Aucune théorie sur le déplacement – ( RC )

Là, tout est au beau fixe.
Quelques nuages volages
sont à leur place.
Personne n’imaginerait
à part l’ingénu Magritte,
que les rochers se détachent
et s’envolent, oublieux de leur masse
avant de retomber au petit bonheur
pour la plus grande joie des autochtones,
voyant pleuvoir les menhirs.
C’est une image peu réaliste,
….je le concède,
qui pèse très peu
comparée à ces tonnes
qui ont été déplacées …
mais comment expliquer
que des pierres usées
par des millénaires de marées,
se retrouvent en équilibre
sur ces rochers dentelés ?
L’océan, dans sa grande générosité
aurait-il, inversé le cours des choses,
glissé ses bras sous les écueils,
bousculé les centres de gravité,
ignoré les lois de la physique,
pour leur rendre une légèreté
« métaphysique «
comme ces nuages que l’on voit passer
lors de ces après-midi d’été,
où règne calme et volupté ?
Je n’ai là-dessus aucune théorie,
pas interrogé le sable sage
sous le soleil de juillet,
de toute façon,
il ne m’aurait pas répondu :
je me suis contenté de chercher l’ombrage
sous les blocs de granite
dont la longue vie
contient plus de secrets et de chansons
que je n’en pourrais inventer…
Marc LE GROS – Mémoires de basse
Paul Sérusier – Bord de mer au Pouldu
II
Puisque rien n’est écrit
D’avance et
Qu’il ne reste que des restes
Après tout
Quelques couleurs à mettre sur le jour
Un peu de voix à faire entrer
Dans le bond des grèves
On est là
Dans la fraicheur qui déteint sur nos mains
Nos yeux ne prennent plus l’eau
Depuis longtemps
Et quand l’un après l’autre les oiseaux
Passent au blanc
Le vent seul nous donne l’heure
On ne répond plus
LXVII
On arpente le bas flot tous les deux
Les yeux frottés
Aux mues vives des marées
De ma pâleur à ton visage d’ailleurs
Il n’y a plus très loin
C’est ma mémoire que tu blanchis
Et quand au bord le plus léger
Le plus mince de nous-mêmes
La lumière doucement touche
A sa fin
On est comme ces anomies
Sur les grèves
Ces fines pelures nacrées
Transparentes à peine comme l’air du temps qui passe
On y passe aussi on court même
Chaque fois
On y laisse sa peau
MEMOIRES DE BASSE – Calligrammes – 1987
Alain Helissen – ( my life on a horse back ) 10027810

Châteaux en Espagne, une île au milieu des mers ( RC )

Château d’Atienza – Espagne
—
Il faut je crois, suivre une ligne,
Un fil invisible, de ténacité,
Pour construire, comme on dirait,
Ces « châteaux en Espagne »,
–
Se parsèment, dans les espaces vides,
Sur des monticules ocre , et jaune,
Des constructions, que l’on dirait utopiques,
Jamais achevées, et offertes aux vents,
–
Les semblables propulsant les ailes,
Des moulins à vent,
Chargés par Don Quichotte,
– Sa lance en avant.
–
Oui, les grandes ailes tournent,
Et souvent broient du vide,
Elles tournent dans la tête,
Comme de grands oiseaux blancs,
–
Peut-être ne sont-ils maintenant
Qu’une image, marquant les esprits,
Marqué par l’imaginaire,
photo: forteresse reconstituée de Mornas, vallée du Rhône, Vaucluse
–
Ainsi se remontent,
Pour le bonheur des touristes,
D’anciennes forteresses,
Habitées par les ronces.
–
Tout y est sécurisé,
On y accède en voiture,
On domine la vallée,
Et son autoroute.
–
C’est une belle carte postale,
Dont les assaillants d’antan,
Devaient garder dans leur cœur,
Pour raconter leurs exploits aux enfants,
–
Ah, les volées de flèches,
Tirées des meurtrières !
Ah, l’huile bouillante, rebondissant,
Aux pieds de la tour !
–
Ah les beaux boulets,
De plus de cinq livres,
Expédiés au-dessus des murailles,
Par notre artillerie…. !
–
Et ces soldats aux casques luisants,
Leurs écus aux couleurs du drapeau,
Claquant sur le donjon,
Leurs cottes de maille… !
–
Ceux qui ont de la chance,
Lors des fêtes médiévales,
Peuvent voir, dans des copies d’habits d’époque,
La comtesse ,tout en damas et soieries, et sa suite….
–
Tout est reconstitué,
Des histoires de batailles,
Dans le moindre détail,
En panneaux explicatifs.
–
C’est très instructif,
On a même refait, au milieu de la cour,
Un grand jouet, grandeur nature,
C’est une catapulte – toute neuve-,
–
…. Qui participe au décor…
Car ici tout est décor,
Il n’y a plus de vie,
Dans les salles désertes,
–
Que l’on occupe,
– Toujours pour la culture, –
Par des pièces énigmatiques,
De grands artistes
–
Inspirés sans doute,
Par les murs en pierres lourdes,
Les verres troubles des fenêtres,
Et le sol en terre cuite.
–
Les salles d’exposition sont climatisées,
L’humidité est contrôlée,
La lumière est étudiée,
Pour le confort du visiteur
–
Le département s’occupe de tout :
De l’art, de la culture, et du patrimoine,
( Et le fait savoir en multipliant,
Publicités et affiches voyantes. )
–
Mais revenons à nos châteaux en Espagne,
Ou plutôt ce que chacun,
Dans la discrétion et l’intime,
Construit pour lui-même…
–
En forgeant son monde intérieur,
De formes et de couleurs,
De passions et d’utopies,
En se construisant la vie…
–
Une île au milieu des mers,
Perdurant contre vents et marées,
Ouvert à la perspective des sens,
- c’est un grand voyage –
–
A s’arc-bouter,
Contre les éléments hostiles,
Mais les vagues sont porteuses,
Vous y serez bientôt…
–
– Je vous y invite –
–
RC- 13 octobre 2013

