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point final à la fête – ( RC )


Les brigands tentaient de renverser la table,
les couteaux plantés
dans le lit de justice,
après avoir brisé quelques vitrines.

La statue vacillant sur son piédestal,
mais à boire trop de bières,
leurs mains se sont figées
dans un festin de pierres,

juste au moment du dessert,
quand les heures s’émiettent ;
les couteaux s’émoussent aussi.

Sur la table, l’ombre du commandeur
se saisit d’une partie de la nuit,
en mettant un point final à la fête.


Louis Guillaume – l’ancre de lumière


  

extrait de      "LA NUIT PARLE" (1961)

                                                                                           
  A Marthoune.

La mer semblait de pierre calcinée, mate et pourtant transparente et, à une grande profondeur, sur un lit de sable gris, je distinguais fort bien l’ancre lumineuse qui m’empêchait de dériver.
Il était seul, mon bateau, seul au milieu de l’immensité noire et, seul à bord, penché au-dessus de l’abîme, je ne quittais plus des yeux, minuscule et seule, elle aussi, dans le désert couvé par l’océan, cette croix de feu sous la courbe d’un sourire.
Et, à force de fixer sur elle mon regard, elle m’apparut comme un visage, comme ton visage nocturne, mon amie. –

montage perso

Les bras de l’ancre devinrent ta bouche, la tige dessinait la ligne de ton nez et le jas celle de tes sourcils. Si distant et si attachant, c’était bien ton visage qui brillait là-bas, qui liait ma barque à la terre malgré les ressacs et les courants, et continuait de veiller,
même lorsque je scrutais l’horizon.
— Lève l’ancre ! dit une voix soudaine.
Alors, tu poussas un cri si déchirant que je m’éveillai à ton côté.
Et notre lit tanguait dans l’ombre.


Le regard des planches – ( RC )


C’est cet arbre qui penche
et se courbe de vieillesse:
la pluie n’est plus une caresse
pour le poids de ses branches.

Le vent le déshabille
puis le couche sur le flanc
au milieu des brindilles :
il a fait son temps…

D’une coupe franche,
on a débité son tronc
pour du bois de construction,
et des tas de planches.

As-tu vu ce que je vois ?
une empreinte indélébile:
un regard immobile
incrusté dans le bois

– et ce sont ces noeuds
au milieu des échardes
qui me regardent
comme des yeux .

L’arbre défunt ,
des jeunes pousses, se souvient ,
du sol couvert de mousse,
et des feuilles rousses ….

Encadrant mon bois de lit
il m’arrive de penser à lui
quand son regard me suit :
C’est comme cela qu’il survit.


Renée Vivien – Lucidité


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L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !

____________(Études et préludes, 1901)

 


Lucie Taïeb – s’éveiller


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Edward Munch – nuit à St Cloud

 

en Normandie s’éveiller la nuit ne pas être éveillé ne pas savoir se réveiller
seul, dans un lit différent dans une configuration différente des ombres et du noir et
d’une voix qu’on ne se connaît pas dire dans la nuit au corps qui devrait être là
« j’ai peur » puis frôler du dos de la main non ce corps ami mais le mur et
reconnaître le crépi savoir, alors, quel est ce lit et pourquoi seul
se rendormir.


Histoire de rangement – ( RC )


 

 

 

 

020 Homunculus Stock.jpg

brookenshaden favorites  :  Homunculus Stock

 

Parfois, je ne sais plus vraiment où je suis rangé.
On me retrouve dans les endroits les plus divers

( dernièrement sur une étagère ),
…y pendait un tissu frangé .

Autrement, ce fut une fois avec les assiettes,
dans le buffet de la salle à manger :

mais ma vie devait être en danger,
car voisinaient les verres aux multiples facettes.

La bibliothèque m’accueille dans les rayonnages,
généralement c’est en été,

les portes restent fermées,
et j’ai mon lit de pages.

Mais mon corps est en plusieurs parties ,
car tout cela manque de place

( certainement pas assez d’espace
pour y installer un lit ).

Cette histoire de rangement
n’est pas le premier de mon souci ,

je me découpe, je me déplie
tout à fait naturellement .

Des fois il n’y a qu’un pied, qu’une main
qui s’égare par erreur.

Je n’ai pas essayé le congélateur :
ce n’est pas un endroit très sain

on y côtoie de la viande en sachets
des légumes et du pain durci :

je ne fréquente pas ces lieux ci ;
on dira que je ne suis pas prêt….

Il me faut un minimum d’air
pour que je subsiste quand même :

c’est ça le petit problème
de ma présence sur terre.

