Paroles – (Susanne Derève)

Une romance aux doigts de fée Paroles celles que tu me soufflais ce matin au réveil sitôt enfouies pour aller les semer à midi dans un jardin de roses en sommeil Soleil Peut-être faut-il l’hiver pour éprouver ce qu’est un arbre sa grande ossature endormie ses plaies ses lézardes ses mains pâles et la tienne au poinçon gravant le bois tendre du tronc
Salah Stétié – Se fit une neige
Puis se fit une neige.
La lampe qui l’habille est une étrange pierre.
Et qui lui est tombe définitive.
Le feu comme l’épée flambera dans les arbres.
Cette épée, nous la portons entre nos cils.
Elle tranche dans le vif.
La lumière enfantera par la bouche : cela, personne ne l’avait dit.
… Et seulement les retombées de la neige,
habillée de miroirs et de volutes.
Désir de ce très pur moment quand la main grandira
comme un enfant aveugle
pour cueillir à même le ciel un fruit miré,
et qui n’est rien.
C’est alors que la lumière retournera au sol pour s’endormir,
immense, dans ses linges.
Pour apaiser sa fièvre, et pour,
dans la cascade torsadée, éteindre,
avec la rosée, sa crinière.
Une vénus derrière le balcon – ( RC )
Madame, vous restez entière,
je n’ai rien volé dans votre appartement
et vôtre âme vous appartient..
Vous étiez ce long corps nu de faux gisant,
et votre lingerie était en tas sur la table.
Vérifiez… je n’ai rien pris:
pas une main, pas un sein ( je n’en aurais pas l’usage).
Pourtant vous m’épiiez depuis longtemps
derrière votre balcon,
et vous savez que mon regard vous peint.
Au contraire, j’ai rajouté sur la toile
une tenture, un voilage.
Puis ce vase avec ces fleurs mauves
qui semblent un rien vénéneuses
mais ne faneront pas.
La nuit aura beau vous caresser,
vous resterez pour l’éternité
telle que vous étiez
parcourue d’un rayon de lune
se lovant sur vos hanches.
RC
Pare-brise (SD/RC)
Photo – montages RC
Pare-brise
Telle poésie si on occulte la simple réalité du mot
Brise que j’habillerais de parfums
un souffle tiède sur la peau un pas un élan
un refrain
Et d’éloigner la bise
dont le baiser froid du matin glisse
sous le linteau des portes
et couche les fleurs au jardin…
Il me faut ta main
pour que chante le printemps,
la caresse de l’amant
pour qu’aucune fleur ne meure :
que mes mots prolongent ces instants…
Avril 2019
Que faire de sa main droite ? – ( RC )
image extraite du « chien andalou » de Luis Bunuel & S Dali
Que faire de sa main droite
quand la gauche prend toute la place… ?
– déjà, on peut s’appuyer
sur le côté du piano,
la distraire par de petits objets,
faire des allées-venues
en frôlant les touches d’ivoire,
écraser la cigarette
qui s’est consumée,
sans que tu t’en aperçoives
pendant que tu jouais,
le concerto pour la main gauche :
( c’est le cadeau de Ravel pour Wittgenstein,
lui qui revint des combats
sans le bras droit ) .
Que faire de sa main droite,
quand elle ne parle pas
ou devient un accessoire ?
La laisser tomber
comme une feuille morte,
devenue froide et mutique,
détachée des rêves coupables ,
la coller à un autre endroit,
– qu’elle trouve le chemin des épaves.
On en distingue les stigmates,
qu’elle puisse aller chercher des croissants
et fasse partie d’un collage surréaliste,
pouvant blanchir à loisir
si l’orchestre communie avec la gauche .
–
RC – juill 2018
Histoire de rangement – ( RC )
brookenshaden favorites : Homunculus Stock
Parfois, je ne sais plus vraiment où je suis rangé.
On me retrouve dans les endroits les plus divers
( dernièrement sur une étagère ),
…y pendait un tissu frangé .
Autrement, ce fut une fois avec les assiettes,
dans le buffet de la salle à manger :
mais ma vie devait être en danger,
car voisinaient les verres aux multiples facettes.
La bibliothèque m’accueille dans les rayonnages,
généralement c’est en été,
les portes restent fermées,
et j’ai mon lit de pages.
Mais mon corps est en plusieurs parties ,
car tout cela manque de place
( certainement pas assez d’espace
pour y installer un lit ).
