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Maintenant, on ne me voit plus – ( RC )


photo André Fromont

Je désigne d’un geste les oiseaux.
Ils glissent derrière la vitre,
silencieux.
Mes mains les imitent,
je les accompagne dans leur reflet.

Ce n’est qu’une image
où flottent mes mains blanches
qui semblent détachées des manches.
Leur vol remplit une partie de la chambre
Je les suis du regard..

Pantomime où le corps s’anime
dans le cadre étroit de la fenêtre.
Puis de plus en plus léger,
volant à son tour, peut-être,
démultiplié.

Je voyage, presque en transparence ,
avec un courant d’air
porté par un temps arrêté.
Rien ne me retient.
Les ailes sont mes mains.
Maintenant, on ne me voit plus.


Hélène Cadou – Bonheur du jour


photo Ellen Hoverkamp

Je sais que tu m’as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais lumière aux arbres
Mais depuis que tu m’as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m’applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t’obliger à vivre encore.


Dévêtue d’un temps trop lourd – ( RC )


peinture Gaston Bussière – ( l’anneau des Niebelungen)–la Révélation, Brünnhilde découvrant Siegmund et Sieglinde, 1894

En plongeant dans la rivière
pour aller chercher l’anneau d’or
que tu avais perdu,
j’ai trouvé la marque de tes mains.
Elles avaient modelé les pierres
lorsque tu t’es dévêtue
d’un temps trop lourd,
avant de t’envoler
légère
au-dessus de la terre
pour y rejoindre les constellations
dont même la science
ignorait l’existence….


Rafael Alberti – Laisse ton rêve


peinture: Octave-Denis Guilonnet

Laisse ton rêve.
Enroule-toi, blanche et nue,
dans ton drap. On t’attend là
derrière les murs du jardin. 

Tes parents meurent, endormis.
Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite.
Les murs franchis, on t’attend avec un couteau. 

Repars chez toi, presse le pas.
Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite.
Dans la chambre de tes parents
entre, nue et blanche, en silence. 

Cours vite, vite, jusqu’aux murs.
Laisse ton rêve.
Saute. Viens. 
Quel rubis flambe dans tes mains
et brûle d’un feu noir ton drap?

Laisse ton rêve.
Vite, allons, vite….
Ferme les yeux et dors. 

Rafael Alberti, Matin à terre, suivi de L’Amante / L’Aube de la giroflée (coll. Poésie/Gallimard, 2012)

traduit de l’espagnol par Claude Couffon


Pablo Neruda – Ode à la mer


photo RC – îles Perenthian -Malaisie

Ici dans l’île
la mer
et quelle étendue!
sort hors de soi
à chaque instant,
en disant oui, en disant non,
non et non et non,
en disant oui, en bleu,
en écume, en galop,
en disant non, et non.


Elle ne peut rester tranquille,
je me nomme la mer, répète-t-elle
en frappant une pierre
sans arriver à la convaincre,
alors
avec sept langues vertes
de sept chiens verts,
de sept tigres verts,
de sept mers vertes,
elle la parcourt, l’embrasse,
l’humidifie
et elle se frappe la poitrine
en répétant son nom.
ô mer, ainsi te nommes-tu.
ô camarade océan,
ne perds ni temps ni eau,
ne t’agite pas autant,


aide-nous,
nous sommes
les petits pêcheurs,
les hommes du bord,
nous avons froid et faim
tu es notre ennemie,
ne frappe pas aussi fort,
ne crie pas de la sorte,
ouvre ta caisse verte
et laisse dans toutes nos mains
ton cadeau d’argent:
le poisson de chaque jour.

Ici dans chaque maison
on le veut
et même s’il est en argent,
en cristal ou en lune,
il est né pour les pauvres
cuisines de la terre.


Ne le garde pas,
avare,
roulant le froid comme
un éclair mouillé
sous tes vagues.
Viens, maintenant,
ouvre-toi
et laisse-le
près de nos mains,
aide-nous, océan,
père vert et profond,
à finir un jour
la pauvreté terrestre.
Laisse-nous
récolter l’infinie
plantation de tes vies,
tes blés et tes raisins,
tes boeufs, tes métaux,
la splendeur mouillée
et le fruit submergé.

