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Un être de mer – ( RC )


photo RC – Finistère -janvier 2021

Ce n’est pas une frontière,
ni une ligne, ni une surface,
une zone interdite,
c’est un océan, une mer,
qui vient et se retire
mais jamais trop loin.


C’est comme un être qui respire,
aux baisers salins.
Un être qui t’invite
quand la marée se lasse
dans de petite flaques
autour du sable mouillé,
se dissimule derrière les rochers,
les épaves rouillées
dans l’attente du ressac.


Il n’a pas d’étendue définie,
pas de limite ,
se rétrécit au découvert de plage,
puis revient comme un cheval sauvage,
lui que l’on croyait assoupi,
étincelant au soleil de midi,
jouant de sa robe ouverte
sur la gamme bleue des gris.


Ceux qui empiètent sur son territoire
le font en pure perte :
c’est ce pays sans mémoire
qu’on ne peut pas cerner,
trop indocile
pour qu’on puisse le dompter.


Il peut dévorer les îles
les engloutir sous la brume;
à coups d’écume.
Il reprend ce qu’on lui a volé,
des châteaux éphémères
aux navires téméraires
des temps écoulés….
……tel est le pays de mer.


Une minuscule église de pierre – ( RC )


C’est quelque part,      en avant
sur une pointe de terre
juste avant de plonger dans la mer,
que les pierres affrontent le vent.

Au milieu d’elles
des hommes ont construit
cet abri contre la pluie
une toute petite chapelle

coincée entre des rochers,
infiniment solitaire,
minuscule église de pierre,
        qui semble s’être échouée

        un jour de grande marée .
Des saints que l’on a vénérés
s’y sont peut-être réfugiés
après avoir débarqué .

Ils connaissent des langues mythiques
                           surtout en Bretagne,
( elle qui fut très ancienne montagne
où abondent mégalithes ) .

Il se peut que les pierres pensent par elles-mêmes,
gardant la mémoire de contrées anciennes
et des fêtes païennes
où les dieux n’étaient pas les mêmes .

S’accommodant  d’autres coutumes,
épousant les mousses et les lierres,
ce n’est pas seulement pour les prières
mais pour combattre la brume

évoquer les diables et les sirènes
et toutes les légendes des siècles passés :
ces pierres,                         nous les avons caressées ,
et des âmes déposées, recueilli les joies et les peines .

RC – 2019


Au fil de l’eau – (Susanne Derève )


photo RC -Bords de Rance –
Au fil de l’eau,  
un bruit de baiser sur la roche, 
le rire léger de la marée étale,
telle transparence qui arrache 
aux pierres plates 
sous la surface de doux reflets de perle

la chanson lancinante de la vague va va va 
et revient   
avant que les courants ne refluent et t’emportent
comme fétu de paille
ou ne te laissent échouée sur l’estran 
de boue grise
tremblante sous le vent 



Méduse et boîte de conserve – ( RC )


méduse – photo perso bords de Rance 2021

Frasques flasques
en reflets sur galets –
matière confuse d’une méduse
mauvais rêve à flanc de grève…

hydre molle dans l’attente
de marée montante;
faut-il qu’on l’apprivoise ?

Qui ferait collection
de bulles , de tentacules
vers de vase
ou vieux poissons
épinglés comme papillons ?

Je reste sur la réserve
des images oniriques .
( mon quant-à soi
privilégie la matière opaque ) ,
– oublier le ressac
– ouvrir une boîte de conserve :
un en-cas assez pratique
à défaut d’être romantique
…pour le pique-nique …

( variation-réponse à Jean-Claude Goiri )


Un pont sur les rêves – ( RC )


photomontage RC – à partir de photos de G Pasquier ( Finistère )

C’est une voie étroite
qui s’élance
au milieu des flots.
Juste quelques récifs
battus par les embruns
la maintiennent .

Pour prolonger le jour,
sous le ciel étoilé,
il me faudra quelques signes,
ceux du zodiaque peut-être,
un horizon bleuté
pour me rapprocher des îles.

