Dévêtue d’un temps trop lourd – ( RC )

peinture Gaston Bussière – ( l’anneau des Niebelungen)–la Révélation, Brünnhilde découvrant Siegmund et Sieglinde, 1894
En plongeant dans la rivière
pour aller chercher l’anneau d’or
que tu avais perdu,
j’ai trouvé la marque de tes mains.
Elles avaient modelé les pierres
lorsque tu t’es dévêtue
d’un temps trop lourd,
avant de t’envoler
légère
au-dessus de la terre
pour y rejoindre les constellations
dont même la science
ignorait l’existence….
Mon corps lourd de la nuit – ( RC )

J’ai le corps lourd de la nuit
qui pèse à plat sur moi,
– ma doublure effacée par le sommeil-.
Un nuage m’entoure
me coupe le souffle.
Il est de plomb.
Entraîné par son poids
je décroche de mes rêves
pour chuter d’un coup
dans le présent,
éteignant
mes étoiles d’argent.
Sonnet pour un piano abandonné – ( RC )
photo Romain Thiery: Requiem pour pianos 30, Pologne
Quelques décennies,
et la mélodie s’est effacée
parmi les miroirs voilés
et fenêtres obturées.
Qui nous jouera encore
les valses et mazurkas
dans le salon
de grand apparat ?
Le piano n’a pu s’envoler:
trop lourd de son aile noire
en retombant, un de ses pieds s’est cassé
comme ses rêves de liberté
se conjuguant au passé :
le grand piano aux dents brisées.
RC juin 2020
Citadelle de D – ( RC )
Toutes photos perso : citadelle désaffectée de Daugavpils, Lettonie oreintale
Point de cloche ici qu’un
aujourd’hui saccagé
Pourtant la lumière s’accroche
Aux lambeaux de sinistres blocs
Qu’ailleurs on dirait bâtiments
D’ oiseaux téméraires, oublieux d’un passé
empoisonné, pourtant s’approchent
Et les autres s’en vont.
Et viennent tisser des fils incertains
D’entre les arbres, qui lentement
Reconquièrent la place d’Armes
Etouffant soigneusement, des heures abrasives
Des symboles d’oppression
Aux réverbères géants
Jusqu’au kiosque moisi
Aux péremptoires sonneries militaires
J’écoute venir toutes les voix
Mais la musique du silence
L’extension insensible des branches
L’herbe folle d’entre fissures
Dessine, la fragilité des choses
Et l’arrogance géométrique
Du lourd, du laid, des pouvoirs ,
des voix claironnantes de l’arrogance .
Dans la Citadelle, l’ordre du cordeau
Se transforme, en « presque joyeux désordre »
Les rues défoncées, sont un chapelet
De sable et flaques réfléchissantes.
Poutrelles, et amoncellements divers
Gravats et encadrements pourris
Occupent indécemment les lieux
Marqués par la dictature du prolétariat .
Et triste est la rue , où , malgré tout
La vie s’insinue , confinée
Tout près de moi
Malgré le suint des lieux
Aux rumeurs vénéneuses d’un
Passé encore proche. Et le lierre s’accroche
Aux symboles de fer , des canons :
On en voit plus d’un , glisser avec l’ombre
En portant la nuit, sur ses épaules
Avant, encore, qu’on nettoie la mémoire
Comme on le ferait du sang répandu
Sur un carrelage – facile d’entretien.
En cours, une rénovation proprette, et des rues nettes
> Aux sordides carcasses, plus de traces…
Est-ce que le monde s’efface ?
Aux ensevelis, peut-être même plus de place
Faute d’avoir les leurs, ils ont – peut-être
Confié leur chant , aux oiseaux
Qui voient s’éloigner du trottoir
Les barbelés rouillés du désespoir.
la place d’armes et ses canons dressés.
Edith Södergran – Moi, je suis une étrangère en ce pays
–
Moi
Je suis une étrangère en ce pays,
s’étendant profondément sous le poids de la mer,
les regards du soleil sont rayons qui se faufilent
et l’air s’écoule entre mes mains.
On dit que je suis née en captivité –
ici pas un visage qui me soit connu.
Étais-je une pierre, qu’on jeta au fond ?
Étais-je un fruit, trop lourd pour la branche ?
Ici je m’étends, à l’affût, au pied de l’arbre qui murmure,
comment puis-je me mettre debout sur les racines glissantes ?
Là-haut les cimes oscillent et se rencontrent,
ici je veux rester, et guetter
la fumée des cheminées de mon pays natal…
Edith Södergran –
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Si le chemin est lourd ( RC )
Parle quelquefois l’enfant en moi,
J’ai les yeux qui piquent
Soleil mandarine
Bagarre dans la cour
Genoux frottés ( un sol en ciment )
Le chemin est lourd
Les oiseaux loin
Je sais les étapes
Le couvent, la place, les magasins ………….
Et les joues qui flambent
A mes pieds je traîne, – boulet-
Plus de cinq-cent mètres , avec
La rue défoncée – et ses yeux en flaques
Le regard sévère
Des maisons d’en face
——————- que dira ma mère
de mon maillot lâche
du manteau sali –
… et de l’oeil au beurre noir ?
RC 11 septembre 2012
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