Emile Nelligan – clair de lune intellectuel

peinture Joseph Stella
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle a l’éclat parfois des subtiles verdeurs
D’un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs ;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs,
Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
Elle rêve l’essor au céleste Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d’or lointaines.
S’arracher au sol – ( RC )

photo Parc des Cevennes
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La tête à l’envers,
Montée sur l’échelle,
quelque part sur la terre,
Au delà du ciel,
crevant les nuages
Après l’ascension lente,
que rien ne décourage,
Même pas les pentes,
D’abruptes avancées,
de rochers branlants
Aux horizons fermés
leurs glaciers luisants
comme des mâts de cocagne,
plantés comme un défi,
au milieu de la campagne,
– caprices de topographie…
Alors , il est bien tentant,
De s’arracher au sol
Combattre la pesanteur en la bravant
Pour prendre son envol.
Il est tombé, le soir,
Sur le Mont Aigoual,
Tu vas mieux pouvoir
observer les étoiles,
Que depuis son observatoire
croiser les satellites
Dans la nuit noire,
d’un espace sans limites
Les cheveux de couleur
des aurores boréales,
feront ton bonheur,
d’un vol sans escale
En chevauchant Pégase,
ses ailes ,sur l’air,appuyées ,
ignorant les cases,
des jeux de société.
Tu iras bercer les lunes
dans tes bras blancs
survoler les dunes,
les soleils aveuglants.
et les pays lointains,
dont tu rêvais,
Seront à portée de main,
et même si près,
que la planète te semble
bien petite , ma foi,
Même si elle tremble,
encore, et aussi de froid
pour les habitants de la terre,
Il serait aussi, passé de mode,
de se faire la guerre,
jusque aux antipodes….
Fini le temps des nations,
Des bains de sang,
de la désunion,
Tu auras bien le temps
de faire un petit tour et revenir,
Accrochée à une étincelle
le temps d’un soupir,
Et d’un coup d’aile….
Laetitia Lisa – Même loin de toi
photo François Laxalt
même loin de toi durant des lunes
je ne te quitte jamais
car pour moi tu danses sans fin
dans les bras de la nuit
ainsi tu me reçois
jour après jour
par un chant de joie
toi mon pêcheur d’étoiles
Arthémisia – Chronique d’un autre monde
Le soleil tomba tôt dans le puits.
Les trois lunes apparurent, roses, à l’horizon, derrière l’usine de verre.
Depuis la révolution des orbes célestes ¹, les formes et les couleurs avaient beaucoup changé.
C’était heureux.
Désormais, la bouche des femmes avait des saveurs de coquelicot, et, les mains des hommes, lisses comme la mer, étaient devenues aimantes.
Ils se cueillaient et alimentaient l’usine de leurs caresses.
Dans les jardins de lait, couraient des enfants blonds, qui, le soir venu, décrochaient les lunes et les roulaient par terre en y semant des fleurs.
Puis, à l’heure du sommeil, les mères rangeaient les lunes dans le ciel, embrassaient leurs enfants, et se fardaient la bouche pour leur amant.
Le clocher sonna dix fois. C’était l’instant de quiétude. Chacun pouvait garder les yeux ouverts sans souffrir.
¹ Oeuvre de Nicolas COPERNIC
© Arthémisia – oct 2011 visible sur son site corpsetame.
Tomas Tranströmer – De la montagne

peinture: André Derain-
la Côte d’Azur près d’Agay (1905, huile sur toile , 54,6 x 65 cm) : pour voir l’oeuvre dans son intégralité, cliquer sur l’image
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DE LA MONTAGNE
Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l’été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
J’ai vu un jour les volontés du monde s’en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
(1) Traduit du suédois par Jacques OUTIN
Zeno Bianu – Chet Baker – déploration
CHET BAKER (DÉPLORATION)
je joue au bord du silence chaque note a sa pesanteur son apesanteur particulière je ne bavarde jamais
je n’aime pas le brio le brio c’est toujours l’égo et ses vieilles lunes je préfère jouer vers autrui vers l’autre
tendre sereinement mon cœur oui ma musique s’envole vers autrui c’est un art de l’envol quoi d’autre .
ZENO BIANU .
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