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Franck Smith – noir solstice


peinture James Brown : Stabat mater X – 1988

je ne comprends pas

pourquoi toujours l’inquiétude doit être profonde

le ciel bleu la mer épaisse et profonde

le souvenir épais et bleu chaude

la chaleur de l’été solide

l’ennui ne comprends pas printanier

et bleu le bouquet comme noir

le soleil noir mouillé de noir

et c’en est fait du ciel pourquoi

radicalement noir comme celui

et c’en fut fait du ciel le noir dans la bouche

je ne comprends pas pourquoi

après le noir le blanc toujours

ensuite non ne comprends pas

tu comprends toi pourquoi

et où et de quoi as-tu peur dans le noir

quelle est la longueur dis cette peur rayonnante

sa lenteur

son caprice

dans le noir qu’elle est

radicalement

puisqu’il n’existe pas

le nom du jour n’existe pas

c’est noir quand le jour

n’est plus

non je ne sais pas

écoute un nom contient

le noir un noir un autre noir

au même endroit

c’est comme

le vent c’est comme

l’électricité

c’est comme la mer après

dont tu ne comprends pas

l’équilibre

la force non

et nous ne savons pas

plus de même

au même endroit

de cette peur

entre le vent

radicalement faible

de tout entier

et dérisoire

c’est comme la proie

la tache

noire aux sombres soucis

et tu te tais

et c’en fut fait du ciel

III

noir

c’est un peu d’orange pourtant

une branche ou deux qui font éclater les valises

je partirai passerai par l’usure du monde

je vais partir c’est sûr puisque

je te le dis dans le noir

te le dis dans la plus éculée des disparitions

avec à coté de moi quelques mots quelques oublis

une misère sans importance des baleines bleues

au ventre je te chercherai au coeur net

de ce que je refuse à côté si proche

la rivière du désordre dérisoire et vraie

te dira une absence

IV

je vais partir c’est sûr les mots

arrangeront un visage aimé

aux contours à peine dégrossis

je n’aurai aucun retour aucune peine à me perdre

V

quel noir est-ce qu’on voudrait tenir

pour endurer un silence moins inquiet

un sourire dénué du feuillage

des signes

quelque chose mauvais encore

et tenir têtes et gestes

je vais partir dans ce noir

que tu ne sais pas

donner

ni répondre

en cette seule et petite

fréquentation du mal

le mal-dit le mal-compris

autant de mensonges

ni personne

VI

les pas seront ceux du bleu effrayant et fatigué du malheur mal guéri

après l’autre après les autres feront-ils offrande ‘ c’est toujours

un peu non un peu seulement sauf que non c’est pas pareil à des patiences difficiles

VII

je ne sais pas pourquoi le ciel

je ne sais pas pourquoi le ciel la nuit

je ne sais pas pourquoi tant le ciel si l’obscurité

tant la nuit tant va le ciel

ne sais pas jamais

tant d’obscurité que si la nuit

alors qu’au ciel

et au-delà

bien au-delà

l’épaisseur des herbes-où nous courons

dans le ciel

, VIII

pour aller où je sais que j’aime ça se traverse longtemps aussi longtemps que l’eau

chaque force chaque éclipse » et rien pour dénombrer le temps


Louis Aragon – tant que j’aurai le pouvoir de frémir


peinture           Patricia Watwood:                Flora

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tant que j’aurai le pouvoir de frémir

Et sentirai le souffle de la vie

Jusqu’en sa menace

Tant que le mal m’astreindra de gémir

Tant que j’aurai mon cœur et ma folie

Ma vieille carcasse

 

Tant que j’aurai le froid et la sueur

Tant que ma main l’essuiera sur mon front

Comme du salpêtre

Tant que mes yeux suivront une lueur

Tant que mes pieds meurtris ne porteront

Jusqu’à la fenêtre

 

Quand ma nuit serait un long cauchemar

L’angoisse du jour sans rémission

Même une seconde

Avec la douleur pour seul étendard

Sans rien espérer les désertions

Ni la fin du monde

 

Quand je ne pourrais veiller ni dormir

Ni battre les murs quand je ne pourrais

Plus être moi-même

Penser ni rêver ni me souvenir

Ni départager la peur du regret

Les mots du blasphème

 

Ni battre les murs ni rompre ma tête

Ni briser mes bras ni crever les cieux

Que cela finisse

Que l’homme triomphe enfin de la bête

Que l’âme à jamais survivre à ses yeux

Et le cri jaillisse

 

Je resterai le sujet du bonheur

Se consumer pour la flamme au brasier

C’est l’apothéose

Je resterai fidèle à mon seigneur

La rose naît du mal qu’a le rosier

Mais elle est la rose

 

Déchirez ma chair partagez mon corps

Qu’y verrez-vous sinon le paradis

Elsa ma lumière

Vous l’y trouverez comme un chant d’aurore

Comme un jeune monde encore au lundi

Sa douceur première

 

Fouillez fouillez bien le fond des blessures

Disséquez les nerfs et craquez les os

Comme des noix tendres

Une seule chose une seule chose est sûre

Comme l’eau profonde au pied des roseaux

Le feu sous la cendre

 

Vous y trouverez le bonheur du jour

Le parfum nouveau des premiers lilas

La source et la rive

Vous y trouverez Elsa mon amour

Vous y trouverez son air et sont pas

Elsa mon eau vive

 

Vous retrouverez dans mon sang ses pleurs

Vous retrouverez dans mon chant sa voix

Ses yeux dans mes veines

Et tout l’avenir de l’homme et des fleurs

Toute la tendresse et toute la joie

Et toutes les peines

 

Tout ce qui confond d’un même soupir

Plaisir et douleur aux doigts des amants

Comme dans leur bouche

Et qui fait pareil au tourment le pire

C’est chose en eux cet étonnement

Quand l’autre vous touche

 

Égrenez le fruit la grenade mûre

Égrenez ce cœur à la fin calmé

De toute ses plaintes

Il n’en restera qu’un nom sur le mur

Et sous le portrait de la bien-aimée

Mes paroles peintes

peinture:          Patricia Watwood  –          le  rêve  de l’amant du poète

Le roman inachevé,

Poésie / Gallimard.


Arthémisia – Au Milieu de la foule


Jacqmin Sébastien.

du site: uneimageparjour.blogspot.com

Il ne pleut jamais. Tant mieux.
Mais le ciel arrose la ville de métal gris. Jusqu’au blanchiment. Jusqu’aux yeux. Jusqu’au livre éteint.
Eh tiens,
Si tu veux voir le froid, le trait froid et sec,
Prends cette route de corail, tire des bords,
Lustre et paume
A l’est,
Au sud.

Quitte tes a priori
Ne condamne pas
Ne tue pas.

Tu sais ; il n’y a absolument rien de nouveau.
J’ai toujours la même peau,
Celle que tu m’as donnée,

Enfin, ce n’est peut être pas le mot…

J’ai juste un peu mal au cœur, parfois,
Au milieu de la foule.

© Arthémisia – janv.2012

 

que  je vais  compléter  avec son propre  commentaire:

 

Au milieu de la foule pourtant il y a. Il y a l’autre aussi perdu ou oublié que moi. Je sais les pansements de son coeur. Je sais sa croix.

Il est aussi grand temps de se retourNer, de se tourner vers celui-là. Elle est là la rencontre. Même s’il n’est pas au milieu de la place publique, même s’il n’est pas le roi. Mon chemin est peut-être son chemin?