis tombé auprès d’elle, épuisé, vaincu,
dans une somnolence d’ombres j’entendais
un fracas de sabots croiser la plaine froide.
Du coeur des nuages, de la rose des vents,
des mers limpides et corallines,
du fond des bois d’étoiles parfumés,
de l’obscurité indomptée,
resplendissants, libres, splendides,
galopaient vers moi les chevaux,
J’ai, pour les apaiser, éteint leurs crins,
J’ai noué leurs longues queues à ce corps endormi
et dans son sexe d’ombre allumé un brasier,
Le feu de l’inquiétude à nouveau a brûlé,
le désir de vertige des chevaux,
Et chacun, invoquant ses origines,
a pris le chemin de son destin d’eaux,
leur fougue était si grande qu’ils ont,
lentement, en déployant leurs queues,
réveillé ce corps svelte.
Et tel un arbre de lumière,
telle une fontaine en sa nudité
ou comme une femme unique dressée face au soleil
pour la première fois s’est mise debout
ma parole.
Jacques Ancet – dire la beauté
*
sculpture H Matisse
Mais dire la beauté ,c’est dire un mot
qu’on écoute pour voir ce qui brûle
les yeux ou simplement les caresse
entre la transparence du ciel
et le regard s’étend le mystère
de l’apparence on cherche à franchir
cet infranchissable en remuant
les doigts et les lèvres il en résulte
ni chant ni mot un petit bruit.
Ce que dissimule le désert – ( RC )
photo: pochette de CD « Silencio » Gidon Kremer
Il y a une étendue plate,
– Elle se perd dans l’infini – .
> Elle appelle un désert,
un océan,
ou un simple terrain inhospitalier.
Et rester immobile tout ce temps,
debout,
on compte les heures en suspens –
ou plutôt on ne les compte plus ;
c’est une attente,
le regard dans le vague.
Le ciel est trop haut,
Il écrase de son poids
tout ce qui s’échappe de l’horizontale.
Mais tu espères sans t’en rendre compte,
au-delà de la solitude,
La rupture des écluses,
que les lèvres du temps s’entr’ouvent.
Et la crainte, en même temps,
Que les yeux ne sachent pas voir,
Ce que dissimule la surface unie
– Un guetteur du désert des tartares –
« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Et si le vide était une illusion,
et que continue dessous,
l’échappée des heures,
…Une simple dilution.
La vie est souterraine .
Elle fait un grand détour,
vers toi
pour contourner le froid.
T’en rends-tu compte ?
–
RC – juill 2015
Théo Léger – Beauté des temps révolus
Peinture: Giovanni Boldini
Elles traversaient les profondeurs de l’argent des miroirs.
D’une fragrance de chevelure aux parfums érotiques,
d’une jaillissante malice de dentelles couvrant leur chair
où luisaient les globes fragiles soumis aux caresses de l’homme,
de leur murmure d’éventails, de leur secret de bagues
dont les fourmis laborieuses ont mémoire au musée
sous les racines d’un monde vert
qu’est-il resté ? Rien. Ton seul sourire :
un papillon de cils battant contre une lèvre d’amant
la crispation de doigts malhabiles.
Sur les draps de la nuit était-ce
cris de naissance ou de mort? Cela, les horloges l’ignorent.
Théo Léger (1960)
Vanité – ( RC )
il est dit
que le son
ne franchira pas
tes lèvres.
Si c’est d’un miel
le temps qu’il s’écoule,
une pâte lourde,
où des miettes noires s’agitent.
Fourmis actives,
aussi nombreuses
que les secondes
courant dans une heure.
Alors, – parlons des jours,
voire, des années,
Les pensées en sont les étoiles,
tapissant la voûte céleste
d’un crâne …
–
RC – juill 2015
Jean Pérol – À mes côtés
Ne donnez plus rien
aux courages lâches
tenez écartées
les fêtes pourries
j’attends que la nuit
tire sur tout sa bâche
et d’autres caresses
que de ses furies
j’attends le dirais-je
les cieux plus légers
sur tous les vergers
la musique en plis
j’attends la lumière
des blancs d’avalanche
les masques tombés
les pardons en pluie
la douceur des mains
des lèvres fidèles
un cœur sans calculs
la farce effacée
un Japon des mers
des chants d’îles mauves
un matin charnel
entrer dans les villes
quand plus rien n’importe
franchir le portique
le démon aux portes
l’ange à mes côtés
–
extrait du recueil:
Libre livre
– See more at: http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/libre-livre/antoine-de-molesmes#sthash.zOCDeJZ1.dpuf
Il est minuit depuis si longtemps – (RC )
–
Il est minuit depuis si longtemps
…. Le long des parcours du jour.
J’ai traversé le sommeil,
> Et dehors, la caresse
Des courants tièdes,
N’atteignait pas le mur.
J’y étais enfermé,
Et mes bras menus ne pouvaient rien
Contre le froid, contre l’attente …
Et la douceur des choses
N’était qu’à deux pas.
Des promesses de l’été.
Les paroles gelées sous les lèvres,
La jeunesse habillée d’oublis,
Les yeux grand ouverts
Derrière des paupières inutiles
Sont à l’écart des champs de jeunes blés,
Où le vent s’ondoie.
Il faudrait que la terre tremble,
Que les lézardes prolifèrent,
Et que les pierres se descellent,
Pour que le sortilège tombe avec,
Et que le regard puisse enfin,
Goûter vraiment, à la douceur des choses.
Le baiser à la terre,
La ronde du soleil …
Le temps d’un autre départ,
Pour retrouver le désir,
Sa propre route, au dedans,
Pour y courir librement, les pieds nus .
–
RC – juillet 2014
–
Eugénio de Andrade – Matière solaire XVIII
Sculpture: Henry Moore
J’ai aimé ces endroits
Où le soleil
Secrètement se laissait caresser.
Où étaient passées des lèvres
Où les mains avaient couru innocentes,
Le silence brûle.
J’ai aimé comme on brise la pierre ;
Comme on se perd
Dans l’insensible floraison de l’air.
Alain Borne – Je m’endors et je meurs
peinture: Yan Pei Ming
Je m’endors et je meurs.
Quand je serai mort
vous ne penserez plus à moi
avec moi mourra ma musique.
et si des lèvres vives la chantent encore
ce seront elles que vous aimerez
( en une seule injure )
Philippe Delaveau – Les monts bleus
peinture : Morgan Ralston
–
Les monts bleus et le ciel songeur.
Toi
Dont les yeux ardents sont
L’abri du ciel et des monts.
Source, frisson, tristesse, joie.
Je baiserai de ma langueur
Ta bouche.
Je vois les mots se former
Dans tes pupilles, sur tes lèvres.
Et je respire ton haleine.
Je me raccroche à la vie,
Je sais l’existence du monde
Lorsque je tiens ta main.
–
in (Le Veilleur amoureux)