Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions

hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour
Troncs d’arbres fossiles – ( RC )

Forêt pétrifiée de Varna
Vieilles âmes habillées de bois,
parcourir cette forêt morte,
cette terre inondée,
branches tombées, entremêlées
corps agonisants dans la litière
épaisse des mousses,
linceul de feuilles pourrissantes…
troués par le temps
debout encore , cependant.
Les oiseaux ont déserté les cieux
pour des pays plus accueillants.
Restent les rudiments de ces arbres,
fantômes, fuseaux d’écailles
témoins immobiles d’antan,
d’où a reflué la sève,
aubier poisseux de sédiments,
petit à petit asphyxiés,
imperceptiblement
transmutés en pierre,
désastre de colonnes éparses,
marbre gris évoquant
celles de temples écroulés,
aux rites enfouis profondément
dans une gangue épaisse
gardienne de leur mémoire pétrifiée .
RC
on renverra aussi vers un article évoquant la découverte, en Essonne, de forêts calcifiées)
Nuno Judice – Remords
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Ce sont des choses infimes :
Les fenêtres qui battent au vent,
Des suspensions de phrases
Dans le souvenir d’un désir,
Les cheveux dénoués
Quand l’interrupteur rétablit la lumière.
Mais c’est cela dont tu te souviens
Quand il semble qu’il n’y ait plus rien
Alentour de toi ; et la nuit
Qui pouvait t’envelopper
Dans le linceul froid du silence ultime
Oublie que tu existes.
Alors tu déroules les images à l’intérieur de toi
Comme si tu pouvais encore vivre
Chacune d’elles.
Tu ne dors pas :
Mais ce n’est que lorsque la lumière de l’aube
Te rappellera qu’il fait jour
Et que tes paupières seront lourdes comme du plomb
Que tu pleureras les heures blanches
Le goût acide du ressac
Et l’amour que tu as perdu
Dans l’hésitation d’une étreinte.
–
voir cet article de François Weigel sur Nuno Judice.
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Lambert Savigneux – et mâcher la machette – Utopia –
Emily Kame KNGWARREYE
et mâcher la machette
quand la pression du monde est si violente, que sur les tempes le monde appuie avec des barres de fer qui écrasent la pensée même
est t »il simplement possible de vivre et qu’est ce vivre ?
se dire c’est dire je suis et faire abstraction de la pesanteur, se délaisser du monde qui enserre
prendre la plume et écrire deux mots semble impossible, étrangler dans les langes d’un linceul, se fait croire pour la vie
UTOPIA
l’imaginaire est compressé, emprisonné dans une lente mort, les yeux eux mêmes ne voient plus autre choses que ce monstre qui détruit,
l’autre, les autres car écrire cela n’est pas écrire
écrire c’est libérer l’étranglement, c’est desserrer l’étreinte
vaincre la mort et l’étouffement
rétablir l’équilibre et l’énergie,
asphyxié
rétablir l’équilibre, mentalement de sa place dans l’univers et ouvrir la main et relâcher un tant soi peu tout ce qui croupit dans cette tension de mare où pourrit la vie, délétère sous le couvercle d’une oppression qui empêche de respirer, inspirer et laisser aller le flot de parole garant de la vie
c’est l’imaginaire, cette porte ouverte, cette nappe intérieure d’où s’échappe le lotus
fleuri
pouvoir dire cela et ciller apercevoir un autre soi et se mettre à courir
56 EMILY KAME KNGWARREYE (c1910 – 1996). UNTITLED (ALHALKERE), 1995
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André Velter – Marche d’approche

Isenfluh
Marche d’approche.
Bien sur j’irai seul
Affamé volontaire
J’irai pour te plaire
Serré dans ton linceul
Le sommet t’appartient
Au-dessus des alpages
J’atteindrai le nuage
Qui ne recouvre rien
Il n’y aura plus d’ombre sur la terre
le soleil sera peut-être entre mes mains
Ravivé
Avec moins de violence
Souverain
Sans impatience
Par l’altitude reconquis
par la solitude rappelé au désir
Comme le silence à perte de vue dans le bleu dans le blanc..
je lutte à armes inégales
Si peu familier des harnais et des clous
Des bivouacs en pleine paroi
Des réflexes d’insomniaque contre froid
la nuit l’horizon reste en coulisse
le ciel n’est pas le manteau espéré
Je joue à contre-emploi
Une pièce qui s’écrit avec les pieds
Mais sans renoncer à porter les mystères
Sans abandonner le souffle à la pesanteur
Sans craindre de déboucher hors d’atteinte
Un pas plus haut
Un pas toujours plus haut
Dans cette approche impossible
Qui passe de l’effroi à l’extase
Comme d’un réel à l’autre
D’un univers à l’autre
Et pour le même amour..
André Velter. « Une autre altitude »
extrait.. » l’ascension du Mont A n a l o g u e »
Marina Tsvetaieva – Interdit cet amour
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Interdit cet amour, ô femme aimée, ;
Douce l’onde des cheveux et des fleurs.
Destin accompli, mystère — tes voies
Je ne les sonderai pas
Ô bien-aimée ! chemin de croix.
J’étais nu et tu m’as revêtu
De tes cheveux, une averse !
Et du flot de tes larmes
Je ne compterai pas les pièces ‘ Dépensées pour l’huile et le parfum, . . J’étais nu et tu m’as revêtu De la vague de ton corps, tel un mur.
De mes doigts je frôlerai ta nudité
Douce comme l’onde, fraîche comme l’air,
J’étais droit et tu m’as incliné,
Dans mon linceul enveloppé. Dans tes cheveux creuse-moi un lit Et revêts-moi de lin Qu’ai-je à faire de la myrrhe, Du linceul, des parfums ?
J’étais droit et tu m’as fait ployer,
Revêtu d’une averse de pleurs.