Cette histoire de rangement
n’est pas le premier de mon souci ,
je me découpe, je me déplie
tout à fait naturellement .
Des fois il n’y a qu’un pied, qu’une main
qui s’égare par erreur.
Je n’ai pas essayé le congélateur :
ce n’est pas un endroit très sain
on y côtoie de la viande en sachets
des légumes et du pain durci :
je ne fréquente pas ces lieux ci ;
on dira que je ne suis pas prêt….
Il me faut un minimum d’air
pour que je subsiste quand même :
c’est ça le petit problème
de ma présence sur terre.
J’ai égaré mes poumons , mais je respire:
et même tiré en multiples exemplaires,
je sais qu’il ne faut pas trop s’en faire :
……. comme situation, il y a pire…
–
RC – aout 2018
Joan Margarit – je ne referme pas la porte
peinture: Philip Guston
J’entends frapper à la porte et je vais ouvrir,
mais il n’y a personne.
Je pense à ceux que j’aime et qui ne reviendront pas.
Je ne referme pas. Je souhaite la bienvenue.
La main sur le cadre, j’attends.
La vie s’est appuyée sur la douleur
comme les maisons sur leurs fondations.
Et je sais pour qui je m’attarde,
pour qui je laisse une lumière accueillante
dans la rue déserte.
Francis Ponge – la main
main – sculpture antique
La main est l’un des animaux de l’homme ; souvent le dernier qui remue.
Blessée parfois, traînant sur le papier comme un membre raidi quelque stylo bagué
qui y laisse sa trace.
A bout de forces, elle s’arrête.
Fronçant alors le drap ou froissant le papier, comme un oiseau
qui meurt crispé dans la poussière, — et s’y relâche enfin.
Francis PONGE « Pièces » (Gallimard)
Murièle Modely – nature morte
nature morte
peinture Hannah Höch » l’escalier »
sur la droite une feuille blanche grouille de pattes de mouche
sur la gauche une main sèche brune finit de momifier
le tout s’alanguit dans un cadre doré au milieu d’un mur
qui tombe par plaques dans un musée obscur
Louisa Siefert – il est des pistes
peinture Emil Nolde :mer avec ciel rouge
–
Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru.
– Est-il sûr qu’un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru !
Et tout manque où ma main s’appuie.
– Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.
Et tout manque où ma main s’appuie
Hélas! les beaux jours ne sont plus.
– Je regarde tomber la pluie…
Vraiment, j’ai vingt ans révolus.
Louisa SIEFERT « Les rayons perdus »
(Albin Michel)
Susanne Derève – l’alphabet du regard
peinture: Giovanni Segantini
Il me semble voir ta main
Attirer doucement l’objet dans la lumière
Le tenir à portée
Dans le reflet tamisé de la lampe
Faire pivoter l’objet lentement
Afin que la lumière l’épouse
Et le révèle
Dans l’alphabet du regard
Prendre une à une les images
Et les toucher comme on ferait
Du front des yeux et de la bouche
D’un visage aimé
Et puis les reposer dans le cadre
A leur place
Et reculer de quelques pas
Pour juger de l’effet produit
Sur celui qui n’a pas les clés
Et qui découvre médusé
Comme on tire un rideau de théâtre
Le don que tu lui fais
De la beauté .
Mouvements figés – ( RC )
photographe non identifié
Mouvements de la main
tendue, vers toi
contre la surface
que je ne peux franchir.
Mouvements de la lumière,
s’accrochant à moi,
c’est ainsi
que tu me vois
Mouvements du jour,
plaqués sur l’image :
un mur sans fissure
s’emparant de l’espace .
Mouvement figé,
immobilisé de même ,
ne pouvant dépasser,
le rectangle de la photo.
Mouvement du regard :
il va vers toi, et toi vers moi,
mais il y a le mur,
infranchissable des pixels .
–
RC – oct 2017
Marcel Olscamp – Amants perdus
Amants perdus
Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main
Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit
Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit
Marcel Olscamp, Les grands dimanches
Gabriela Mistral – L’attente inutile
sculpture en bronze représentant une fille tenant un cadran solaire, au jardin botanique de Brooklyn
—
J’avais oublié qu’était devenu
rendre ton pied léger,
et comme aux jours heureux
Je suis sortie à ta rencontre sur le sentier.
J’ai passé vallée, plaine, fleuve,
et mon chant se fit triste.
