Une expérience de physique – ( RC )
peinture: James Ensor: autoportrait aux masques
Si je me rappelle mes cours de physique,
ce seraient de ces forces opposées,
qui s’affrontent comme des pensées contraires.
L’expérience renouvelée du couple de torsion
engendre le mouvement inverse
dès lors que les contraintes se relâchent.
Si l’art est sujet à ces contraintes,
que deviendrait-il si celles-ci disparaissent ?
Les paysages tourmentés reviendraient-ils au calme,
Van Gogh ou Ensor, échangerait-ils leur style
pour des autoportraits
qui pactisent avec ceux de Rembrandt ?
Leur visage, dans la réalité qu’ils traversent
est-il parcouru par le temps
qui leur impose leur marque ,
comme la tension d’une corde
trop serrée laissant son empreinte
en creux, dans la peau ?
Relâchons la tension, annulons ces forces …
le visage représenté deviendrait-il aussi lisse qu’un masque neutre,
n’ayant rien à confier à notre propre regard ?
masque traditionnel mexicain: photo Bruno Grandjean
Octavio Paz – l’amphore brisée

Le regard intérieur se déploie, un monde de vertige et de flamme
naît sous le front qui rêve :
soleils bleus, tourbillons verts, pics de lumière
qui ouvrent des astres comme des grenades,
solitaire tournesol, œil d’or tournoyant
au centre d’une esplanade calcinée,
forêts de cristal et de son, forêts d’échos et de réponses et d’ondes,
dialogues de transparences,
vent, galop d’eau entre les murs interminables
d’une gorge de jais,
cheval, comète, fusée pointée sur le cœur de la nuit,
plumes, jets d’eau,
plumes, soudaine éclosion de torches, voiles, ailes,
invasion de blancheur,
oiseaux des îles chantant sous le front qui songe !
J’ai ouvert les yeux, je les ai levés au ciel et j’ai vu
comment la nuit se couvrait d’étoiles.
Iles vives, bracelets d’îles flamboyantes, pierres ardentes respirantes,
grappes de pierres vives, combien de fontaines,
combien de clartés, de chevelures sur une épaule obscure,
combien de fleuves là-haut, et ce lointain crépitement de l’eau
sur le feu de la lumière sur l’ombre.
Harpes, jardins de harpes.
Mais à mon côté, personne.
La plaine, seule : cactus, avocatiers,
pierres énormes éclatant au soleil.
Le grillon ne chantait pas,
il régnait une vague odeur de chaux et de semences brûlées,
les rues des villages étaient ruisseaux à sec,
L’ air se serait pulvérisé si quelqu’un avait crié : « Qui vive ! ».
Coteaux pelés, volcan froid, pierre et halètement sous tant de splendeur,
sécheresse, saveur de poussière,
rumeur de pieds nus dans la poussière, et au milieu de la plaine,
comme un jet d’eau pétrifié, l’arbre piru.
Dis-moi, sécheresse, dis-moi, terre brûlée, terre d’ossements moulus,
dis-moi, lune d’agonie, n’y a-t-il pas d’eau,
seulement du sang, seulement de la poussière,
seulement des foulées de pieds nus sur les épines
seulement des guenilles, un repas d’insectes et la torpeur à midi
sous le soleil impie d’un cacique d’or ?
Pas de hennissements de chevaux sur les rives du fleuve,
entre les grandes pierres rondes et luisantes,
dans l’eau dormante, sous la verte lumière des feuilles
et les cris des hommes et des femmes qui se baignent à l’aube ?
Le dieu-maïs, le dieu-fleur, le dieu-eau, le dieu-sang, la Vierge,
ont-ils fui, sont-ils morts, amphores brisées au bord de la source tarie ?
Voici la rage verte et froide et sa queue de lames et de verre taillé,
voici le chien et son hurlement de galeux, l’agave taciturne,
le nopal et le candélabre dressés, voici la fleur qui saigne et fait saigner,
la fleur, inexorable et tranchante géométrie, délicat instrument de torture,
voici la nuit aux dents longues, au regard effilé,
l’invisible silex de la nuit écorchante,
écoute s’entre-choquer les dents,
écoute s’entre-broyer les os,
le fémur frapper le tambour de peau humaine,
le talon rageur frapper le tambour du cœur,
le soleil délirant frapper le tam-tam des tympans,
voici la poussière qui se lève comme un roi fauve
et tout se disloque et tangue dans la solitude et s’écroule
comme un arbre déraciné, comme une tour qui s’éboule,
voici l’homme qui tombe et se relève et mange de la poussière et se traîne,
l’insecte humain qui perfore la pierre et perfore les siècles et ronge la lumière
voici la pierre brisée, l’homme brisé, la lumière brisée.