Je jetterai un pont,
quelques lignes sur les rêves,
transformerai le calvaire
en phare de lumière,
très loin d’ici
prêt à immobiliser les vagues.

Est-ce un morceau d’infini
ce ciel qui m’attend
décollé de la mer ?
emportant mon ombre portée
prête à se déchirer
sur les rochers.

Un havre de pierre se détache ,
vacille dans la tempête ,
mais avant qu’il ne sombre
il faut que je dessine
une rue sur l’océan
qui tiendra juste

en équilibre dans l’image
avant que je n’aborde
dans la réalité,
comme le château de sable
qu’efface,inlassablement,

la marée .



Derniers jours d’été sur la Rance – ( RC )


photo perso – bord de Rance

Tu as peint sur tes mots,
comme sur des roses blanches.
Certaines se fanent
et leur tête penche…

Sur les pentes des coteaux,
les pêchers chargés de fruits
portent leur fatigue
las, des derniers jours d’été.

Un nuage lourd d’humidité
a avalé les derniers rayons du soir
Les voiliers s’effacent.
On ne distingue plus les rives.

C’est bientôt la nuit,
les sons s’assoupissent ,
le fleuve ne sait plus
vers quel côté aller.

Il attend de la mer
la brise fraîche
et la marée

Le monde respire dans le silence .
Nous en emporterons un peu
en quittant le pays de Rance…


Jean-Claude Pinson – Saison des civelles


( extrait de son ouvrage    » J’habite ici )

Tard un soir que nous traversions la Loire à Nantes
nous fascina le spectacle de dizaines de bateaux

qui allaient et venaient entre les ponts semblant fouiller les eaux avec leurs projecteurs
on était en mars et c’était comme si dans ce remuement nocturne le printemps
bientôt à naître avait
eu un cœur et qu’il battait au rythme étouffé
des diesels nous avions laissé la voiture sur la berge pour marcher
et mieux respirer l’odeur de la marée
montante, celle qui pousse les civelles
dans les eaux de l’estuaire
Le long du quai il y avait aussi des pêcheurs à pied ceux-là; ils trempaient des tamis
dans les remous
du mascaret avec des gestes graves d’orpailleurs nous nous étions approchés: au fond des épuisettes ce qu’ils remontaient ressemblait à du verre en
fusion ou plutôt à des spermatozoïdes vibrionnant désormais en vain et nous avions parlé aux enfants
d’une odyssée commencée là où dort dans les grands fonds l’Atlantide engloutie
du moins c’est la légende, avions-nous ajouté en remontant dans la voiture
je songeai à me servir de cet exemple dans un cours sur la nature et la finalité
je poserais la question de savoir s’il y a un sens à dire qu’une intention quelconque a présidé au long voyage des civelles comme si quelque main anonyme et connaissant les cartes marines les avait guidées jour après jour depuis qu’elles sont confiées aux bras infatigables du courant et en quel sens leur transhumance témoigne pour la force d’une mémoire, d’une lumière d’avant les hommes- droit d’aînesse que d’ailleurs il leur faut payer au prix fort
Ainsi je fais moins fi des variations du temps,sèche avec le vent d’est, revis lorsqu’une dépression approche son haleine, humecte l’horizon d’un front bas de nuages
alors le corps est comme une maison où des chambranles gonflent où des parquets respirent  les lèvres colmatent leurs fissures prêtes pour la pluie ou plutôt le crachin qui est comme les postillons d’une grande parole le regard intérieur s’assouplit tandis qu’à l’horizon le bocage lève comme un gâteau on dirait même que les viscères sont prêts (pourtant les miens sont franchement athées)
à écouter la pluie et son crépi jeté évanescent sur les fenêtres comme une aria céleste
mais c’est évidemment trop dire
Au printemps j’ai des chemins creux qui poussent dans la tête, des envies de campagne
rarement je passe à l’acte je me complais plutôt à choyer la mémoire d’un jour à l’île aux Moines où nous avons marché entre deux fanfares d’aubépines (la métaphore tant pis trahit la paix du lieu)

le vert d’une île en face faisait comme un motif mit la très grande assiette de la mer

