Retour de la marelle – ( RC )

Attention de ne pas lancer trop loin
la pierre revêche dans les airs.
Si elle ne revient pas
c’est qu’elle aura rebondi
au-delà des limites de l’atmosphère.
Tu vois ce que c’est
de pousser trop loin
le galet à la marelle :
ça va de la terre au ciel
directement sans s’arrêter
aux cases tracées
à la craie sur le trottoir.
Après , il s’agit de ne pas faire
le parcours à l’envers
car la pierre peut retomber
de façon inopinée
dans le puits
sans fond de l’oubli:
Prends garde où tu mets les pieds
car si par malchance
tu la reçois sur la tête
le jeu est terminé
les cases retournent sur elles-mêmes
la partie est finie,
c’est ainsi que se clôt le poème…
RC
Un deux trois soleil – Susanne Derève

Roger Bissière – Soleil noir
Qui égrenait les heures
écrivait des peut-être
mettait un pas dans l’autre
ouvrait grand les fenêtres
y accrochait les mots comme on suspend
le linge
avec des agrafes de papier
lançait au ciel un air de flûte
que le piano lui renvoyait
– touches d’ivoire du piano
comme un temps hors du temps morcelé –
soleil
un avant-gout d’été
Où sont les bras qui me hissaient tendrement
hors du sommeil
les bras qui m’enlaçaient
– voile doré sous les persiennes
les bruits de la ville étouffés –
et se fondent déjà dans ce rêve vermeil
que j’arrache au passé
Tracer sur le trottoir une fleur
de marelle un deux trois
à cloche pied
en égrenant les heures
Te retrouver
Cela vaut le coup d’essayer ( un jeu qui en vaut la chandelle ) – ( RC )
–
Il faut miser sur des cases,.
C’est la règle du jeu,
Un peu comme à la marelle.
On se déplace,
puisque c’est le hasard qui décide,
D’un jet de dés.
Le voyage se fait,
de façon instantanée:
On peut passer de la passion,
à la prison – sans transition.
Si c’est un jeu…
qui donc en édicte les règles ?
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
mais tout au long de l’existence,
A passer d’une case à l’autre ;
On ne sait quelles sont les chances
de finir sur la case « ciel ».
Les prêtres ont à ce sujet leur idée,
mais il se pourrait, vu ce qu’on connait,
qu’elles soient orientées…
Le mathématicien parlerait de probabilités,
mais tout le monde ne termine pas en même temps,
ni dans la même case…
> » un jeu qui en vaut la chandelle »…
mais celle-ci se consume
inexorablement. La flamme s’abaisse.
Au final, la dernière case se remplit
de cire fondue,
avant que la mèche tombe,
et ne s’éteigne pour de bon…
mais où, précisément ?
je ne peux vous répondre.
–
RC- juin 2015

photo: affiche d’Amnesty international contre la torture
Compte à rebours, en émois ( RC )
Je compte jusqu’à trois,
Je ne sais plus combien de fois,
Peut être que, petite fille,
A cloche-pied, tu t’égosilles,
Sautant de case en case,
Et la jupe s’envole, un peu grivoise
Si tu es prête à l’envol
Dans ton parasol
Je compte à rebours,
Au visage de l’amour,
Un deux, trois,
Et si nous sommes à l’étroit,
Je vise le ciel,
Il y a plein de soleils,
Avec tes cheveux de soie,
Au-dessus de moi.
Je compte sur toi,
Au bout de mes doigts,
Et parcours monts et vallées,
Aux courbes avalées,
Quand la musique de chambre
Ôte les dernières feuilles de novembre,
Je voyage à pas menus ,dans l’inconnue
Si l’automne laisse ton parc à nu.
Je compte en émois,
Aux mois succèdent les tois,
Les vents portent la bise,
Remettons la chemise,
Contre les courants d’airs,
Je te couvre pour l’hiver,
Tandis que fuient les hirondelles…
> Te souviens-tu de ta marelle ?
Tu y comptais tes pas,
En moulinant des bras…
Suivant les cheveux libres,
Le corps en équilibre,
Je te regarde, je t’attends !
Regarde, c’est déjà le printemps,
Maintenant, comme je vascille,
A tes bas en résille,
Viens vite dessiner le bonheur !
Le dessin de tes mains a la forme d’un coeur…
–
RC – 27 août 2013
–
Guy Goffette – Maintenant c’est le noir