Ouvrir ou fermer les yeux, peu importe ?
Châteaux intérieurs qu’incendie la pensée pour qu’un autre plus pur se dresse, flamme fulgurante,
semence de l’image qui croît telle un arbre et fait éclater le crâne,
parole en quête de lèvres,
sur l’antique source humaine tombèrent de grandes pierres,
des siècles de pierres, des années de dalles, des minutes d’épaisseurs sur la source humaine.
Dis-moi, sécheresse, pierre polie par le temps sans dents, par la faim sans dents,
poussière moulue par les dents des siècles, par des siècles de faims,
dis-moi, amphore brisée dans la poussière, dis-moi,
la lumière surgit-elle en frottant un os contre un os, un homme contre un homme, une faim contre une faim,
jusqu’à ce que jaillisse l’étincelle, le cri, la parole,
jusqu’à ce que sourde l’eau et croisse l’arbre aux larges feuilles turquoise ?
Il faut dormir les yeux ouverts, il faut rêver avec les mains,
nous rêvons de vivants rêves de fleuve cherchant sa voie, des rêves de soleil rêvant ses mondes,
il faut rêver à haute voix, chanter jusqu’à ce que le chant prenne racine, tronc, feuillage, oiseaux, astres,
chanter jusqu’à ce que le songe engendre et fasse jaillir de notre flanc l’épine rouge de la résurrection,
Veau de la femme, la source où boire, se regarder, se reconnaître et se reconquérir,
la source qui nous parle seule à seule dans la nuit, nous appelle par notre nom, nous donne conscience d’homme,
la source des paroles pour dire moi, toi, lui, nous, sous le grand arbre, vivante statue de la pluie,
pour dire les beaux pronoms et nous reconnaître et être fidèles à nos noms,
il faut rêver au-delà, vers la source, il faut ramer des siècles en arrière,
au-delà de l’enfance, au-delà du commencement, au-delà du baptême,
abattre les parois entre l’homme et l’homme, rassembler ce qui fut séparé,
la vie et la mort ne sont pas deux mondes, nous sommes une seule tige à deux fleurs jumelles,
il faut déterrer la parole perdue, rêver vers l’intérieur et vers l’extérieur,
déchiffrer le tatouage de la nuit, regarder midi
face à face et lui arracher son masque,
se baigner dans la lumière solaire, manger des fruits nocturnes,
déchiffrer l’écriture de l’astre et celle du fleuve,
se souvenir de ce que disent le sang et la mer,
la terre et le corps, revenir au point de départ,
ni dedans, ni dehors, ni en dessus ni en dessous,
à la croisée des chemins, où commencent les chemins,
parce que la lumière chante avec une rumeur d’eau,
et l’eau avec une rumeur de feuillage,
parce que l’aube est chargée de fruits,
le jour et la nuit réconciliés coulent avec la douceur d’un fleuve,
le jour et la nuit se caressent longuement comme un homme et une femme,
comme un seul fleuve immense sous l’arche des siècles
coulent les saisons et les hommes,
là-bas, vers le centre vivant de l’origine,
au delà de la fin et du commencement.
Octavio PAZ.
L’oeil éteint du gardien invisible – ( RC )

Je suis entré dans le palais désert,
les portes se sont ouvertes
sans que je les pousse,
un gardien invisible portait un masque :
un visiophone ouvert
sur l’indifférence…
J’étais seul dans un univers sans issue,
entouré de somptueux tableaux,
protégés par d’épais panneaux de verre.
Un sol de marbre lisse
renvoyait leur reflet.
Des sculptures aux gestes figés
tentaient de prendre leur envol,
mais le poids exagéré de la pierre
les maintenait au sol :
aucune n’avait de couleur.
Elles avaient dû la perdre
dans leur effort
pour s’échapper ainsi de l’espace clos,
où seule une lumière grisâtre
parvenait du plafond.