Pourquoi étions-nous si sereins?
Etait-ce au bout du chemin la certitude que serait une plage où ramasser des coquillages?
Ce matin j’ai senti un avant-goût d’été
il suffisait que soit ouverte une fenêtre de cuisine que s’en échappent des bruits légers de vaisselle qu’on range fugitivement faisant tinter comme des sous du nouvel an
les beaux jours à venir et que sur le rebord fume la tache rose des langoustines
dans un grand plat qu’on avait mises à refroidir


Erwann Rougé – L’heure la plus étrange


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L’heure la plus étrange est cinq heures
et cette insupportable odeur de marée verte

Entre deux soulèvements de sable
une femme  chancelle   en riant

Elle a les yeux cendres  elle ment
C’est plus fort  les yeux   elle ment

Elle dit  regarder un ange
On dit cela au vent   à la cruauté du vent

Dans cette absurde odeur de marée basse
Il y a toujours une poussière

une légèreté de mort
qui vous pénètre l’oeil

 

in « Paul les oiseaux »

 

in  » Paul les oiseaux »

Marc Exavier – L’espoir est un soleil impair


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                      Lithographie:           Georges Braque:        soleil et lune II  ( 1959)

( extrait des  « chansons pour amadouer la mort)

 

 

L’espoir est un soleil impair
Un frisson volé aux miroirs
L’espoir est une ruche folle
Une ruée de clignements
Une rumeur aux gras de sel
Une marée mure de sang

L’espoir est un chemin aveugle
Un désespoir qui se recharge
Un écho qui choisit les mensonges
Un gisement de ciels
L’espoir est un fleuve qui rêve
Dans le soir fumant de la soif

L’espoir est une légende confuse
Où l’amertume fermente et soigne
Son goût de cendre et de tumeur

J’habite mes ossements
Cœur à chaos nageur soluble
Une erreur qui crée ses calculs
La vie est un soleil aveugle.

 

On peut lire  d’autres  extraits  ici…


Guillevic – A Carnac


 

 

 

 

A  Carnac, l’odeur de la terre

A quelque chose de pas reconnaissable.

C’est une odeur de terre

Peut-être, mais passée

A l’échelon de la géométrie

Où le vent, le soleil, le sel,
L’iode, les ossements, l’eau douce des fontaines,
Les coquillages morts, les herbes, le purin,
La saxifrage, la pierre chauffée, les détritus,
Le linge encore mouillé, le goudron des barques,
Les étables, la chaux des murs, les figuiers,
Les vieux vêtements des gens, leurs paroles,
Et toujours le vent, le soleil, le sel,
L’humus un peu honteux, le goémon séché,

Tous ensemble et séparément luttent
Avec l’époque des menhirs

Pour être dimension.

Femme, femme, au secours
Contre le souvenir
Enrôleur de la mer.

Mets près de moi
Ton corps qui donne.

Toujours nouvelle — et pas
Parce que tu changes.

Toujours nouvelle

Puisque je t’apprends

Et jamais ne sais ce que tu seras.

Donc tu donnes, quand même,
Tu ouvres.

Donne au moins ce qu’en loi
Nous avons investi.

Pour remplacer ce
Dieu
Où nous t’avons jetée,

Nous avons besoin
De trouver la fête.


Il ne semble pas
Que tu aies la tienne.

Pour se faufiler

Dans l’étroit canal

Qui menait au port avant les bassins,

Elles se pressaient, tes vagues,
Lors de la marée,
Elles se bousculaient.

Elles avaient besoin
Que l’interminable
Soit fini pour elles.

Je parle mal de toi.

Il me faudrait parler
Aussi vague et confus
Que rabâchent tes eaux.

Et des éclats
Pour ta colère,

Tes idées fixes
Sous le soleil.