Père océan, nous savons
comment tu t’appelles,
toutes les mouettes distribuent
ton nom dans les sables:
mais sois sage,
n’agite pas ta crinière,
ne menace personne,
ne brise pas contre le ciel
ta belle denture,


oublie pour un moment
les glorieuses histoires,
donne à chaque homme,
à chaque femme
et à chaque enfant,
un poisson grand ou petit
chaque jour.
Sors dans toutes les rues
du monde
distribuer le poisson
et alors
crie,
crie
pour que tous les pauvres
qui travaillent t’entendent
et disent
en regardant au fond
de la mine:


«Voilà la vieille mer
qui distribue du poisson».
Et ils retourneront en bas,
aux ténèbres,
en souriant, et dans les rues
et les bois
les hommes souriront
et la terre
avec un sourire marin.
Mais
si tu ne le veux pas,
si tu n’en as pas envie,
attends,
attends-nous,
nous réfléchirons,
nous allons en premier lieu
arranger les affaires
humaines,
les plus grandes d’abord,
et les autres après,
et alors,
en entrant en toi,


nous couperons les vagues
avec un couteau de feu,
sur un cheval électrique
nous sauterons sur l’écume,
en chantant
nous nous enfoncerons
jusqu’à atteindre le fond
de tes entrailles,
un fil atomique
conservera ta ceinture,


nous planterons
dans ton jardin profond
des plantes
de ciment et d’acier,
nous te ligoterons
les pieds et les mains,
les hommes sur ta peau
se promèneront en crachant
en prenant tes bouquets,
en construisant des harnais,
en te montant et en te domptant,
en te dominant l’âme.


Mais cela arrivera lorsque
nous les hommes
réglerons
notre problème,
le grand,
le grand problème.
Nous résoudrons tout
petit à petit:
nous t’obligerons, mer,
nous t’obligerons, terre,
à faire des miracles,
parce qu’en nous,
dans la lutte,
il y a le poisson, il y a le pain,
il y a le miracle.

Traduit par Ricard Ripoll i Villanueva


Je me rappelle des brumes du nord – ( RC )


Je me rappelle des vents du Nord,
de la sueur des hommes,
des landes de Bretagne
de la brume
cernant les arbres de partout ,
des légendes
au pays de Brocéliande
du cri des hiboux
et des bateaux fantômes
échoués sur la grève
parmi les méduses.

Je me rappelle des cartes postales
couleur sépia,
et de ces dames
à haute coiffe
des temps anciens
qui gardaient aux creux de leurs mains
quelques brins de genêts
ou de bruyère,
pour des marins revenus
le regard un peu
noyé d’embruns….


Louis GUILLAUME – L’étoile


Anna Eva Bergman – 1986 –

.

Tu es celle qui tremble et celle qui demeure.
Ta voix pleure et pourtant ta voix chante.
Tu es la pierre tendre où vient mourir la peur.
Une joie flotte.
J’écoute un sillage de notes .
Dans tes cheveux s’allume une étoile d’écume.
Grave
tu suivais des yeux les épaves
et tu tendais vers moi des mains de sauvetage.

.

Poèmes choisis

ROUGERIE


Nohad Salameh -Ne t’attarde pas davantage –


Daniel Arsham : Selenite Holding Hands 2015

 

Ne t’attarde pas davantage :
viens avant l’aube — Pâque précoce
allonge-toi contre mes paupières
aux lisières de l’infini.

Mes mains se font plus denses
confondues à tes doigts.
Nous pénétrons nos propres limites
avec un toucher d’immortels.

Repose-toi
sans laisser de blessure
dans le lit du miroir
qui s’échappe d’un bond
au premier reflet.

Surtout
garde-toi de prendre la mesure de la mort
tant que vacille en nous
le feu grégeois du désir.

 

 

Voir : Recours au poème :  Nohad Salameh

            Babélio :  https://www.babelio.com/auteur/Nohad-Salameh/319534

            ou  Maryline Bertoncini (blog) 

 

 

 


Anaïs Nin – gardien des choses fragiles


Ce que tu as brûlé, brisé et déchiré est encore entre mes mains.

Je suis le gardien des choses fragiles

et j’ai gardé de toi ce qui est indissoluble.