peinture: Franck Stella
Les mots c’était hier
dans le front de la pluie
à la risée des écoliers qui
traversent l’automne et la
littérature
comme l’enfer et le paradis
des marellesTu prêchais la conversion pénible
des mesures agraires
à des souliers vernis
des sabreuses de douze ans
qui pincent le nez des rues
et giflent la pudeur
des campagnes étroites
Tu prêchais dans les flammes
du bouleau du tilleul
à des glaciers qui n’ont
pas vu la mer encore
et qui la veulent tout de suite
et qui la veulent maintenant
Maintenant c’est le noir tu
changes un livre de place
comme s’il allait dépendre
de ce geste risible en soi
que le chant hyperbole de la poésie
–› »maintenant c’est le noir »
–› impuissance créatrice,
d’où l’hésitation
entre poésie et prose te revienne
et détourne enfin
avec la poigne de la nuit
le cours forcé
de ta biographie
–
Lucien Suel – Sombre Ducasse 7 ( suivi de ma « réponse » ) – ( RC )
Sombre Ducasse (version justifiée) 7
si le point de départ vient à changer
aura-t-on le même point au final ceux
qui utilisent des bandes coulissantes
sur trois magnétophones n’anéantiront
plus le complexe comateux bande bande
bande blue stardust jack off moi j’ai
tout fait j’étouffais alors quel sera
le numéro silence silence silence ces
dispositions hétéroclites ces séances
particulières datent sans doute de 23
ans avant la dernière guerre nous les
détruirons les erreurs surtout celles
qui consistent à croire que les moins
grands sont les plus jeunes ou que le
plus grand est le plus vieux détruire
toute la hiérarchie serait saugrenu à
moins de placer les petits les moyens
les grands contre un mur de manière à
déclencher le feu des fusils à canons
sciés le sens de l’écriture a orienté
tout pour tous de manière ignoble les
maladresses ont été nombreuses il y a
eu trop de ça tout au long des années
des siècles à venir ceci n’allait pas
tout seul il faudra placer des garde-
fous plus rigides sur les limites des
manières de vivre aujourd’hui séparer
mettre à l’écart les cas gênants nous
avons trop peu de renseignements tous
nos souvenirs brillants de la seconde
guerre mondiale s’estompent déjà dans
les vents froids et foireux les vieux
partis au diable vos vers sont séchés
soumis à la question trop souvent ils
ne sont plus que d’anciens modèles de
voitures reproduits sur carte postale
—-
Le texte de Lucien Suel, extrait de « silos », est visible directement sur cette page…, l’auteur, en m’autorisant à republier son texte, me renvoit aussi à sa version 2, ici
Je ne suis pas là, je ne pourrai pas t’accompagner
dans la course, et découper le temps avec des
ciseaux,ainsi la musique se déroule, et les chevilles se coulent,
sans hiérarchie, sur la piste, il y a le parquet qui brille, les passages le frottement de la lumière,
et la musique de Coltrane, my favourite things, qui me rappelle, mais j’ai vérifié, c’était autre chose,
le film de Pierre Etaix,Yoyo… j’ai encore dans les yeux la fumée des usines qui rentre dans les cheminées, plutôt que d’en sortir, tu vois, j’ai sans doute égaré bien des souvenirs, en route, en semant trop de cailloux blancs – pour écouter le silence
je me suis un peu perdu, sur des chemins qui s’égarent.
Oui, j’aurais eu besoin de garde-fous, enfin, si on veut, si on parle de fous,
car justement, ce sont des voix d’hiver ( diverses), qui permettent de trouver la sienne,
les chemins de traverse, comment se repérer faire que sa voie soit la sienne et sa voix personnelle…
J’ai traversé des tableaux sépia , croisé Francis Bacon à Paris,
pianoté un peu, et caressé la lumière qui se posait sur mes toiles.
Les vers séchés ( comme les lombrics égarés après une forte pluie), composent mes poèmes,
que je triture volontiers, en sautillant à cloche pied, varier les appuis, les cases de la marelle
pour aboutir à la case « ciel », j’écoute les voix diverses, je m’enrichis de ta voix…
et finalement j’ai laissé tourner les bandes magnétiques, laissé les ciseaux à d’autres,
mon univers est de la couleur et de l’argenté.
Passent d’anciens modèles de voiture reproduits sur les magazines….
RC 14 décembre 2012
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