Le soir renversa son vase
de lumière, et tu n’es pas venu !
Le soleil s’effilocha,
coquelicot mort consumé;
des franges de brume tremblèrent
sur la campagne. J’étais seule!
Au vent automnal craqua
d’un arbre le bras blanchi.
J’eus peur et je t’appelai ;
Bien aimé, presse le pas!”
J’ai peur et j’ai amour,
presse le pas, bien-aimé!
Mais la nuit s’épaississait
et croissait ma folie.
La espéra inûtil.
—
J’avais oublié qu’on t’avait
rendu sourd à mes cris;
j’avais oublié ton silence,
ta blancheur violacée;
ta main inerte, malhabile
désormais pour chercher ma main,
tes yeux dilatés
sur la question suprême!
La nuit agrandit sa flaque
de bitume; augure maléfique,
le hibou, de l’horrible soie de son aile,
griffa le sentier.
Je ne t’appellerai plus
car tu ne parcours plus ton étape;
mon pied nu poursuit sa route,
le tien est au repos.
C’est en vain que j ’accours au rendez-vous
par les chemins déserts.
Ton fantôme ne prendra plus corps
entre mes bras ouverts!
Clarice Lispector – Prends ma main
Prends ma main…
Je vais à l’instant te conter
Comment je suis entrée dans l’ineffable
Qui a toujours été ma quête insaisissable et secrète
Comment je suis entrée dans l’interstice
unissant les numéros un et deux
Comment j’ai connu la frontière qui sépare mystère et feu
Combien souterraine est cette frontière
Entre deux notes de musique vibre une autre note
Entre deux maintenants de vie se glisse un autre maintenant de vie
Et deux grains de sable même inséparablement liés
Sont partagés par un espace infime
Entre deux sentiments se loge un autre sentiment
Et dans toute matière se love un espace
Qui est respiration du monde.
Et cette incessante respiration du monde
N’est autre que ce que nous entendons
N’est autre que le silence.
Astrid Waliszek – clac
visuel: Omer Parent
tes veines, vivantes et bleues dansent une sarabande effrénée
sur le dessus de ta main. La terre tremble, dis-tu.
à bousculer les nuages à chercher la chaleur
nous avons oublié l’heure celle de l’au revoir
– non, pas adieu et voilà, c’est ici,
c’est maintenant couvre-toi,
ne prends pas froid tu ne reviendras pas,
c’est là c’est maintenant qu’il faut partir
les nuages se disséminent un froid soleil pâle se lève,
une portière de voiture claque
c’est un adieu, nous le savons tous deux
des pas résonnent sur le pavé rien n’a changé,
rien ne change jamais des portes se ferment,
d’autres s’ouvrent s’en va,
s’en vient l’amour – la ville dort
–
12 février 2012
Jacques Audiberti – Rien ne sera de ce qui fut
Prison Au clair soleil…
Un coup pour a. Deux coups pour b.
Le monde bouge. Il va tomber.
Trois coups pour c. Quatre pour d.
C’est le moment de regarder. Cinq coups pour é.
Six coups pour f. Il n’a plus d’âme. A-t-il un chef?
G, coups sept. Hache huit. 1 neuf.
Comment faire un monde plus neuf?
Dix coups pour j, plus un pour k.
L’existence nous convoqua.
Taciturne à force de cris,
la jupe grosse de conscrits,
elle nous apprend tour à tour
l’ombre claire, le sombre jour,
l’enfer béni, le ciel puni,
tout le fini de l’infini,
douze pour 1 et treize pour
ème, les griffons de l’amour,
n, o, p, q, quatre, cinq, six
et sept, le poison. Le tennis
mais, aussi, la peur de périr
qui nourrit l’honneur de souffrir.
R dix-huit. S dix-neuf.
Elle s’en va. Tu te sens veuf.
Vingt coups pour t, plus un pour u.
A mesure qu’elle décrut,
le souffle approcha notre main.
Aujourd’hui s’appelle demain.
Vingt-deux et trois pour les deux v.
Que voulons-nous? Nous élever.
Quatre et cinq pour l’x et l’i grec.
Mais le bourreau ne vienne avec.
Pour la lettre z un seul coup.
Le prisonnier se met debout.
Car le terme ouvre le début
Rien ne sera de ce qui fut.
Jacques AUDIBERTI « Des tonnes de semence » (N.R.F.)