J’ai égaré mes poumons , mais je respire:
et même tiré en multiples exemplaires,

je sais qu’il ne faut pas trop s’en faire :
…….          comme situation, il y a pire…


RC – aout 2018


Suzanne Derève – Monsieur


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Monsieur savez-vous que la prose
Que sur ces pages je dépose
Est née d’un hasard ce matin
En effeuillant le romarin
Sur une volaille de Bresse
Que j’ai vidée comme à confesse
Engrossée d’ail et de thym
En rêvant d’un alexandrin
Et que ce soir dans ma cuisine
Me sont venues ces quelques rimes
En bardant un rôti de porc
Et puis ce fut un oxymore
Cette innocente Pénélope
Devenue icône interlope
(car je fais et défais mes vers
En épluchant les pommes de terre)
Monsieur qui lorgnez mon corsage
Je vous confie le repassage
Car il me vient tout un sonnet
En mettant le linge à sécher
Je vous passerai le plumeau
Le temps d’aligner quelques mots
D’y glisser une métaphore
Je conçois bien quelque remords
De vous voir ainsi au fourneau
A la lessive et aux carreaux
Mais ainsi va la poésie
Et je vous rejoindrai au lit
Le coeur léger sous vos caresses
Je vous dirai que rien ne presse
Car cette soirée libertine
Vaut bien qu’on fasse une comptine
 —

Leslie Kaplan – livre des ciels


 

Résultat de recherche d'images pour "edredon"

La chambre, notre grand lit plat. En face, l’armoire avec le miroir rigide.
Reflet.
Je suis avec lui, sous l’édredon. L’édredon est épais, à plumes, il ne pèse rien.
Carreaux multicolores, on est dessous, vivants.

Il est à côté de moi. Je vois la peau élastique, les yeux qui cherchent.
Il est là, allongé.

Par la fenêtre, le ciel humide, ses trous et ses volumes.
L’édredon est léger, envahissant comme une déchirure.


Marcel Olscamp – Amants perdus


4936849634_abbcd74442 NYC - City Hall Park_ Various Artists_ Statuesque_L.jpgAmants perdus

Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main

Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit

Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit

 

 

Marcel Olscamp,   Les grands dimanches


Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )


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peinture : D Velasquez

 

Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire

L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle

qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…

Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.

Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée

vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….

Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).

On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .

Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.


RC

– juill 2017


Raymond Carver – pluie


PLUIE

Réveillé ce matin avec
une envie terrible de rester au lit toute la journée
et de lire. J’ai lutté quelques minutes contre cette idée.

Ai regardé la pluie à travers la fenêtre.
Et lâché prise. Me mettant entièrement
à l’abri de ce matin pluvieux.

Serais-je prêt à revivre ma vie ?
Avec les mêmes erreurs impardonnables ?
Oui, si c’était seulement possible. Oui.

(in Where Water comes Together with Other Water (1983)

RAIN

Woke up this morning with
a terrific urge to lie in bed all day
And read. Fought against it for a minute.

Then looked out the window at the rain.
And gave over. Put myself entirely
in the keep of this rainy morning.

Would I live my life over gain ?
Make the same unforgivable mistakes ?
Yes, given half a chance. Yes.


Isabelle Pinçon – Celui qui était dans le lit


Afficher l'image d'origine

Un cube descend sur le lit,
le lit n’est pas un lit,
ce qu’elle a fait avant,
une multitude de lettres,
des papiers sur lesquels elle s’endort,
des lignes de fuite,
des formes géométriques,
une peinture abstraite,
des costumes, quelque chose qui occupe le regard –
tu regardes, tu regardes celui qui était dans le lit -.

Elle regarde fixement au-dessus de la porte,
elle prend une tapette sur l’étagère,
elle lève le bras, elle reste immobile quelques secondes,
le regard toujours fixé,
elle frappe d’un coup,
elle frappe fort,
la chute verticale de la mouche,
elle a envie de se donner quelques tapes sur les fesses,
elle le fait, elle s’amuse.

Isabelle Pinçon    Celui qui était dans le lit


Max Jacob – Un chapeau d’instituteur


André Utter

peinture:       Suzanne Valadon

 

Du large je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on l’a passée au lait de chaux.

Du bourg je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on a mis de l’ardoise au lieu de chaume.

Du sentier je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on a mis une grille en fer.

Et du coup mon cœur se fond,
il y a un lit de ville à la place du lit clos.

Je partirai sans vous regarder, Marie,
car sûrement vous avez des paillettes sur votre robe au lieu de broderie,
et une coiffe de poupée sur vos cheveux, effrontée !

Adieu, Marie, il y a une odeur de pipe dans la maison
et un chapeau d’instituteur sur la table.

Max JACOB « Poèmes de Morven le Gaélique » (Gallimard)


L’intérieur du galet – ( RC )


 

Lorsque le flot  s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair,            sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,

Que leur peau recouvre des entrailles,  un gemme
où se cachent cavités  et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces  améthystes,
refermées sur leur carapace.

Une circulation mystérieuse,
un secret,         un « être abstrait ».
Doué  d’autonomie,       clos sur lui-même,
comme de ces cloportes,  et leur armure.