Mes pas , tournant sur eux-mêmes,
ont résonné
dans le dédale des salles,
Je me suis aperçu
qu’elles s’ouvraient sur celles
que j’avais déjà parcourues.
Je n’ai croisé aucun visiteur,
à qui j’aurais pu demander
la sortie.
J’ai fini par confondre
tous les tableaux,
toutes les couleurs,
sous l’oeil éteint
du gardien invisible :
pressentant que jamais,
je ne sortirais du palais…
Aytekin Karaçoban – Temps étrange

J’ai ouvert la porte pour toi
l’air printanier s’est engouffré.
Quelle précipitation
comme l’enfant qui ne saurait attendre son tour !
Il est entré
avec le bruit des grues sur leur chemin de migration,
avec une grappe de soleil sur une branche de mimosa,
avec ton insouciance, ce jour d’hiver.
Il a traversé nos regards, notre baiser.
Rempli les orbites du masque de bronze.
Un instant, il s’est arrêté aux tic-tacs de la montre à gousset.
Avec son doigt, il a vérifié la poussière des livres
avant de courir goûter le repas, sur la cuisinière.
Il a roulé dans notre lit, palpé nos oreillers.
De là, vite, il a pénétré dans la salle de bain,
volé la lavande d’un savon,
sauté par l’étroite lucarne sur ailes d’un moineau.
-Tu vois ?
-Quoi ?
-L’air du printemps sur les ailes du moineau.
Nous regardions le même endroit,
nous ne voyions pas la même chose.
L’abandon des cuirasses – ( RC )
Des décombres et poutres fumantes,
les restes des samouraïs
que l’on voit après la bataille
et, contre toute attente
perdus au milieu de champs magnétiques .
Le masque de quelqu’un a occupé la place,
et se cache derrière leur face
– un sourire énigmatique – .
De quelle espèce, de quelle famille … ?
une trace que l’existence imprime,
le regard indécis de l’anonyme,
comme dans la roche, un fossile .
Ainsi, des tenues de protection
les mineurs au corps absent …
Il en reste l’habit pesant,
devenu, au musée, pièce à conviction .
L’activité est suspendue ,
faute de rentabilité ;
les mines ont périclité,
des fantômes d’ouvriers, semblables à des pendus .
Des êtres vidés de leur substance
ont abandonné leurs cuirasses :
le passé est voué à la casse ,
à mesure que l’on avance….
–
RC – juin 2017
- cet écrit a rapport à un précédent » musée de la mine »… qui évoque celui de St Etienne.
Esther Tellermann – Choucas
photo perso fresque de l’église de JANAILHAC
Ils sont tiens
les choucas
les Dieux peints
les tissus refroidis
la sueur
et la grille
Ils sont tiens
les lits durs
les goûts de paille
l’usure
des soulèvements
***
Car
rien ne donne la réponse
ni dômes surgis
ni masques de terre
Pistes s’égrènent en copeaux
en nuits balayées par les torches
Etions accoutrés d’os
faisant commerce de braise
***
Sous le masque du clown – ( RC )
Sous le masque du clown,
le sourire élargi,
la bouche énorme pâteuse,
imagine celui crispé
de l’homme politique.
Il cache sous l’aspect jovial,
le puits sans fond d’un cynisme,
la pratique de la surenchère,
une pantomine de clins d’oeils
vers l’extrème droite
avec ce qui paraîtrait de l’humour ;
– mais à y regarder de plus près,
une fois la couche de maquillage fendillée,
toutes les manigances
de l’arriviste sans scrupules :
prêt à tout pour attirer à lui les suffrages,
acheter les consciences ,
s’attirer les faveurs
des multinationales,
placer de serviles exécutants
Se donner en spectacle,
Nicolas le petit,
faux jeune en jogging,
confondant politique
et couvertures « people »
porté par le consensus mou ,
main dans la main
avec les puissants,
trinquant avec eux sur les yachts,
— pendant que la pays part à la dérive.
–
RC
On peut aussi se référer à ce beau texte d’Henri Michaux
Fondu dans l’immobilité – ( RC )
Fondu dans l’immobilité,
C’est situé sous une écorce, où se balancent des pulsations du silence.
Une écorce de chair
Elle se maintient , mais le corps fond.
Comme bu par sa surface intérieure.
