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la fuite éperdue du langage – ( RC )


photo Susanne Derève

Ici ce sont des mots
accrochés aux poteaux.
Ils balbutient,
aux orgues du couchant,
et peut-être que le concertiste
a pris les devants
avec mille et une variations,
du cor nu
qui délaisse les bois
pour résonner, ingénu
sous d’autres climats
d’autres lois .

Et ce sont celles de la ville
qui indiquent au passage
la fuite éperdue du langage
emporté par la symphonie urbaine.
Lire ce récit comme une partition
serait bien chose vaine :
Jusqu’aujourd’hui on n’a jamais pu
en faire un poème
à portée de rue :
un cor nu
n’est pas ce corps nu
allongé sur un piano
qui tenterait de lire les mots
accrochés aux poteaux.


Raymond Carver – pluie


PLUIE

Réveillé ce matin avec
une envie terrible de rester au lit toute la journée
et de lire. J’ai lutté quelques minutes contre cette idée.

Ai regardé la pluie à travers la fenêtre.
Et lâché prise. Me mettant entièrement
à l’abri de ce matin pluvieux.

Serais-je prêt à revivre ma vie ?
Avec les mêmes erreurs impardonnables ?
Oui, si c’était seulement possible. Oui.

(in Where Water comes Together with Other Water (1983)

RAIN

Woke up this morning with
a terrific urge to lie in bed all day
And read. Fought against it for a minute.

Then looked out the window at the rain.
And gave over. Put myself entirely
in the keep of this rainy morning.

Would I live my life over gain ?
Make the same unforgivable mistakes ?
Yes, given half a chance. Yes.


Le texte se soustrait au regard – ( RC )


peinture: Malevitch   : composition suprématiste ( carré blanc  sur fond blanc )  1918

peinture: K Malevitch :           composition suprématiste ( carré blanc sur fond blanc ) 1918

 

 

 

 

J’ai eu un peu de mal à lire :
Les caractères sont  trop petits,
mais  en plissant les  yeux,
j’arrive à distinguer les mots  ;
avant qu’ils ne retournent  dans le blanc.

Peut-être  que ces  écrits
se dissolvent  d’eux-même,
et n’ont pas de rapport  
avec ma vision
Reste à savoir pourquoi.

Le message  se soustrait au regard,
rentre dans le blanc  du papier,
d’abord pâlissant,
puis  carrément  blanc :
>     il se dissimule ,

jouant les  extrèmes
comme  pouvait le faire
Malevitch  avec son fameux
 » carré  » ( qui n’en est pas  tout à fait un )
posé  en oblique ,

mais qui, avec les années,
        reste  apparent.
Le texte  est sans  doute  toujours là,
en encre blanche,
celle  qu’on dit  sympathique.

Il suffirait
d’un procédé simple,
pour le faire réapparaître :
la chaleur  d’une  flamme,
comme  dans  chaque page

( que l’on croit  vierge  d’intentions )  .


RC – juin 2015

 

 


L’attente de te lire (RC)


Dans ma porte secrète
Il y aura toujours prète
L’encre de ma main
Pour t’écrire demain

Peinture de Greuze; M Watelet 1765

( Pour Jo )