« What you burnt, broke, and tore is still in my hands. I am the keeper of fragile things and I have kept of you what is indissoluble. »


Michel Foissier – un pressentiment rongé par la fuite du temps


photo RC – monument aux morts Lodève

avaler un sandwich un demi pression un café
laver les pieds des morts avant le petit jour
se coucher enfin parmi les débris de vaisselle sale
parmi les pétales de fleurs fanées comme si la torture n’était qu’un mauvais
à passer
un pressentiment rongé par la fuite du temps
une promenade à petits pas de laine grise
sous les ponts la richesse se consomme à la va-vite
les doigts des amourettes construisent des plaisirs de bouts de ficelle
toute blessure se limite à l’impossible
entre pompes à essence et supermarchés
chaque chose en son temps rappelle-toi
il faut agir de nuit dans les odeurs acides du sommeil
substituer l’acte à l’intention
penser la mort comme une étincelle
il est comme quelqu’un qui renoue ses lacets
il dit qu’il attend et qu’il choisit pour cela cette version obscure du monde
il dit qu’il paye la faute de vivre ainsi en équilibre
et que le refus est écrit dans la peur
et que la peur est son testament
il est armé et le geste s’accompagne du cri d’un jour nouveau
et la lune s’est usée dans le grand cercle de la nuit
et puis occupé par les menus travaux de la guerre il attend dans le fantôme du vent
et son geste est très grand
personne n’est dans le camp de personne et
seul il imite le hurlement de la nuit
comme un cheval sellé qui ne sait encore rien de la course
ni du marchandage de la main et des jambes
en ces temps on disait la révolution
et l’âme des peuples était invisible
elle se cachait dans le secret des caves et ne sortait qu’à minuit
il pense que si sa tête éclatait il serait là à ramasser les morceaux à quatre pattes sur
le goudron de la nuit
il pense à ces kilomètres de mots
à ces lignes appliquées à l’encre violette
et qui ne touchent jamais la barrière du ciel
ni le sable bleu des déserts ni le souffle
ni ces petits riens de carton-pâte
l’habitude nous fait vivre à un millimètre de nous-même
dans la posture accroupie de la femme qui lave le linge à la rivière
de l’histoire nous ne savons que la calomnie
ici les murs nous font la grâce d’une lecture
aveugles nous déchiffrons les impacts de la fusillade
et le film est projeté en plein cœur
les acteurs sont soumis au grain de la maçonnerie
marionnettes ou créatures de rêve
une cérémonie à couper au couteau
le bétail s’allonge dans la manigance des corps
les hommes dorment les femmes dorment les enfants dorment
les chiens urinent puis grattent le bois des portes avec
des ongles malpropres
elle est assise dans l’ombre
il dit donne-moi tes mains j’en ferai bon usage dans
les giclées du soleil dans
les chuchotements du sous-bois
il connaît cette peur de granit cette trahison minuscule
demi-sel un char d’assaut quelque chose comme une prison qui s’avance
un bruit de métal frappé dans la fatalité du sang


Thomas Vinau – Nos cheveux blanchiront avec nos yeux


photo et montage RC

Qu’est-ce que j’en fais moi de tout çà ?

Des fils de laine dans sa petite main. Des murmures
quand tu t’endors. De la chaleur sur les crépis.
Du givre blanc sur les pare-brise. Du brouillard qui
monte doucement. De la montagne de linge sale. Du trou
d’argent de la pleine lune. Du pigeon déchiqueté
par le chien. Du panache de l’écureuil. Des brindilles
fraîches dans mes mains. De trois roses jaunes
dans le jardin. De la prestance des bêtes dans les champs
glacés le matin. Des vignes oranges. Qu’est-ce que
j’en fais moi de tout çà ? Du miel qui colle sur la table.
De ta voix brisée par le froid. De ses mimiques quand
il s’endort. Des cheveux qui lui manquent derrière
la tête. Des grands projets de grands bonheurs.
Des petits rêves sur l’épaule. De l’avenue froide et trempée.
Qu’est-ce que j’en fais moi de tout çà ? De toute
cette boue, de tout cet or. De cette impression qui m’étreint
lorsque je me déshabille dans le couloir avant de vous
rejoindre dans le noir. De cette façon de marcher
sur la pointe des pieds. De mes gestes gauches.
De mon amour maladroit. De la roulette russe du temps.
De la fatigue et la colère. La joie béate et l’impuissance.
La peur de gâcher ou de perdre. Qu’est-ce que j’en fais
moi de tout çà ?


un poisson au-dessus des dunes – ( RC )


image : montage perso

Je me roule dans les mains de lune
glisse dans l’océan des rêves
je suis un poisson qui s’envole
au-dessus des dunes.

Ta poitrine de sirène
blanche et ta chevelure brune
sont celles d’une reine
au regard limpide.

Je vais planer, planer encore,
puis je retomberai
dans l’étendue liquide
l’instant d’une petite mort.

Ton corps d’or,
en devenir
connaît les sentiers secrets
des ressacs du désir.