Je n’ai jamais compris
Pourquoi, où qu’ils soient,
Toujours les gens causaient

Et rarement j’ai su de quoi.

Tu fais comme eux,
Tu veux causer,
Tu te racontes.

Ce qu’aussi tu veux

C’est t’allonger jusque dans les terres,

C’est les pénétrer, c’est être avec l’herbe.

Tu fais des rivières,
De vieux marais.

Mais là tu te perds
En perdant ta masse

Et ce néant
Qui te traverse.

Toute une arithmétique
Est morte dans tes vagues.

Il y a des moments

Où l’on te trouve entière,

Brutale d’être toi.

Là tu viens verticale et verte te dresser
A toucher notre face.

Là tu nais en toi-même

A chaque instant que nous faisons.

Parfois tu étais
Un moment de moi.

Je nous exposais
Au risque d’aller,

Car plus tard

Est toujours présent.

Quand je te regardais jusqu’au plus loin possible,
C’est vers le midi
Que je me tournais.

Je l’ai su depuis,
Lumière extasiée,
Horizon vaincu.

Il me semble parfois
Qu’entre nous il y a
Le souvenir confus
De crimes en commun.

Nous voici projetés face à face
Pour comprendre.


Jorge de Sena – Je sais le sel …


photo Anna Bodnar

photo Anna Bodnar

Je sais le sel de ta peau sèche
Depuis que l’été s’est fait hiver
De la chair au repos dans la sueur nocturne.

Je sais le sel du lait que nous avons bu
Quand nous bouches les lèvres se resserraient
Et que notre cœur battait dans notre sexe.

Je sais le sel de tes cheveux noirs
Ou blonds ou gris qui s’enroulent
Dans ce sommeil aux reflets bleutés.

Je sais le sel qui reste dans mes mains
Comme sur les plages reste le parfum
Quand la marée descendue se retire.

Je sais le sel de ta bouche, le sel
De ta langue, les sel de tes seins,
Et celui de ta taille quand elle se fait hanche.

Tout ce sel je sais qu’il n’est que de toi,
Ou de moi en toi ou de toi en moi,
Poudre cristalline d’amants enlacés.

 

Conheço o sal

Conheço o sal da tua pele seca
Depois que o estio se volveu inverno
De carne repousada em suor nocturno.

Conheço o sal do leite que bebemos
Quando das bocas se estreitavam lábios
E o coração no sexo palpitava.

Conheço o sal dos teus cabelos negros
Os louros ou cinzentos que se enrolam
Neste dormir de brilhos azulados.

Conheço o sal que resta em minhas mãos
Como nas praias o perfume fica
Quando a maré desceu e se retrai.

Conheço o sal da tua boca, o sal
Da tua língua, o sal de teus mamilos,
E o da cintura se encurvando de ancas.

A todo o sal conheço que é só teu,
Ou é de mim em ti, ou é de ti em mim,
Um cristalino pó de amantes enlaçados.

 

Jorge de Sena

– quelques uns de ses poèmes 

en langue portugaise:


Marée noire ( RC )


photo l’Express –         agence REUTERS /     Mike Hutchings

 

 

 

Un reflet            sur les flaques visqueuses

C’est le clin d’oeil d’une lumière qui s’élance

D’une lune voilée, qui va, vient et danse

Au milieu de nuées     et fibres laiteuses

 

La mer est lourde      d’un ressac hagard

Elle porte              un couvercle si lourd

Qui confisque son souffle,    son amour

——–Et ne nous rend pas notre regard.

 

C’est d’un calme,           une menace immobile

Les oiseaux                    englués de désespoir

Ils ne verront plus l’air,           en marée noire

Ce qu’on dirait                   – une mer d’huile –

 

La mer, l’amère ne se jette plus sur les rochers

Elle n’a plus d’écume,              que le goudron

Au rendez-vous du sable,     plus de poumons

Silences de vie ôtée,     kilomètres de déchets

 

 

RC  –  27 septembre  2012

 


migrations ( RC )


photo perso: Cigognes de Lithuanie -Lettonie

 

 

 

 

Il y a des oiseaux  qui se posent sur le champ

Et  qu’éparpille un peu de vent;

 

Comme il ondule les blés dressés

Sous sa main tiède,      caressés.