Francis Ponge – les plaisirs de la porte
LES PLAISIRS DE LA PORTE
illustration : Kirill Chelushkin
Les rois ne touchent pas aux portes.
Ils ne connaissent pas ce bonheur : pousser devant soi avec douceur ou rudesse
l’un de ces grands panneaux familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place,
— tenir dans ses bras une porte.
… Le bonheur d’empoigner au ventre par son nœud de porcelaine
l’un de ces hauts obstacles
d’une pièce ; ce corps à corps rapide par lequel un instant la marche retenue,
l’œil s’ouvre et le corps tout entier s’accommode à son nouvel appartement.
D’une main amicale il la retient encore, avant de la repousser décidément et s’enclore,
— ce dont le déclic du ressort puissant mais bien huilé agréablement l’assure.
Francis PONGE « Le Parti-pris des Choses > (Gallimard, 1942)
Nicolas Rouzet – le cercle et la parole
photo: Ernst Haas
Il y a le cercle et la parole
et l’heure où chaque naissance
annonce l’aube rageuse
l’attente du regard
Une main aveugle
dure à tâtons
devance le jour
dessine comme par jeu
la frontière qui sépare
le silence de la parole
le geste du murmure
De son pouce
se traverse la brèche
s’effleure le néant
d’où l’on sauve
la braise
et la brindille
Et que l’oreille
se tende
vers ce soupirail
qu’elle entende
que nos fantômes
n’ont pas changé de nom
que tous se croient encore vivants
dans l’espace ouvert
par l’éclat
le mirage
de nos âmes !
Sylvie Durbec – Notes pour mon père
Une pluie parfumée à mes pieds:
Catherine Pozzi – Vale
peinture aborigène: Clifford Possum 1997
–
La grande amour que vous m’aviez donnée
Le vent des jours a rompu ses rayons —
Où fut la flamme, où fut la destinée
Où nous étions, où par la main serrée
Nous nous tenions
Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée
L’orbe pour nous de l’être sans second
Le second ciel d’une âme divisée
Le double exil où le double se fond
Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,
Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu
L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte
L’extrême instant de notre seule étreinte
Vers l’inconnu.
Mais le futur dont vous attendez vivre
Est moins présent que le bien disparu.
Toute vendange à la fin qu’il vous livre
Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre
Du vin perdu.
J’ai retrouvé le céleste et sauvage
Le paradis où l’angoisse est désir.
Le haut passé qui grandi d’âge en âge
Il est mon corps et sera mon partage
Après mourir.
Quand dans un corps ma délice oubliée
Où fut ton nom, prendra forme de cœur
Je revivrai notre grande journée,
Et cette amour que je t’avais donnée
Pour la douleur.
Del gran amor que tú me habías dado
El viento de los días los rayos destrozó —
Donde estuvo la llama, donde estuvo el destino
Donde estuvimos, donde, las manos enlazadas,
Juntos estábamos
Sol que fue nuestro, de ardiente pensamiento
Para nosotros orbe del ser sin semejante
Segundo cielo de un alma dividida
Exilio doble donde el doble se funde
Ceniza y miedo para ti representa
Su lugar, tus ojos no lo han reconocido
Astro encantado que con él se llevaba
De nuestro solo abrazo el alto instante
Hacia lo ignoto.
Pero el futuro del que vivir esperas
Menos presente está que el bien ausente
Toda vendimia que él al final te entregue
La beberás mientras te embriaga el
Vino perdido..
Volví a encontrar lo celeste y salvaje
El paraíso en que angustia es deseo
Alto pasado que con el tiempo crece
Es hoy mi cuerpo, mi posesión será
Tras el morir.
Cuando en un cuerpo mi delicia olvidada
En que estuvo tu nombre se vuelva corazón
Reviviré los días que fueron nuestro día
Y aquel amor que yo te había dado
Para el dolor.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
Le vent me dépasse d’une courte tête – ( RC )
Image – montage perso
Ainsi court le vent :
Ce n’est pas encore la tempête.
Il me dépasse d’une courte tête,
Que je marche doucement
Ou en courant.
J’ai peur de mon ombre
Celle-ci m’encombre
Et passe devant.
C’est un peu comme l’oiseau
Effrayé par son reflet .
Le poète ouvre son carnet
Aurait-il peur des mots
Dès que se présente une idée ?:
Il se dépêche de les écrire,
Il craint de les voir s’évanouir
Il va les emprisonner .