Tu sais que l’on se noie
dans le plaisir,
mais je survivrai,
rien que pour toi.

RC – août 2021


Kamel Abdou – le linceul de la résignation


peinture Thierry Tillier

Ils t’ont habillé du linceul
De la Résignation Et tu t’es souvenu du Barbu
Et tu as hurlé « que la joie demeure
que la joie demeure »
qui m’empêchera de chanter tes yeux
et qui me fera oublier la chaleur
de tes mains rugueuses qui s’étreignent ?
Où est-il celui qui signait d’un Soleil ?

Mère j’ai égrené les pustules de la Révolte
J’ai craché dans les gueules
Béantes des cellules
J’ai lu Hikmet à m’en soûler
Et j’ai pleuré à Diar Yassine
Dérisoire révolution
Pourras-tu tourner le dos à l’espoir
Et t’en aller résolument
Chercher les hommes et leur expliquer
Leur diras-tu «je cherche la beauté »
Aux Hommes aux mains calleuses
Leur diras-tu
Les mots sont tous magiques
Leur parleras-tu
Des yeux de la Bien-aimée
Mais que diras-tu quand les mots se dénudent
Versets et Décrets obstruant les portes
Eclate mon poème au curur du mensonge.

oui le Départ était un arrachement de ferrailles
déchirées le rebeb escalade la mémoire millénaire
Anéantissement dans la retraite du Cheikh… Le chacal
chasse le lion…

Une odeur de bout de pain brûlé
j’ai vingt ans et je suis épuisé
Oui tu ne sauras jamais la terreur des yeux écarquillés
Qui ne verront jamais ; tu ne sauras jamais la douleur
Du verbe se donnant tour à tour au pré épanoui au noir
De tes yeux aux rêves du sourire à la saveur sauvage
Des fruits libres aux flétrissures du vers

Une odeur de bout de pain trahi
J’ai vingt-cinq ans et je suis épuisé

Oui la malédiction du sein a un souffle d’incantation
Et tu ne connaîtras jamais le silence de la mort te cernant
Tu ne pourras même pas t’accrocher à la douceur
D’une chanson à la joie d’un retour. Tu ne t’es jamais
Arrêté dans la foule d’Alger pour pleurer
Une odeur de bout de pain renié J’ai cinquante ans et j’ai peur

L’angoisse
Dis mère
Dis-moi que nous avons le droit d’aimer
Le droit de rencontrer d’autres yeux
Sans avilir le Regard
Il faut croire mère
Que toi et moi pourrons un jour

« crucifier le refus
et répudier la Nuit »
mais Re Dis-moi ce conte du
mot qui fait fondre la pierre

extrait du recueil de la poésie Algérienne ed « points »

voir aussi sur la poésie maghrébine


Robert Juarroz – un morceau de rêve entre les mains


Je me suis réveillé,
un morceau de rêve entre les mains,
et n’ai su que faire de lui.
J’ai cherché alors un morceau de veille
pour habiller le morceau de rêve,
mais il n’était plus là.
J’ai maintenant
un morceau de veille entre les mains
et ne sais que faire de lui.
À moins de trouver d’autres mains
qui puissent entrer avec lui dans le rêve.

in Roberto Juarroz/ Poésie verticale


Maria Geovani Silva Pires – aubes profondes


tentative de traduction de cette auteure brésilienne

Maria Geovani Silva Pires

Dans les aubes profondes
Je suis rempli d’amour pour l’infini
et c’est seulement maintenant que je comprends …
que mes mains ont été modelées pour te contenir,
apportant deux bols pleins et moelleux …
qu’ils tiennent tremblants,
et se soulèvent mes lèvres assoiffées …
Ils servent mon anxiété
et mes espérances,
comme un vin de douceur ,
délices aux saveurs indescriptibles,
que mes lèvres sirotent
entre baisers et caresses d’amour.
Dans la matinée tranquille qui se blottit,
la rosée est déjà présente
sur herbe molle.
Dans la douce paix d’un nid parfumé,
Je te veux à côté de ma poitrine d’amant qui …
dit qu’un rêve ne s’effondre pas du jour au lendemain
et tous les rêves n’ont pas été faits
pour être défaits.