 

Il y a les oiseaux  qui se suivent dans l’attente

En formations serrées, à la fin de l’été,

 

Et qui dessinent des nuées mouvantes,

Comme le sable poussé par les vagues  de la marée.

 

Aussi semblables  que les grains  voisins,

Et pourtant différents, comme les messages

 

Dont ils portent les nouvelles, en passage

Migrations ,        des ailleurs lointains.

 

Les familles des cigognes, qui bâtissent leurs  nids

Sur les  cheminées          de Lithuanie

 

Viennent peut-être reprendre leur place,

Fidèles, aux sommets de celles  d’Alsace

 

 

C’est au dessus  de la Pologne

Que passent les  cigognes,

 

Malgré les aventures du vol, et des longs kilomètres,

On pourrait les identifier,        peut-être,

 

Chacune à sa patte, une bague de fiançailles

A célébrer du pays,       les  retrouvailles.

 

 

RC –    29 Juillet  2012

 

photo perso; cigogne en Lettonie


Basho – – Tiphanya ( haïku )


 

 

La marée s’est retirée
oubliant le ciel étoilé
dans le creux d’une roche

– Tiphanya : de Basho,

 


Francis Dannemark – Autrement dit, l’amour


peinture nature morte hollandais du XVIIè siècle-  fruits et champignons   -Wydeveld

 

 

Autrement dit, l’amour
pour F.

Il y a,
il y a des jours de raisins doux, de pommes d’or,
de quoi faire taire notre vieille soif.
Et l’eau qui court, torrents, rivières,
court sous la peau, enrobe nos cœurs, calme nos doigts.
Rien ne manque, rien n’est mieux,
et quand la nuit vient, elle affiche pour nous deux
un jeu complet d’étoiles.

Il y a des jours de fruits amers,
quand les pépins écrasés
nous blessent un peu la langue,
nous font former des mots moins beaux.

Il y a des jours de courte paille
où trois fois l’on tire la plus courte.
Les enfants sont un peu trop loin
pour qu’on entende leurs rires
et le chien qui murmure des rêves moroses
semble ne plus nous reconnaître.

Il y a des jours où tu m’aimes,
des jours où tu m’aimes bien.

Ainsi nous avançons, nous souvenant
et oubliant, marée haute, marée plate,
que le bonheur est un mélange

et que jamais il ne ressemble
ni tout à fait à ce que nous croyons
ni à lui-même,

 


Paul Celan – Marée basse


 

 

symbole du zodiaque Ste Austremoine, Issoire, Art roman

 

marée basse. Nous avons vu
les balanes, vu
les bernicles, vu
les ongles sur nos mains.
Personne n’a découpé le mot dans la paroi de notre cœur.

(Traces du crabe des plages, le lendemain,
sillons de rampants, galeries d’habitation, dessin
du vent dans la vase
grise. Sable fin,
sable gros,
détaché des parois, auprès
d’autres parties dures, dans les
débris.)

Un œil, aujourd’hui,
l’a donné à son frère, tous deux,
fermés, ont suivi le courant jusqu’à
leur ombre, déchargé
la cargaison (personne
n’a découpé le mot dans — —), fait ressortir
le harpon — une langue de terre, devant
un silence
minuscule et non navigable.

Paul Celan,             Grille de parole


La mer ne parle plus, elle se tait. (RC)


Affiche objet d’une plainte de la région Bretagne

La mer ne parle plus,  elle se tait.

