Gérard Engelbach – Pluies
photo Emmanuelle Gabory
I
Pluies.
Sous son arche déshabitée
le fleuve roule un limon jaune
et dans les glaces opportunes
un passé possible grimace.
II
Un peu de patience
encore
un peu de
cendre sur la vitre
engluée de l’aube immédiate
Un peu de sang
au centre
de la plaque
Une longue fêlure noire
comme un grincement dans les moëlles
Voici venir
l’irrémédiable.
III
Vertèbre hérissée de prestiges
claque dans l’épaisseur du cri
Lueur
sous de la nuit soudain moins noire :
vertige irisé des ténèbres.
Dire juste le tremblement des moires
là où s’épand le verbe tu.
Max Pons – Eve
– Bas-relief , Autun , art roman – tentation d’Eve
–
ÈVE
Toi la première et la dernière
Je te recommence patiemment
Toi perdue et retrouvée
Détruite et reformée
Toujours la même
Me voici
Lucide et heureux
Devant cette glèbe
Cette argile fertile
Te pétrir
Te lisser
Te polir
Te reconnaître enfin
Te finir
Me voici
Devant ce val délicatement veiné
À la naissance d’un fleuve d’ombre et de feu
Estuaire au limon de vie
Devant ces meules lourdes de louanges
Cette fête de courbes
Ce langoureux
ballet
Paysage pour la grande faim
Du dehors et du dedans
Me voici
Après une longue errance
Aux confins de toute une flore
D’algues et de mousses
Depuis toujours je te connais
Inventée avant de te toucher
Faite pour que je te révèle
Ce que tu es
Valente— écrire
Écrire est comme la sécrétion des résines,
non pas acte, mais lente formation naturelle.
Mousse, humidité, argile, limon, phénomènes du fond, et non pas du sommeil ou des songes, mais des boues obscures où fermentent les figures des songes. Écrire ce n’est pas faire, mais se loger, être là.
Valente
Writing is like the secretion of resins,
not act, but slow natural formation. Foam, moisture, clay, silt, phenomena from the bottom, not sleep or dreams, but when fermented sludge obscure figures of dreams. Writing not to do, but to stay, be there.