Un être de mer – ( RC )

photo RC – Finistère -janvier 2021
Ce n’est pas une frontière,
ni une ligne, ni une surface,
une zone interdite,
c’est un océan, une mer,
qui vient et se retire
mais jamais trop loin.
C’est comme un être qui respire,
aux baisers salins.
Un être qui t’invite
quand la marée se lasse
dans de petite flaques
autour du sable mouillé,
se dissimule derrière les rochers,
les épaves rouillées
dans l’attente du ressac.
Il n’a pas d’étendue définie,
pas de limite ,
se rétrécit au découvert de plage,
puis revient comme un cheval sauvage,
lui que l’on croyait assoupi,
étincelant au soleil de midi,
jouant de sa robe ouverte
sur la gamme bleue des gris.
Ceux qui empiètent sur son territoire
le font en pure perte :
c’est ce pays sans mémoire
qu’on ne peut pas cerner,
trop indocile
pour qu’on puisse le dompter.
Il peut dévorer les îles
les engloutir sous la brume;
à coups d’écume.
Il reprend ce qu’on lui a volé,
des châteaux éphémères
aux navires téméraires
des temps écoulés….
……tel est le pays de mer.
Un dessin qui n’a peut-être même pas existé – ( RC )
Stoppages avec mètres étalons ( Marcel Duchamp, page de magazine Life )
–
Mon dessin a suivi son chemin:
il n’avait pas le tracé sinueux
des racines, en travers du chemin,
pas l’épaisseur du trait repoussant
les obstacles, comme mes bottes
dans l’épaisse couche de neige.
Je me suis demandé comment il avait commencé.
Je l’ai senti avant de le voir,
avant qu’il apparaisse sous la mine.
C’était peut-être une opération mentale.
Elle aurait donné de résultats semblables,
si j’avais poursuivi la ligne,
les yeux clos.
On pouvait voir une ressemblance
avec quelque chose de connu, bien que
on n’en soit pas sûr.
Le chat a marché dessus, il n’y a vu aucun sens,
rien qui ne le trompe au point qu’il s’arrête.
C’est juste une interprétation du visible,
une musique en devenir, et l’esprit
en suit les indices,
comme si on cherchait la solution
à une énigme.
L’espace a continué de se feuilleter , en pages
glacées, un coup de vent a retourné la feuille.
On ne voit plus rien.
Peut-être même qu’il n’a jamais existé.
–
RC – oct 2016
Nouvelle naissance, au sortir du gris – ( RC )

peinture: Emilio Scanavino
Etouffant ton angoisse,
Et, confronté au vide,
Une corde tendue au-dessus du précipice,
La bruine d’une cascade mugissante,
Saisis l’instant précis,
Pour peut-être passer sans encombre,
De l’autre côté,
Et laisser de l’autre ton passé
Progressant, la vie suspendue à un cable,
Mais toujours reliée à la mémoire.
Une ligne à trait tendu,
Une parole laissée au vent,
Portée jusqu’aux mots qui sauvent,
Et tu verras au plus loin,
De cet endroit,
L’horizon élargi
A perte de vue,
Ou plutôt, la retrouver,
Réinventer la vie,
En nouvelle page blanche
Te laissant éblouï,
Où la toute première trace,
Sera nouvelle naissance ,
> Au sortir du gris.
–
RC- avril 2014
–
Mizpirondo – à l’approche de la pierre

cote rocheuse en Sardaigne
La ligne s’est mise à chanter – ( RC )

dessin – Henri Matisse modèle de dos
–
Enroulée sur elle même,
La ligne s’est mise à chanter,
S’inscrire en spirales
Sortir de la page,
Partie au loin,
Echappée avec Klee,
En petits signes,
Appuyés sur la couleur
Pour y revenir,
Encore plus libre,
–
En arabesques,
Autour des odalisques.
–
Matisse,
Joue de ce qui s’ouvre,
Des bords des visages,
Le dessin y invente,
Un regard, un sourire,
Une calligraphie du corps,
– Il danse,
En quelques traits posés
Les échos de ses courbes,
Et s’offre sur l’espace.
–
RC- janvier 2014
–