Nas madrugadas profundas
me encho de amor pelo infinito
e só agora compreendo…
que minhas mäos foram modeladas para conter-te,
trazer duas taças cheias e macias…
que elas sustentam trêmulas,
e erguem aos meus lábios sedentos…
Elas te servem a minha ansiedade
e aos meus desejos,
como um vinho de doçura
e delícias de indescritível sabor,
que meus lábios väo sorvendo
entre beijos e carícias de amor.
Na serena manhä que aconchega,
o orvalho já se faz presente
na relva macia.
Na doce paz de um ninho perfumado,
quero-te junto ao meu peito amante que…
Diz que näo se desfaz um sonho da noite para o dia
e nem todos os sonhos foram feitos
para serem desfeitos.


Poèmes du Gevaudan -III (Susanne Dereve)


Photo-montage RC

 

Le rideau d’ombre et de lumière des feuillages

Vent

le vent sur la peau nue


Herbe

l’herbe sur la peau nue

sèche brûlée

ployant sous le poids d’un insecte égaré

 

Mains

glissant sur la peau nue

Jeu des mains égarées


de mon visage contre le tien

enfoui   niché  dans l’obscure tendresse

de l’étreinte

 


N’efface pas les bruits

celui de nos respirations mêlées  

entremêlées


celui des pas dans l’herbe sèche

brûlée

celui dans les feuillages du vent léger

 


N’efface rien

 

 

 


Ce que n’ont pas vu les oiseaux …SD+RC


Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….

Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.

Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…

Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,

dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.

C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…

L’été s’est installé
dans un soupir…

SD-RC août 2020


Blancs muets – (Susanne Derève)


Rodin - -

      Le Secret – Auguste Rodin  (1910)

 

 

Blancs muets
L’espace de silence du ciel
du lever du jour jusqu’à sa longue descente
vers la nuit
le langage retenu
les non-dits
l’e dérobé de l’indicible
(la page blanche du souvenir)

****

Blanc virginal
Petites mains pressées
l’aiguille s’affaire sur les voiles gansés
tulles crêpes aubes
ourle faufile
ardente
sous la lampe

****

Blanc repentir
Cette autre main tachée de plâtre
épurant patiemment la matière
y traçant les lignes de vie
gommant le trait
pour en tirer obstinément
une poussière aveugle inanimée

****

Et d’elle au souvenir bien moins
qu’un voile de mariée,
l’épaisseur d’une plume au vent,
la transparence végétale
d’une fleur de printemps
l’aile ténue d’un soupir


Murièle Modely – début


tracés  sur  trottoir  Vllb 02.jpg

photo perso: Villeurbanne  nov 2019

 

je n’ai pas pu relire le livre
problème de vue ou de langue
l’enfance est illisible
les pages indéchiffrables à force d’être mangées
par des mains trop fébriles
je n’ai pas pu le livre, relire, relier
– adieu le cuir, la fibre, le cœur des souvenirs
le temps passe, tout devient noir
comme ma peau
complexe et incompréhensible


Jean GENET – Poèmes retrouvés


 

Safet Zec, Les mains sur le visage

                     Safet Zec, Les mains sur le visage

 

 

 

Dans l’antre de mon œil nichent les araignées

Un pâtre se désole à ma porte et des cris

S’élèvent de la feuille angoissée où j’écris

Car mes mains sont enfin de mes larmes baignées.

 

 

 

Le condamné à mort  et autres poèmes 

nrf

Poésie/Gallimard


Eugenio de Andrade – avec le soleil


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Je suis à toi, de connivence avec le soleil
dans cet incendie du corps jusqu’à la fin :
les mains si avides à leur envol,
la bouche qui sur ta poitrine oublie
de vieillir et sait encore refuser.

 

Aqui me tens, conivente com o sol
neste incêndio do corpo até ao fim:
as mãos tão ávidas no seu voo,
a boca que se esquece no teu peito
de envelhecer e sabe ainda recusar.

Eugénio de Andrade,
Matière Solaire, XIII


Colette – Jour de l’an


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Vides, elles l’étaient quasi, les poches et les mains de qui me venaient pourtant toutes grâces et toutes libéralités.

Mais elles accomplissaient des miracles à leur portée.

L’aube du premier janvier, rouge au ras de la neige, n’était pas née que les cent livres de pain, cuites pour les pauvres, tiédissaient la cuisine carrelée de ma maison natale, et les cent décimes de bronze sonnaient dans une corbeille.

Une livre de pain, un décime, nos pauvres d’autrefois, modestes, s’en allaient contents et me saluaient par mon nom de petite fille.

Debout, juchée sur mes sabots et grave, je distribuais le pain taillé, le gros sou ; je flairais sur mes mains l’apéritive odeur de la miche fraîche ; à la dérobée, je léchais, sur le ventre en bouclier d’un pain de douze livres, sa fleur de farine.