Et si la mer  parlait dessous  son tapis  d’écume et de vagues,

Au silence de la mer  celle  réduite au silence,

Et aux arbres  qu’on élague

Encombrée de sables

Et  de débris innommables

La voilà immobile,  et presque entièrement recouverte

D’une  épaisse confiture

De toutes ces algues vertes

Et d’un semis  d’ordures

D’où s’échappent  gaz, par bulles

Autour des rochers las

Qu’une lasse marée dissimule

Dernier geste  de décence

D’une eau qui n’a pas d’age

Mais qui sent l’essence

A travers les coquillages

Désertés des mollusques

Que goudrons écrasent

Et collent même, jusque

Au cœur de la vase .

Si la mer parlait dessous son tapis  d’écume

Qu’elle ôtait son bâillon

Et qu’avec les vents revenus, elle s’enrhume

Elle chasserait ces haillons

D’un seul coup de tempête

Son parfum de dégoût

De fracas  et de pertes

Rejetant les  égouts

Bien loin sur la terre

Ces rejets de l’ingrate

De toxique amère

Saturés de nitrate.

Retraits d’hier en dignité

C’est d’un autre visage de Bretagne

Tournant dos à la fatalité

Qui ferait, que la nature gagne,

Que la mer épaisse revienne  en liquide

Que l’on puisse, voir le sable

Au travers d’une  écume limpide

Et d’un pays  respectable…

RC    11 juin 2012

voir notamment  ce site avec ces  affiches  choc, qui dénoncent  l’hypocrisie  ambiante.

 

et pour avoir une idée  du problème, plusieurs  sites  en parlent, mais les mesures concrètes se font attendre…, en effet il y aurait une collusion entre les autorités et les sociétés financières qui possèdent une partie des élevages intensifs bretons …  ceci expliquant  en grande partie cette inertie, pour un problème connu depuis longtemps.

 

 

 


Ezra Pound – l’aiguille


THE NEEDLE

come,   or the   stellar   tide  will   slip

away. Eastward avoid the hour of its

Now! for the needle trembles in my soul!

 

Here have we had our vantage, the good

hour. Here we have had our day, your day and mine.

Come now, before this power

 

That bears us up, shall turn against the

Mock not the flood of stars, the things to be.

O Love, come now, this land turns evil

 

The waves bore in, soon will they bear away.

The treasure is ours, make we fast land with it.

Move we and take the tide, with its next flavour,

 

Abide Under some neutral force

Until this course turneth aside.

 

image montage perso - structure animalière

 

L’AIGUILLE

Viens, ou la marée stellaire s’évanouira.
A l’est, fuis l’heure de son déclin,
Dès maintenant, car l’aiguille tremble dans mon âme!

N’avons-nous pas vécu de bons moments ici?
N’avons-nous pas eu notre jour, le tien et le mien?
Viens dès maintenant, avant que le pouvoir
Qui nous a portés ne se détourne de nous.


Ne ris pas de l’influence des étoiles,
Les choses. doivent être ainsi.


Mon amour, viens dès maintenant, cette terre
devient funeste.
Les vagues approchent avant de fuir à nouveau.

Ce trésor est le nôtre, emportons-le.
Vite, profitons des saveurs de la marée,

Restons comme tels,
Sous quelque force neutre
Jusqu’à ce que le cours des choses tourne autrement..

(Ezra Pound)

Ce texte  est proposé par   arbrealettres, dans une  traduction que j’ai  légèrement  modifiée, en fonction du texte  d’origine.

photo: Eliott Erwitt


Francesca Yvonne Caroutch – Le jour grand ouvert t’engloutit


 

photo: tiré d'une compilation de photos "européennes" ( sans plus de précision.

 

 

 

 

Le jour grand ouvert t’engloutit

Le hasard joue aux dés dans les rues

De loin tu guides mes mouvements

comme la lune régit les marées le sang

Les rendez-vous manqués projettent

de grandes ombres en plein midi

Parfois l’amour tombe de cent étages

Le soir lentement se vide comme une bête malade

 

Oublie ton visage sa plainte

de paysage brouillé derrière une flamme

Notre destin a la fulgurance des marécages

la lenteur des étoiles à l’instant

de leur explosion de leur chute.

 

 

 

Francesca Yvonne Caroutch