Aucune théorie sur le déplacement – ( RC )

Là, tout est au beau fixe.
Quelques nuages volages
sont à leur place.
Personne n’imaginerait
à part l’ingénu Magritte,
que les rochers se détachent
et s’envolent, oublieux de leur masse
avant de retomber au petit bonheur
pour la plus grande joie des autochtones,
voyant pleuvoir les menhirs.
C’est une image peu réaliste,
….je le concède,
qui pèse très peu
comparée à ces tonnes
qui ont été déplacées …
mais comment expliquer
que des pierres usées
par des millénaires de marées,
se retrouvent en équilibre
sur ces rochers dentelés ?
L’océan, dans sa grande générosité
aurait-il, inversé le cours des choses,
glissé ses bras sous les écueils,
bousculé les centres de gravité,
ignoré les lois de la physique,
pour leur rendre une légèreté
« métaphysique «
comme ces nuages que l’on voit passer
lors de ces après-midi d’été,
où règne calme et volupté ?
Je n’ai là-dessus aucune théorie,
pas interrogé le sable sage
sous le soleil de juillet,
de toute façon,
il ne m’aurait pas répondu :
je me suis contenté de chercher l’ombrage
sous les blocs de granite
dont la longue vie
contient plus de secrets et de chansons
que je n’en pourrais inventer…
Les clefs de la maison – ( RC )

Des générations se sont succédé,
dans la vieille maison.
Imagine alors les décennies,
où des portes se sont ouvertes et closes,
les secrets scellés,
derrière le silence
ou les coffres muets
aux serrures bien huilées.
On a perdu bien des choses,
comme les arômes des roses,
et des outils
dont on ne connaît plus l’usage.
Dans un fond du tiroir du vaisselier,
se sont entassées toutes sortes de clefs,
qui ont résisté au passé,
mais ne permettent plus de l’ouvrir.
J’en ai trouvé de toutes sortes:
des lourdes et des longues,
des fines et des plates,
de toutes petites aussi.
J’ai pensé que certaines s’adaptaient
à un cadenas, une autre à un coffret à bijoux.
Clefs rouillées, clefs égarées,
qu’est-ce qui vous rassemble ?
Aucune d’elles n’a plus d’utilité :
je les imagine dans un tableau de Magritte,
ne permettant d’entrer
que dans les nuages .
Je trouve, parmi toutes ces clefs,
celles que des amis m’avaient confié,
avant qu’ils ne déménagent
pour leur dernier voyage….
Peut-être trouverai-je parmi
celles qui me restent
la clef du paradis
( on m’y aurait réservé une place ).
Reste à savoir laquelle
aura des ailes ,
quand ce sera mon tour
un petit tour, et puis s’en va ….
Faut s’en faire une raison :
je n’aurai pas besoin , pour la maison
de la fermer à double tour ,
( je garderai toujours la clef de ton amour ) .


Château les rêves , alphabets de pierre ( RC )
photo: St Julien du Tournel – au pied du mont Lozère
–
Un château de rêve
Suspendu dans la brume
Navigue lentement
Lourd volatile au milieu des aigles
Alphabet de pierres
Assoiffées de l’onde
Les cristaux du poème.
–
Les peintures de Magritte
Chimériques
Echappées des rocs
Issues de l’esprit
Comme vagabondent
De l’âme et du monde
Mots en fantaisie.
–
Château des esprits
Vaisseau des écrits
Traversent les obstacles
Annulent les distances
Comme les ailes frôlent
De leurs plumes, paroles,
Et les tours rondes des songes.
–
Comment créer vraiment
Ce qui n’est pas encore
Et lui donner corps ?
Corps à penser, corps à rire,
Coeur à corps et à cris…
Même si c’est murmures
Aux furies du vent…
–
Château des écrits
D’édifices fragiles,
Cristaux de papier,
Traversent aussi le temps,
Espaces et nations,
Vertiges et vestiges,
Siècles et révolutions.
–
Une vue de l’esprit ?
Aux déserts, mirages,
Qui persistent et signent
En ouvrant paupières,
Même en coeur de nuit noire,
….Au trente-sixième dessous,
Le rêve n’est pas dissous.
–
RC – 29 mai 2013
–
L’expression « Alphabet de pierres » est issue d’un des poèmes de Henri-Etienne Dayssol, auteur de « Voxpoesi »,- plus exactement l’expression « alphabets des pierres », nous rappelle-t-il… et qui anime le site poétique – du même nom…
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Attendre que se dilue le temps (RC)

Steve Messan drop, - voir some-landscapes.blogspot.com
Attendre , debout, dans la gare
Aux mouvements pressés des passagers
Venant tous d’un ailleurs,
Ou se cherchant une voie d’ailleurs
Et pensant que seul le décor changerait
Comme un tapis des villes et des champs
Et qu’une foule de personnes identiques
Serait reportée dans un ciel de Magritte
Attendre dans la salle vide
Sous le regard rond de la pendule
Et l’alignement régulier des chaises
Au faux air d’objets soumis
Attendre dans la salle pleine
Sous le regard pressé de la pendule
Et l’alignement défait des chaises
Soupirant sous le poids des personnes
Attendre au carrefour où les autos
se traînent ,et le bus qui ne vient pas
la poussière des champs sur l’asphalte
Et mon ombre pointant avec le soleil.
Attendre que se dilue le temps
Marqué par les heures sentinelles
En un reflet de pierres, en, suspension
En patience de lac endormi.

Art: sentinelles de sel Jean-Pierre Formica photo Eric Preau
Mercredi dans les Alpes (RC)
——–
Pourquoi j’ai choisi ce titre ?
Hein, -sans doute parce que
Cà sonne comme un jour changeant ,
Et les sonnailles du bétail dispersé.
Le lendemain, transforme le monde,
Les murailles gris bleu sont maintenant orange
En tournant la tête, je déchire quelques nuages
Cavalcade de quelques bouquetins en éboulis
Le lendemain est aussi tout à l’heure
L’épaule suspendue de la montagne
Se teinte d’éclairages d’hiver et la fantaisie
d’oiseaux de Magritte englués dans le roc
Sages tracés de remontées mécaniques
striant les pentes de lignes mobiles
Ruches bourdonnantes d’immeubles agglutinés
Comme d’excroissances vénéneuses.
Le lendemain changeant me dit le pays voisin
Transformant la parole, en langage étranger
Mon père disait » mâcher de la paille »
En absence – Prévert -de passage- muraille
Et de tunnels routiers audacieux
Et les spirales des voies ferrées d’antan
Forant des kilomètres rocheux
Et jouant des ponts si improbables
C’est vers Tende, je me souviens
Me rappeler pourquoi, avant la mer
Les pentes sont encore les Alpes
Les replis gardant de petits lacs miroirs
Autant de joyaux liquides
Aux balcons des pentes velours
Le lendemain qui transforme le monde
Attend en silence le départ de l’ombre
Le rideau de lumière, combattant la nuit
Après avoir happé les crêtes,
Peu à peu lui grignote une part de jour
En allégeant son triangle- c’était en rosé
Le lendemain est aujourd’hui, posé
L’aube a relégué mercredi
D’un éclairage nouveau le haut fantasme
de glaces construit le jeudi.
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RC
5 fev 2012