Jacques Borel – les images
peinture: Arnold BÖcklin avec la mort violoniste
Je ne peux pas grand’chose lorsque s’abat sur moi
La grande faulx noire et dorée de la mélancolie,
Seulement ployer un peu plus bas l’échine, ou supplier
De se taire dans la combe la plus obscure du cœur où ils se sont réfugiés
Ce groupe d’aïeux qui se retournent et chuchotent
Comme des soldats frissonnants sous une couverture
Et dont je n’ose pas surprendre les secrets conciliabules;
Retenir un instant cette main, et c’est celle de mon père,
Qui voudrait approcher de la table de jeu
Et poser encore un peu d’or sur le tapis;
Convaincre doucement ma mère de rentrer,
Qu’il n’y a plus de messe à l’église des fous
Et qu’aucun noyé ne l’appelle du fond de cette eau où elle se penche.
Peut-être pourrais-je refuser de reconnaître
Ce sourire d’amer plaisir que j’ai déjà vu sur d’autres bouches,
Ou ce geste de l’épaule qui tremble et ploie
Quand la vague d’un autre corps va la recouvrir de son ombre
Et la rouler sur un lit d’algues où elle retrouvera soudain
La même face confondue de la mémoire et de la solitude.
Dire non, mais puis-je aussi
Dire non à cet enfant dans son lit
Qui murmure à la mort des mots de fiançailles
Et il me semble qu’il ne s’est pas endormi depuis,
Qu’il est là depuis toujours, à tenter d’apprivoiser
Le sommeil aux mains de sable
Les larmes de Peau-d’Ane encore sur son visage
Et la lune sur la vitre qui survit à ses songes.
— Ô images, plus indestructibles que les choses !
Grandes banderoles à jamais accrochées aux façades !
Vous me cacherez jusqu’au bout les profondeurs des fenêtres,
Les gestes, les colères et le tendre recul
Des êtres qui respirent à leur tour dans les chambres;
Le vent qui vous arrachera me balaiera avec vous,
Je vous sentirai encore collées à mes paupières,
Et, dans la déchirure,
La même lampe continuera d’éclairer pour moi
La même marge obscure et infranchissable du monde
Découpée une fois par les ciseaux du temps,
La maison refermée sur les terreurs du jour,
Ce salon vide, cette porte, et sur le mur
Cette figure lentement qui se confond avec sa robe
Et qui en a fini désormais de ressembler à personne.
Eugenio de Andrade – le poids de l’ombre III
photo Raphael Milani
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Le poids de l’ombre III.
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C’était septembre
ou bien tout autre mois
propice à de petites cruautés :
Que veux-tu encore ?
Le souffle des dunes sur la bouche ?
La lumière presque nue ?
Faire du corps entier
un lieu en marge de l’hiver ?
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Estonie 2013
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Examens ( RC )
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C’est tout un rassemblement qui s’aligne
Toute une cohorte de têtes qui se penchent
Et que défient le sablier des minutes
A la progression lente…
L’extérieur se heurte aux façades et plantes,
Et de vie , n’a d’horloge que sa course circulaire
Hameaux de nuages pourchassés par le vent, le soleil, les rideaux
Temps découpé, la pendule des savoirs
Aux fronts plissés, fait écho à la mémoire
La teneur des choses, au long des années – convoquée
Tient en questions et réponses,
Quelques feuillets d’une écriture large
Un espace ouvert, laissé à la marge.
RC – 28 juin 2012
Jean-Jacques Dorio – Je rêve d’abandonner là mes rêves
Je rêve d’abandonner là mes rêves
pour une machine à coudre
les champs magnétiques
Je rêve des grands commencements
du temps perdu et retrouvé
et des dialectiques féeries
Je rêve de tous les prophètes
dont l’on déjoue les prédictions
dans le secret des marges
JJ Dorio / Je T’Rêve / Edts Raphaël De Surtis … p.31
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Charles Coutarel – Osmoses
m’enivrer d’airs
et d’eaux
apprendre l’oiseau
sans la cage
frissonner ô nouveau
ne rien attendre
davantage
sinon le chant
des mots
la magie
du sage
la musique du monde
la présence de la marge
OSMOSES
Ch. Coutarel, 24.11.87
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