Mais ceux-ci toujours chantent :
et disent la pluie salée,
la douceur de la peau effleurée .
Ils sont en attente .
Sous la main qui tremble
ils vont ressurgir,
crier ou bien rire :
vois comme ils s’assemblent
au moindre prétexte
un mariage illégitime,
associant des rimes
tout au long d’un texte.
On dirait qu’ils s’arrangent
pour vivre leur propre vie,
sans demander mon avis ,
quand la main me démange .
Ils débordent de l’esprit ;
je ne fais rien pour les contenir ;
juste les écrire
sans que je les aie appris.
Quelqu’un parle par ma main :
c’est une sorte de phénomène,
par lequel je me promène :
Je n’en connais pas le chemin.
–
RC – juill 2016
Image – montage perso
M2L – L’absence
photographe non identifié
Absence
Jardin fermé
Sur la terre inclinée
une amie suit
le mouvement de l’air.
Seul l’oiseau chante
le retour du jasmin
à l’horizon
du Soleil sur la terre.
Absence
senteur d’Orient
Au matin qui s’enfuit
les fleurs fanées
épousent le chagrin
d’un jardin oublié.
Le ciel ruisselle
mais les perles de pluie
ne valent pas
la douceur d’une main.
Une construction venue d’autre part – ( RC )
volume :Geneviève Seillé
On dirait une construction venue d’autre part.
C’est une forme étrange, où les matériaux s’assemblent,
tissés ensemble par la soie invisible d’un esprit,
repoussant les vents de sable.
On pourrait dire que c’est une tour de Babel,
toujours en cours
à la recherche d’une certaine idée de la perfection.
Je ne connais pas son architecte,
et sans doute n’y en a-t-il pas :
c’est juste une réalité, née de sa propre necessité.
Je lis, de la même façon,
les textes du poète :
tout est caché et visible en même temps:
des mots sont nés, le temps de l’écriture,
et du voyage de la pensée,
relayés par la main qui les a inscrits:
une parole en volutes
sur le papier offrant sa virginité:
Tout est visible et tout demeure secret:
fleuri de sa propre logique et croissance.
Il n’est de toute façon pas nécessaire
de comprendre comment ça tient ;
comment ça peut , par moments,
toucher les étoiles:
il n’est pas sûr
qu’on puisse retrouver la clef,
> l’auteur lui-même
ne sait pas qui la possède,
construisant de ses propres rêves
une réalité
qui lui prend la main.
–
RC – fev 2016
–
Luc Berimont – Si le jour est venu
sculptures: têtes ( art Maya )
Si le jour est venu dans un jet d’étendards
Le soir s’en est allé avec la proie de l’ombre
Mes frères, les humains, qui veillez sur le tard
Je n’ai connu de vous que l’amitié du pain.
Je penche mon visage à dormir sur ma main
J’entends gonfler des voix dans le gras des collines
Les piverts ont cloué des forêts de sapins
Le feu n’avait plus faim de mes arbres de verre
Une horloge battait à la tempe du temps.
Mes frères, les humains, qui veillez sur la terre
– Maraudeurs accoudés dans le verger des lampes –
Jetez-moi vos fruits d’or jusqu’au frais du matin
Couvrez-moi de vos cris, de soupe, de chaleur
Que je brave la peur, la lune et les feuillages.
LUC BERIMONT « Poésies complètes »
Philippe Delaveau – Les monts bleus
peinture : Morgan Ralston
–
Les monts bleus et le ciel songeur.
Toi
Dont les yeux ardents sont
L’abri du ciel et des monts.
Source, frisson, tristesse, joie.
Je baiserai de ma langueur
Ta bouche.
Je vois les mots se former
Dans tes pupilles, sur tes lèvres.
Et je respire ton haleine.
Je me raccroche à la vie,
Je sais l’existence du monde
Lorsque je tiens ta main.
–
in (Le Veilleur amoureux)
Alejandra Pizarnik – Une main serrée sur la gorge
Une main serrée sur la gorge
–
Nous vivons ici-bas une main serrée sur la gorge. Que rien ne soit possible était chose connue de ceux qui inventaient des pluies et tissaient des mots avec la torture de l’absence.
C’est pourquoi il y avait dans leurs prières un son de mains éprises du brouillard.
–
Alejandra Pizarnik, L’Arbre de Diane