> Avoir donc la place de remuer dessous,
Les os s’épiant, et ayant leur propre raisonnement…
Mais toute une apnée de tensions les maintient à distance.
Ce sont des ligaments, des fibrilles, des tendons, qui se croisent,
faute de muscle.
Emmitouflé d’une apparence.
Il suffirait d’appuyer pour en déceler le creux.
Ainsi cabossé comme pourrait l’être un fruit sec, libéré du poids liquide,
momie à la surface riante, mais peinte .
Un masque pour paraître.
Mais dont la fixité inquiète.
Celui qui ne sait plus quel corps il habite,
justement privé d’ enchaînements et mouvements utiles.
Soudé aux montants du lit, les roues caoutchoutées.
Au carcan des poulies, la potence aux perfusions,
qu’on pourrait, gag suprême, orner de la photo du patient… – la potence –
Juste dans le champ de vision …. le regard toujours fixé au plafond.
Le corps corseté n’autorisant que l’angle restreint permis aux yeux
Bénéficiant de la seule exception à l’immobilité…
–
RC – avril 2014
S’il fallait que le jour confisque la nuit ( RC )
–
S’il fallait que le jour
Confisque la nuit,
Et la maintienne close
Dans un bocal en verre ,
Il y aurait alors
Tous les rêves du monde,
Ses comètes et ses nocturnes
Que l’on ne verrait plus ,
Car nous serions bus
Par la lumière,
A tourner sans faim
Autour de la terre,
Et nous ignorerions,
Derrière le masque
Des reflets du verre,
— Dans le bocal, l’obscurité est ,
Demeure tapie; …. – Elle patiente là,
Tout le temps qu’il faudra
> Et nous attend.
–
RC – 7 août 2013

photo; Laura Mexia
– et en accompagnement, le beau texte de Michèle Dujardin, visible sur Abadôn: « sortir du rêve »
appareillage de survie,
dernier sous-sol de l’être – on y ménage une fontaine au bord des cils –
raide et fixe le bleu garde la plaine
de l’insomnie,
et son hygiaphone humide, qui se souvient de nos paroles – nous les rend non ouvertes dans l’enveloppe de salive
ce frisson,
celui-là même qui vient aux petites filles
dès que l’on touche à la mort
et qui dure
toute la vie,
jusqu’à l’espace blanc,
où le satin matelassé de la couche
étreint les épaules –
feuille de chêne,
sa terre d’enfance éparpillée sur la bouche –
tant de fois j’ai dit : sortir du rêve – nous arracherons au rêve ce qui est aimé, l’a été, le sera – nous sortirons du somnambulisme – nous cesserons de n’être que possession, désir de possession – hantise et distraction, tâtonnement – ce vouloir craintif mais vivace, même fissuré par la maladie du doute – nous n’attendrons rien – nous laisserons venir – ce qui vient, comme ce qui ne vient pas – nous cesserons de suivre – regarderons ailleurs – prêterons aux choses l’attention qu’elles méritent : concentrée, patiente – nous fuirons les fantômes bavards, les paroles aux quatre vents aussitôt dispersées – le sommeil debout et ses musiques, ses images – ses faux-semblants – le souvenir qui nous tire en arrière – affaiblie, édentée, la nuit obéira : docile, elle se couchera à nos pieds – nous irons par le visage de la nature, obscur, fermé, réconcilier les contraires – sans trace, irrepérables : car nous saurons nous faire petits, silencieux, immobiles – dans les trous, les creux – nous saurons oublier ce que nous sommes, qui nous sommes, avons été – pour voir les pierres, leur mouvement, les voir bouger dans le flux du monde, tracer leur route
tant de fois mais le corps – puits du rêve, piège
si peu à prendre, ailleurs que dans le corps si peu apprendre – rien, si vide, si peu à choisir si peu à faire, hors le corps, si peu à dire – tant de fois les mains, ces voyages de peau aller simple ces longues courses l’exploration sans fin, cette chasse, cette quête, ce goût sans fin du corps à la bouche à perpétuité une fois goûté cette chair cette faim qui use, qui presse, où dans le tremblement de l’amoureuse fatigue, la marée des rêves bouillonne – menace de nous réduire à une ombre enfiévrée, un îlot d’absence qui tourne sur lui-même, hors temps – existence possible, la plus petite, tout petit espace possible, rétréci – le corps – mais