Fidèlement, l’odeur de pain frais accompagne, dans mon souvenir, le cri des coqs sous la barre rouge de l’aube, en plein hiver, et la variation de baguettes, jouée par le tambour de ville devant le perron, pour mon père.

Qu’il est chaud à mon coeur, encore, ce souvenir d’une fête glacée, sans autres cadeaux que quelques bonbons, des mandarines en chemises d’argent, un livre…

La veille au soir, un gâteau traditionnel, servi vers dix heures, saucé d’une brûlante sauce de rhum et d’abricot, une tasse de thé chinois, pâle et embaumé, avaient autorisé la veillée.

Feu claquant et dansant, volumes épars, soupirs de chiens endormis, rares paroles — où donc mon coeur et celui des miens puisait-il sa joie ?

Et comment le transmettre, ce bonheur sans éclats, ce bonheur à flamme sourde, à nos enfants d’aujourd’hui ?

 

 

COLETTE  « Le Voyage égoïste »  (éd. Fayard)


Ciseler l’image du souvenir – (Susanne Derève)


 

imogen Cunningham fleurs

 Imogen Cunningham – Hands and Aloe Plicatilis

 

 

Blanche colombe entre les mains

de l’oiseleur

vent tiède à la cime des trembles

les doigts du matin sur ma peau

 

Soleil      sang noir jeté sur l’eau

 

N’effacera pas le souvenir des doigts

de la nuit

n’effacera rien des souvenirs

ne fera rien

que marteler le bruit du sang à mes tempes

encore et encore

jusqu’à me fondre dans le souvenir

 

Regarde-moi ciseler l’image

de  mon   souvenir

avec le poinçon du graveur

 

– est-ce   pour toi    la même

oiseleur qui soupire –

 

 

 


Je ne sais exactement où mon corps penche – ( RC )


Jitka Válová  01.jpg

dessin:  Jitka Válová

 

Je ne sais pas exactement où mon corps penche :
et c’est sur des rives
aussi lointaines que je fréquente,        solitaire,
que va ma préférence
les pieds décollés de la terre .

C’est un univers fantastique,
où je doute fort qu’on me suive :
il y a les démons qu’on dérange ,
des corps aux formes étranges ,
– quelque peu fantomatiques

des arbres comme des mains larges
surgis d’une autre atmosphère ,
que l’on devine bien plus légère ;
j’en parcours la marge,
mais je suis incapable de la décrire,

ou bien,            si j’essayais de le faire,
vous auriez du mal à le comprendre :
il faudrait faire le parcours à l’envers
et tout désapprendre
pour traverser la glace du sommeil,

…un voyage au long cours,
offrant de singuliers détours
entre des nuits de soleils
qu’on ne peut même pas imaginer
avant de les avoir traversées.

RC – oct 2018


Thomas Duranteau- couvrir


43.jpg

Couvrir des mains
un brin d’herbe
le réchauffer d’une haleine
comme s’il avait parlé
comme si son silence
avait plus de poids
encore

 


Yves Heurté – Magdala 1


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peinture:     Eugène Delacroix:       Marie-Madeleine au pied de la croix

 

1

Je n’ai pas su garder ma vigne
pour le profane.
A tes mains j’ai donné
le nœud de ma ceinture
et dans tes yeux se dénouait
toute écriture de ma chair.

Vérité nue comme la femme
il faut qu’amour t’incarne
avant le chant grégorien .

 

 


Patrick Aspe – Les rires sont des oiseaux de passage


Image associée

 

Les rires sont des oiseaux de passage
la mémoire une éponge
la nuit une dissidente
tangue la vie des fuites lentes
mascarades sans limites
comme un filin d’acier au dessus du vide
je revois l’olivier des allées
la maison rose sous les cyprès
les grands peupliers jaunes d’octobre
précipice sans fond
sabordage des illusions
danse macabre aux sons des tamtams
le cri vient du ventre friable et déchiqueté
attirances des bleus voilés d’or sur la mer qui balance
la forêt d’endort aux silences des pins
chagrin parfumé d’oranges
imaginons cette vague sur le sable doré
lancinante passion des mains qui passent sur ton dos l’huile frémissante
la colline des horizons
sables mouvants de l’enfance
mon chevalier foudroyé d’ignorance
dragon frissonnant de flammes
la lune échappe aux brouillards
élève toi élève toi vers les neiges des cimes mon cœur brisé
l’azur pur tourmente l’épée qui s’agite …