Mais le galet,       ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse  et ronde,   portée  sur l’extérieur,
N’est  qu’un  intérieur qui s’expose.

Un pur contenu, sans  contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et  de pierres

Enfanté d’autres  roches, dévalées de l’amont,
vers de  liquides couloirs .
Des nuits épaisses,              habitées de truites
ablettes et gardons,           aux furtifs passages.

Les herbes       ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence            de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit           son poids de matière .

J’ai cherché                au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi  reconstituer une paire.

Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes  cristaux,          et encore moins,
–                         Le grain de ta peau.


RC  – nov 2014


Javier Vicedo Alós – distances


Sculpture:   James  Galschit

Sculpture:         Jens Galschiot  – Danemark

 

Distances

Seule une distance est terrible : la distance entre deux corps. Ces quelques centimètres qui nous séparent des formes anonymes dans les rues, les magasins, les bureaux, les cafés ou notre propre lit. Si proche son pouls du mien, sa faim ancienne et mes mains de pain, et si loin cependant, quelle épaisseur de barbelés dans l’air.

Javier Vicedo Alós,  ( né en 1985 ).

 

Distancias

Sóló una distancia es terrible : la distancia entre dos cuerpos. Esos escasos centímentros que nos separan de los bultos anónimos en las calles, las tiendas, las oficinas, los cafés o nuestra propia cama. Qué cerca su pulso y el mío, su hambre antigua y mis manos de pan, y qué lejanía sin embargo, qué tupida alambrada de aire.

Traduit par Edouard Pons, Poésie/première n° 59, septembre 2014.


Marie-Hélène Montpetit – Le matin en retour


photo: Jake Reinhart

photo: Jake Reinhart

Le matin crie Heïdi dans le chalet du lit

Mon corps est un sofa
dont les coussins bayent aux corneilles

Dans la corbeille du sommeil
j’ai lavé cette nuit du linge sale de famille

Le matin en retour de labour
s’étire
à travers les sillons de ma carte du ciel

 

de (40 singes-rubis, )


Jean-Jacques Ampère – Urania


 

 

 

 

 

 

 

Urania.

Adieu ce beau soleil de la terre amoureux,
Esclave de ses fils et se levant pour eux,
Qui n’avait d’autre soin dans toute la nature
Que de lui faire au ciel reluire une ceinture !
Adieu la Terre enfin, paresseuse beauté,
Se berçant sur son lit dans l’espace arrêté…
Plus de ciel ! il n’est pas. Son azur est un mensonge.
Plus rien qu’un vide immense où le regard qui plonge
Voit dans l’espace noir des flots d’astres nombreux,
Trop loin pour que jamais nous soyons rien pour eux
En un coin de ce vide… et là-bas… notre monde.

Jean-Jacques Ampère

 

 


Jacques Prévert – Alicante


peinture; Jane Peterson

Une orange sur la table
Ta robe sur le tapis
Et dans mon lit, vous
Cadeau doux de cette
Fraîcheur de la nuit
Chaleur de ma vie …

peinture: Paul Sérusier, nature morte dans l'atelier


André du Bouchet – L’air soudain


 

 

 

Au pied de ce mur que l’ombre défit, l’ombre

attend,

de ce ciel.

 

Cette blancheur furieuse, la nuit,

le souffle

qui me sépare de mon lit.

 

L’horizon diffus,

à la coupure du souffle. J’avance dans

le jour retentissant.

 

La maison s’anime, l’air se fend.

 

 

art: extrait de catalogue d'oeuvres de Giovanna Lizzio (encaustique sur reliefs)


Giorgio Manganelli- Centurie 31


photo Jacques Pavl guerre Iran Irak , vers Basra

 

 

 

 

 

 

 

Giorgio Manganelli   écrivit    Centurie  « 100 petits  romans fleuves »     voila  le  début  du 31   sur  haut et fort vous  pouvez lire  le 39

 

TRENTE ET UN

 

Pour dire les choses franchement, cet homme ne fiche absolument rien.

Il paresse. Il reste allongé sur son lit, s’étire, change de position.

Il va d’une pièce à l’autre. Il se fait un café. Non, il ne se fait pas de café. Non, il ne va pas d’une pièce à l’autre. Il pense aux choses merveilleuses qu’il pourrait faire, et il en éprouve un léger malaise qu’il serait toutefois exagéré de qualifier de remords.

Simplement, l’inactivité est un genre d’activité auquel il n’est pas habitué. Si j’étais militaire, médite-t-il, un de ces militaires qui ne se sentent hommes que lorsque tonne le canon et que se présente une raisonnable possibilité d’être tué ou de rester mutilé,

et de toute façon de se voir métamorphosé en monument, je devrais dire que je me comporte non seulement comme si le canon ne tonnait pas, mais quasiment comme si la paix universelle venait d’être déclarée, parallèlement à la destruction des monuments.

Comment se sentirait-il, pareil militaire ?