tant de fois j’ai dit : sortir du rêve –
mais le navire,
portant toute sa voilure vient à nous,
illuminé
d’un grand cri électrique,
plus bleu que l’effraie barbelée de pare-brise
dans le sang des phares –
vient à nous enfin, le navire,
rompant de la proue le béton des chapes –
monde flasque,
retourné contre le ventre amnésique,
visages loin de leurs baisers
sans octroi ni dédicataire
confinés dans l’indifférence
de lèvres froides,
navire les déloge, navire les délivre –
écho, froid,
temps de pauvreté
dans le chanvre et l’huile,
entre les piliers de soutènement
ce box matriculé de gris,
épiderme lacéré du sommeil
qui ne retient plus rien,
navire le délivre –
plainte qui tremble de dire le seul dire qu’elle possède,
qu’elle ne parle pas,
auquel elle n’entend rien,
qui fait juste surface
comme un sel
sur les paupières,
navire la délivre –
ceci est le navire, en son approche,
ceci est mon corps,
ceci est la nuit où que je me tourne,
et leurs images de mort
où l’on aime –
tant de fois j’ai dit : sortir du rêve, mais là, toujours, le seuil vacille, recule
le rêve tarde à tomber du corps à moins que
le corps
ne tarde à quitter ce rêve
alourdi de navire, cri et sang, corps et bouches braillant dans les langes de la mort, cet incorrigible, tout ce que fortifie la nuit avec à l’arrière un préavis de naufrage dans ces vibrations de l’espace tendu à craquer : l’incandescence du vouloir couler, extrêmement blanche, appelant vers les sables sourds, vers les madrépores des derniers paysages, pensée libre, étonnée
entre-deux,
au dernier sous-sol de l’être,
sortir est un mot difficile –
un peu de couleur,
un reste, là, qui cherche son obscurité,
fait signe
Se fondre dans le masque – (RC)
–
Et si les gens se prennent
Pour d’autres
Tout compte fait
Il faut consulter
Le catalogue des concordances
– croyances –
Et questionner le conforme
Même si cela n’en vaut pas la peine
Détricoter, opiniâtre
Les définitions
( Une autre )
-caméléon-
Qu’attends tu des autres ?
Qu’attend-on de toi ?
Comme si pour soi-même
Un modèle
Celui dont on pourrait se faire prothèse
Diminuer son masque d’angoisse
Et se fondre dans la masse
Quitte à se perdre
Provisoirement dit-on
Mais quand même,
Occuper un masque
Au risque de changer de peau
– et l’âme .
–
RC avril 2013
et complété sur le thème du masque, par cet écrit de James Sacré:
Même à l’occasion des grands défilés fêtards
Organisés tenus selon que c’est prévu,
Bâle ou Rio, Nice et partout, tenus mais
Quand même à des moments, ça s’en va
comme à côté:
Un fifre et deux tambours tournent
Le coin de la rue
(Tant pis t’auras pas ta photo!) ou fifre
tout seul
Avec son costume et sa façon têtue
D’avancer dans la ville jusqu’à où on se
demande, et ça sera
Qu’un retour à sa maison, le masque ôté,
plus rien.
Si la fête au loin continue?
–
Le visage d’un autre ( RC )
Un autre visage vous regarde
C’est le sien, et c’est un autre
Un regard s’égare
Il erre sur un monde
Qu’il ne reconnaît pas,
Vaguement le souvenir de gens connus
Sous un autre nom,
Un autre masque,
Qui a prêté son visage.
Comme il pourrait le faire par centaines
A ceux qui n’en ont pas,
Des séries d’anonymes
Défileraient ainsi
Et leurs masques semblables
Aux regards qui s’égarent,
Des faces et pensées semblables;
ou peut-être parallèles,
Comme ils marchent, clones
Avec celles de l’autre
Ayant vendu ses pensées
Avec son image
C’est sa tête et c’est une autre
Reproduite en centaines
Ces visages, qui nous regardent
Ce sont les autres,
Qui vous prennent pour un autre
D’où l’homme s’en enfoui
Dans un passé commun.