Moulins de Consuegra – Espagne
Ghost Pig – Tes yeux planaient
Tes yeux planaient sur des nefs de pluie grise,
Peuple d’ouragan et d’océan sans églises.
Tes yeux à la semblance d’un goéland,
Libres et mobiles, blancs.
Beaucoup plus bas, contre l’île, ressacs, marées.
Le capitaine fracasse a déserté le cerisier,
Les crabes rouges, et le cidre doux.
Bien au-delà les papous adorent leur idole,
Pylone de basalte crachant du feu sur le sol.
Au matin dans la clairière,
L’Enfant joue dans la lumière.
–
Paolo Messina – Résurgence
— > article visible sur le blog de Sempre0allegra
–
E’ un tempo, una passione, un modo di andare, da un luogo di vita ad uno diverso,
l’andare, qui ora, segna un dolore,
le cose terrene, fragili accordi,
lavoro negato, dignità sepolta,
la felicità è perduta, la legalità muore;
ci lasciano l’ombra,desiderio di niente,
alziamo maree e lasciamo alle cose
il silenzo del mare;
elogio dell’ombra che porta la vita!
Paolo Messina
Serena pasqua di risorgenza 2011
–
… »lascia che l’altro sia quello che è….. »
Il est temps de sortir de l’ombre, le silence fétiche d’un pays fatigué, il est temps d’aimer notre pays »
RESURGENCE (1)
il est un temps, une passion, une manière de faire, d’un point à l’autre,
être actif aujourd’hui engendre des douleurs
les choses de la terre, ces accords fragiles
le travail refusé, notre dignité ensevelie
le bonheur est perdu, la légalité meurt
on sort de l’ombre, mais sans aucun désir
on soulève des marées et on les abandonne au hasard
le silence de la mer
louanges de l’ombre qui porte la vie
(1) réapparition
Max Jacob: – vie et marée
Vie et marée
Quelquefois, je ne sais quelle clarté . nous faisait
entrevoir le sommet d’une vague et parfois aussi le bruit
de nos instruments ne couvrait pas le vacarme de l’océan qui se rapprochait.
La nuit de la ville était entourée de mer.
Ta voix avait l’inflexion d’une voix d’enfer et le piano n’était plus qu’une ombre sonore.
Alors toi, calme, dans ta vareuse rouge, tu me touchas l’épaule du bout de ton
archet, comme l’émotion du Déluge m’arrêtait.
« Reprenons! » dis-tu.
O vie 1 ô douleur! ô souffrances d’éternels
recommencements !
que de fois lorsque l’Océan des nécessités m’assiégeait !
que de fois ai-je dit, dominant des chagrins trop réels ! hélas!
« Reprenons! » et ma volonté était comme la villa si terrible cette nuit-là.
Les nuits n’ont pour moi que des marées d’équinoxe.
——–
Max JACOB« Le Cornet à dés »
(Gallimard)
Bibliothèque des Arts Décoratifs Échelle de sensations