Dessin-peinture: Paul Klee – la chapelle
Sabine Vadeleux – Etre le miroir de l’autre
Säb –
photo: Bruce Davidson. Chicago – 1963
–
Regarde encore et encore
Est-ce ton reflet sous cette lune ?
Ma main se lève lentement, doucement
Chaque mouvement reproduit à l’identique
Comme Une.
Ce que j’aimerais c’est connaître ton intérieur
Ton être vrai et véridique
Miroir de mon âme, je lâche les armes
Comme une hérétique.
Les grains de sable s’envolent emportés
Par le vent…
Les temps s’échappe toujours
Tu sais… difficile d’arrêter à temps
Rien ne peut enrayer sa course
Effrénée soufflée à la craie de nos incertitudes
Et de nos désirs secrets.
Pourtant une plongée dans ton iris
Me réveille
En sursaut, tel un serpent surpris par l’eau
Nagé par mont et par vaux … être le miroir
De l’autre…
Une essence une intensité intimement nouée,
Une confusion des sens dans un souffle inné.
Une intension où les corps et feux se dilue peu à peu
Et se répand poète.
Les grains continuent et glissent toujours
Escalades d’émotions qui ne s’attardent
Et surgissent.
Mais quelle hypocrisie de l’histoire
Que ces espèces de lignes qui nous tissent
Le visage.
Regarde encore et encore dis-moi tout… parle-moi de cette statue
Est-ce toi ? est-ce moi ?
Est-ce mon émoi ?
Que d’être le miroir de l’autre
Ou les deux confondus.
—

dessin: MC Escher
et beaucoup d’autres textes d’auteurs, visibles sur les Carnets de Poésie de GuessWho
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Un parcours avec Matisse ( RC )

peinture: Matisse, Capucines à la Danse II,,
Un parcours avec Matisse
–
« Tout brille , tout chatoie
Tout est lustré, verni «
Et les couleurs toutes serties
Dansent encore des figures de joie
La danse, justement, s’anime,
Traverse la toile , en spirales
Gerbe de lignes, et trois tons qui s’étalent
Sans décor, d’aspect anonyme
Bleus et verts s’affrontent, lisses
avec des roses et orangés,
L’écho des odalisques, allongées
Des intérieurs fleuris, de Matisse

peinture H Matisse: intérieur rouge, intérieur jaune et bleu
Les bocaux de poissons devant la fenêtre
Voisinent des lignes arabesques,
Azurs teintés de rythmes, presque
Tout est verni, lustré, prêt à naître.
dessin : H Matisse : portrait de Marguerite
Mais aux portraits à la plume, en séries
Les formes jouent de lumière offerte
Et dialoguent, du papier blanc, ouvertes.
Le décor des motifs , le même que la tapisserie
Transmet à l’oeil son doute
Comme s’il faisait fausse route …
Dans les courbes et dans l’épure
Luxe, calme et volupté, point de lutte
Entre harmonie, enchaînement des volutes
Où la ligne ondule et s’aventure …
Puis la traversée d’un ciel, par les ciseaux,
Couleurs franches et gouaches découpées,
Savamment associées et groupées
Comme l’aventure migratoire des oiseaux…

Jazz- HM –
Jazz ( et rythmes déhanchés),
Bal des feuilles de figuier, détachées
Dans un autre espace , s’élance
L’art du peintre, par excellence.
NB les deux premiers vers » Tout brille , tout chatoie Tout est lustré, verni »,
est une citation de H Matisse lui-même.
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RC – 29 juin 2012
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Gregorio Scalise – Que le monde suive une ligne verticale
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Gregorio Scalise
( re-bloggé du site ‘une autre poésie italienne » )
Poète, dramaturge, Gregorio Scalise est né en 1939 à Catanzaro et vit actuellement à Bologne. Ses débuts sont sous le signe de la poésie visuelle et de la néo-avant-garde ; son premier recueil (A capo) est publié par la maison d’édition Geiger dirigée par Adriano Spatola. Avec Segni, présenté dans l’anthologie Il pubblico della poesia de A. Berardinelli e F. Cordelli (1975), il obtient une large reconnaissance de la critique, notamment de Fortini. Parmi ses recueils l’on peut citer aussi La resistenza dell’aria (1982), Poesie dagli anni ’90 (1997), La perfezione delle formule (1999).
1.
Che il mondo segua una linea verticale…
Que le monde suive une ligne verticale,
les nuages le font comprendre,
car les choses les plus belles
viennent à nous entre les failles de vent ;
si son esprit pouvait se délier
mais l’évocation est une zone sèche
où s’épuise le langage,
si au cours des siècles
les hommes décident toujours :
l’eau frappe de mille langues
une plage herbeuse
et les objets, réunis à la chose,
savent que les yeux ne suffisent pas
pour conserver un secret.
(Danny Rose, 1989)
–
Jean-Jacques Dorio – Passage d’Hermès
PASSAGE D’HERMÈS
Il n’y a que la première ligne qui conte
Contre le roc la mer contre la nuit les secrets
de la seconde ligne puis de la troisième
Lambeaux et restes dans ces sillons
Mythes mutant transports métonymies
On hisse le soleil sur la prose du monde
Échafaudages poulies on perd la tête
les cornes la pointe obscure du génie
Neuf lignes neuf sens on peut recommencer
Hermès sa lyre de tortue à grand pas