RC – 30 octobre 2012
A partir du film japonais de Toshigahara « Tanin no kao » ( le visage d’un autre) – 1966
–

photo: image tirée du film
–
Dernier acte ( RC )
–
Au décor, le fond du cyclo
Les rideaux suspendus,
La scène , une présence en lumière
Les acteurs, éclairés côté cour
Portent leur ombre étirée, au jardin
Et de grand manteaux sombres
Les mouvements de la main
Et les gestes de l’âme
Qui rythment le destin
Celui des personnages
D’une tragédie classique
Aux visages immobiles,
Sous les projecteurs,
Celui des masques
Ne s’anime de vie
Que par les répliques
Déplacements, silences
A la succession des actes.
Lorsque la pièce s’achève,
Sous les acclamations
Et que les acteurs saluent
Ils ôtent leur masque d’artifice,
Aux spectateurs, qui découvrent
Que ceux-ci ne recouvraient que du vide…
RC – 24 juin 2012
Ulysse – Ode à ma plume
Ulysse nous fait partager sa « plume », c’est le cas de le dire, avec le titre choisi…
il participe au forum « En Attendant la fin du monde », c’est là que je l’ai « repêché »
–
Ode à ma plume
–
Je confierai ma plume à la foudre et aux vents,
Aux furieuses tempêtes, aux fauves tremblements.
Je la veux souveraine, insolente et fantasque,
Insensible à la haine, sans faiblesse, sans masque.
Je la veux intrépide, courageuse et libre
Ecrivant sans ambages mon ivresse de vivre.
Quand les vents des passions se seront apaisés
Ma plume cheminera aux sentiers irisés
Des tendresses du soir entre des bras fragiles
Quand la force est vaincue par un battement de cils.
Elle se fera pinceau aux encres de couleurs
Traçant sur le papier les signes du bonheur.
Elle glissera ses mots au milieu de silences
Quand il faudra se taire devant une souffrance.
Je la veux enjouée, folle, primesautière
Sautant dans les ruisseaux, remontant les rivières
Tirant du fond de l’ombre, des perles, des diamants
Accrochant à ses lignes de jolis cerfs volants.
Je dirai à ma plume d’écrire des poèmes
Sur tous les vagabonds et leur vie de bohème
Sur les cris des enfants à la récréation
Sur les mots des amants au feu de la passion.
Et lorsque fumera mon dernier feu de bois
Elle inscrira encore aux branches d’une croix
« Pardonnez lui, Seigneur, d’avoir pris du plaisir »
« Aux rimes polissonnes.., il aimait trop écrire !»
Ulysse 2 février 2012
—
Ernest Bloch -Le regard de nos masques
samedi 26 novembre 2011, Monique éditait ce bel article que je reprends à mon compte, et associé au « Perfect day » de Lou Reed ( désolé, Monique, tes images de bois ne « passent pas », avec Overblog… je vais donc tricher un peu… )
peinture; aquarelle perso, sur un masque féminin, ethnie Dan ( Côte d’Ivoire)
Le regard de nos masques
» Les Noirs ont gardé jusqu’à aujourd’hui des dieux de vie sculptés en respectant le bois, ils firent ainsi passer la sève dans des manches d’outils, des armes, les poutres des maisons, les trônes, les idoles. Leur volonté de magie, leur désir de se métamorphoser, de pénétrer dans les sphères supérieures de la création produisent avant tout le masque qui élève surnaturellement au rang d’animal ancêtre de la tribu, de totem et de tabou organiquement abstraits ; notre visage futur s’y annonce, mais le Christ n’éclaire pas encore ; il n’y a que le rougeoyant démon de la vie, mais celui-ci règne de manière inconditionnelle dans ses naissances oniriques, dans ces sombres systèmes plastiques de la fécondité et de la puissance » . Ernst Bloch
Il m’est essentiel que le regard de l’autre tente de pénétrer jusqu’à mon âme.
et que je lui rende ce regard!
Tout existe le temps d’un regard. Regard sur une fleur éphèmère,regard sur le fond d’un tiroir, oublié – retrouvé.
Regard pour une pierre d’un cimetière oublié, regard sur un silex soulevé d’une terre anté préhistorique.
Regard sur un enfant , force de vie. Regard toujours plus loin. Le regard abolit la distance.
Il plonge dans l’essence des choses ..antédiluvien.
- peinture; aquarelle perso, sur un masque féminin, ethnie Dan ( Côte d’Ivoire)