des jours trop longs – ( RC )
Il n’y a que des jours trop longs .
Il faut que je m’habitue aux choses ordinaires
celles qui provoquent en duel
des pommes de terre
au fond de mon assiette,
pendant que des oiseaux chantent
à tue-tête, leur refrain.
Les poissons me regardent,
d’un air effaré,
cachés derrière les images
brillantes des magazines.
S’ils le pouvaient, ils me diraient
de surveiller la cuisson
pour que la confiture de brûle pas.
Mais, comme chacun sait,
les poissons restent muets,
surtout quand ils sont plats,
aussi plats qu’une photographie peut l’être.
Le téléphone sonne toujours par erreur:
il n’y a jamais personne au bout,
ou c’est simplement que personne
( en personne appelle )
mais n’a pas encore trouvé de voix
qui lui convienne.
Il y a des tas de journaux dans un coin
qui me disent les évènements trépassés,
car ce sont des nouvelles qui datent
d’au moins trois ans .
Je cherche à l’intérieur des messages cachés,
car quand on m’écrit, même en caractères d’imprimerie,
c’est qu’on s’adresse à moi.
Je n’ai trouvé rien de spécial
qui me sortirait de ces jours ordinaires.
Je comptais trouver des sourires,
mais à part ceux des dames des publicités,
aucun ne m’est parvenu .
Alors les jours s’alignent,
quelque part dans l’existence,
sur une seule ligne
si mince, qu’on ne la voit pas,
et je fais de l’équilibre dessus.
De bonnes idées me viennent,
tiens, je pourrais en faire un poème,
mais je n’ai pas fait assez attention
à ce que me disaient les poissons :
la confiture a brûlé
pendant que j’écrivais.
C’est donc à mettre au rang des choses ordinaires,
à moins que vous pensiez le contraire .
Tiens quelqu’un m’appelle,
mais il n’y a toujours personne
au bout du fil.
De toute façon j’ai l’habitude
des évènements quotidiens
qui n’en sont pas,
les journaux sont là pour le prouver
les poissons ne me contredisent jamais.
Comme le téléphone, toujours muets.
« Jouer » à l’apprenti sorcier – ( RC )
Caricature de Escaro
–
C’est une photo où une vedette
pose avec avantage
devant le dernier modèle de la marque.
On pense tout de suite à la dernière voiture
dont la ligne fluide
évoque puissance et raffinement.
Mais j’ai devant les yeux
une photo d’époque,
où le Général De Gaulle, – en tant que président,
prend la pose devant le Redoutable,
premier sous-marin nucléaire,
à Cherbourg.
Avec cette parole en image, plutôt qu’en publicité,
– il s’agirait, comme l’on dit maintenant
de communication –
– ce qui quelque part se ressemble,
puisque l’étymologie nous indique bien :
il s’agit de rendre quelque chose public.
Ici, c’est « montrer ses muscles » :
une page d’actualités,
qu’on verrait bien,
dans les magazines à sensations .
Le Général appose le cachet
de son prestige et de sa fonction.
Mais il semble en même temps absent
et désabusé,
Comme si la finalité même du « sujet »
lui échappait.
( un jouet géant, construit à coups de milliards,
mais dont l’usage serait » redoutable » – d’où le nom ) .
Redoutable pour les autres:
Il s’agit bien d’un fleuron de la défense,
mais redoutable pour nous-même, aussi :
Si, par exemple pour des raisons diverses,
on interprète mal les ordres venus d’en-haut,
ou simplement: le mode d’emploi.
Un jouet évoque bien un jeu…
Le jeu en vaut-il la chandelle ? :
C’est jouer avec le feu,
Et chacun sait que le feu nucléaire, même pacifique
( En pensant seulement à Tchernobyl et Fukushima ),
Peut avoir des conséquences que l’on ne mesure même pas.
L’homme n’est pas né, pour jouer ( encore ),
à l’apprenti sorcier.
–
RC – juin 2015
Lucien Suel – Sombre Ducasse 7 ( suivi de ma « réponse » ) – ( RC )
Sombre Ducasse (version justifiée) 7
si le point de départ vient à changer
aura-t-on le même point au final ceux
qui utilisent des bandes coulissantes
sur trois magnétophones n’anéantiront
plus le complexe comateux bande bande
bande blue stardust jack off moi j’ai
tout fait j’étouffais alors quel sera
le numéro silence silence silence ces
dispositions hétéroclites ces séances
particulières datent sans doute de 23
ans avant la dernière guerre nous les
détruirons les erreurs surtout celles
qui consistent à croire que les moins
grands sont les plus jeunes ou que le
plus grand est le plus vieux détruire
toute la hiérarchie serait saugrenu à
moins de placer les petits les moyens
les grands contre un mur de manière à
déclencher le feu des fusils à canons
sciés le sens de l’écriture a orienté
tout pour tous de manière ignoble les
maladresses ont été nombreuses il y a
eu trop de ça tout au long des années
des siècles à venir ceci n’allait pas
tout seul il faudra placer des garde-
fous plus rigides sur les limites des
manières de vivre aujourd’hui séparer
mettre à l’écart les cas gênants nous
avons trop peu de renseignements tous
nos souvenirs brillants de la seconde
guerre mondiale s’estompent déjà dans
les vents froids et foireux les vieux
partis au diable vos vers sont séchés
soumis à la question trop souvent ils
ne sont plus que d’anciens modèles de
voitures reproduits sur carte postale
—-
Le texte de Lucien Suel, extrait de « silos », est visible directement sur cette page…, l’auteur, en m’autorisant à republier son texte, me renvoit aussi à sa version 2, ici
Je ne suis pas là, je ne pourrai pas t’accompagner
dans la course, et découper le temps avec des
ciseaux,ainsi la musique se déroule, et les chevilles se coulent,
sans hiérarchie, sur la piste, il y a le parquet qui brille, les passages le frottement de la lumière,
et la musique de Coltrane, my favourite things, qui me rappelle, mais j’ai vérifié, c’était autre chose,
le film de Pierre Etaix,Yoyo… j’ai encore dans les yeux la fumée des usines qui rentre dans les cheminées, plutôt que d’en sortir, tu vois, j’ai sans doute égaré bien des souvenirs, en route, en semant trop de cailloux blancs – pour écouter le silence
je me suis un peu perdu, sur des chemins qui s’égarent.
Oui, j’aurais eu besoin de garde-fous, enfin, si on veut, si on parle de fous,
car justement, ce sont des voix d’hiver ( diverses), qui permettent de trouver la sienne,
les chemins de traverse, comment se repérer faire que sa voie soit la sienne et sa voix personnelle…
J’ai traversé des tableaux sépia , croisé Francis Bacon à Paris,
pianoté un peu, et caressé la lumière qui se posait sur mes toiles.
Les vers séchés ( comme les lombrics égarés après une forte pluie), composent mes poèmes,
que je triture volontiers, en sautillant à cloche pied, varier les appuis, les cases de la marelle
pour aboutir à la case « ciel », j’écoute les voix diverses, je m’enrichis de ta voix…
et finalement j’ai laissé tourner les bandes magnétiques, laissé les ciseaux à d’autres,
mon univers est de la couleur et de l’argenté.
Passent d’anciens modèles de voiture reproduits sur les magazines….
RC 14 décembre 2012
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