Catherine Pozzi – Lotus

Sur le lac pâle inondé de lueurs,
Sur le lac triste où l’eau froide frissonne,
Bien loin des bords où le chant monotone
Des grillons noirs, égrène sa douceur,
Seul et divin, planant sur l’eau dormante,
Eblouissant, pur, et mystérieux,
Un lotus blanc, magique , radieux,
Etale au ciel brumeux sa splendeur languissante.
Tu t’ouvriras peut-être ainsi, une nuit sombre,
Ô Fleur de mon amour suprême et désolé !
Et tu endormiras mon coeur désespéré
Dans un rêve alangui de volupté et d’ombre.
Lotus – (Susanne Derève )-

Un peu de terre, et le chaos des pierres que vient baigner le flot, rives,limons,rizières. Sous le sampan de bois, les lotus à fleur d’eau comme une peau légère et sur leurs tiges frêles, la jupe tendre des corolles, rose, translucide, d’où naît le poème ancestral, celui qui tient le temps dans ses filets, le porte jusqu’à nous en son précieux calice. Aux faces parcheminées, aux visages étoilés de sueur sous la paille, à leurs bouches édentées,je dérobe un sourire. Telle chaleur en deçà de l’ombrelle, la chanson filée de la rame en sourdine. Je ne trahirai ni l’effort ni le silence, ni la parole lente, je tairai les mots. Le bonheur est patience.

Kenneth White – lotus conus
extrait de la « cryptologie des oiseaux »

Lotus conus
L’oiseau-évangile
commun en diable
il est là
sur tous les rivages
écrivant sur l’eau, le vent, le sable
Renée Vivien – Ondine
Ton rire est clair, ta caresse est profonde,
Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font ;
Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l’onde,
Et les lys d’eau sont moins purs que ton front.
Ta forme fuit, ta démarche est fluide,
Et tes cheveux sont de légers roseaux ;
Ta voix ruisselle ainsi qu’un flot perfide ;
Tes souples bras sont pareils aux roseaux,
Aux longs roseaux des fleuves, dont l’étreinte
Enlace, étouffe, étrangle savamment,
Au fond des flots, une agonie éteint
Dans un nocturne évanouissement.
(Études et préludes, 1901)
Farah Willem – La brume et les insectes bruns

photo de l’auteure
Une pensée semble
s’ouvrir
comme une fleur de lotus dans l’eau, le rideau de verdure découvrant, chevauchant les heures, si fines, si fines, lésions et longues, élongées, entourées de molécules invisibles, une expérience, de nouvelles lois, étendues détendues, fragment du jour, errent les premiers sphinx de liseron, les voix transparentes qui se dilatent dans le jour, élytre du silence, faire entendre ce silence, dans une vérité éphémère cette distension, contre toute saison, l’esprit nage l’huile sur la brume, vers le temps qui ne peut s’empêcher, je sens le vent et ton nom, l’eau et les insectes bruns, le biseau des heures promptes, le sentiment de la boussole, l’acte des heures, je suis enracinée, la pudeur des feuilles froissées, le désœuvrement se concentre, une palette de feuilles égarées à l’abondance d’une musique lisse, ces nœuds de bois sur des substances de détails qui grouillent, je suis dupe, le couloir de la pensée sur des lignes, l’inaction mais ta voix, la voix qui me manque, le croc, ton ventre liquide, le temps se dépose, tes bras de l’éternité, des lueurs minuscules, cet infini qu’on ne peut éteindre, cet infini qu’on ne peut étreindre, et nous perdons la faculté d’être, et nous perdons la faculté d’être libres, je ressens la pensée jusqu’à l’excès des coïncidences, je n’ai rien que l’orifice, la grotte pour polir ma pensée en pensant, à travers des anneaux, des maillures, le point de la voix, les couloirs viennent d’ailleurs, l’élargissement de toi. Et mon cœur entre les seins ?
Et ensuite ? Le ciel cyclopéen.
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Transe-plantée
Lambert Savigneux – et mâcher la machette – Utopia –
Emily Kame KNGWARREYE
et mâcher la machette
quand la pression du monde est si violente, que sur les tempes le monde appuie avec des barres de fer qui écrasent la pensée même
est t »il simplement possible de vivre et qu’est ce vivre ?
se dire c’est dire je suis et faire abstraction de la pesanteur, se délaisser du monde qui enserre
prendre la plume et écrire deux mots semble impossible, étrangler dans les langes d’un linceul, se fait croire pour la vie
UTOPIA
l’imaginaire est compressé, emprisonné dans une lente mort, les yeux eux mêmes ne voient plus autre choses que ce monstre qui détruit,
l’autre, les autres car écrire cela n’est pas écrire
écrire c’est libérer l’étranglement, c’est desserrer l’étreinte
vaincre la mort et l’étouffement
rétablir l’équilibre et l’énergie,
asphyxié
rétablir l’équilibre, mentalement de sa place dans l’univers et ouvrir la main et relâcher un tant soi peu tout ce qui croupit dans cette tension de mare où pourrit la vie, délétère sous le couvercle d’une oppression qui empêche de respirer, inspirer et laisser aller le flot de parole garant de la vie
c’est l’imaginaire, cette porte ouverte, cette nappe intérieure d’où s’échappe le lotus
fleuri
pouvoir dire cela et ciller apercevoir un autre soi et se mettre à courir
56 EMILY KAME KNGWARREYE (c1910 – 1996). UNTITLED (ALHALKERE), 1995
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A thought seems
open
like a lotus flower in the water, the curtain of greenery discovering, riding hours, so fine, so fine, and long lesions, élongated surrounded by invisible molecules, an experience, new laws, extended relaxed, fragment of the day , wander the first sphinx buckwheat, transparent voice which expand in the day, scissor silence, to make heard the silence, in an ephemeral truth this distension, against any season, the mind swims oil on mist, towards time that can not prevent, I feel the wind and your name, water and brown insects, bevel prompt hours, the feeling of the compass, the act of hours
I am rooted, the modesty of crushed leaves, idleness concentrates, a range of leaves lost in the abundance of smooth music, these nodes wood among substances details that swarming, I fooled, the corridor thinking on the lines, inaction but your voice, the voice that I miss, the hook, your stomach fluid, time deposits, your eternity arms, tiny lights, the infinite that can not be extinguished, this infinity we can not hug, and we lose the ability to be, and we lose the ability to be free, I feel thought to excess coincidences, I have nothing but the orifice, the cave to polish my mind thinking, through rings, silver grains, the point of your voice, corridors come from elsewhere, enlargement of you. And my heart between breasts ?
And then ? Cyclopean sky.
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Trance-planted
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