Claude-Michel Cluny – Parlements

Ils se tiennent parfois dans des trous, qui ressemblent aux citernes des morts de Mycènes.
Mais ils ne portent pas nos beaux masques d’or, ils ne sont pas là pour l’éternité.
Pour l’Ossolète l’âge n’est qu’un déclin, la mort une voirie, jamais ils n’ont embaumé, empaqueté de monarque.
On ne sait même s’ils ont des rois.
Est-ce du pouvoir qu’ils bavardent au fond d’un trou, sans couronne, sans gardes?
La pourtant un murmure infuse, qui fait qu’on devine des Parlements de sous-sol, où se psalmodient peut-être des lois qu’on ne connaîtra pas.
Les Ossoletes non plus : après trois pas, le moment qui s’achève tombe dam une urne sans fond, un passé sans âge.
Les basses fosses où ils s’entassent et, qui sait? légifèrent, ne sont guère que des sacs à linge profonds et bêtes comme un suffrage universel. Les dieux font-ils collection de ces secrets perdus ?
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Théo Léger – les dieux

Les beaux, les nobles, ce sont eux sans nul doute
qui nous donnèrent le feu et la rapide roue au caisson du char.
Le globe qui traverse en volant la Neige et l’Avril,
à l’Homme et à l’Abeille ils l’ont donné.
Sur le rivage de la mer des Ténèbres où. la Terre se noie
ils édifièrent leur palais. La demeure, ils la bâtirent
dans la flamme et le sifflement des vipères
pour que dansent la danse des masques, les sauvages.
Ils donnent mesure au Temps aérien, ils font rouler les soleils
mais ils ne savent rien des puissants ateliers
enclos dans la goutte de rosée aux ramures de l’Arbre de Mai
qui forgent sans répit la création du Monde.
(Théo Léger- 1960)
Vicente Gerbasi – Espace secret

Les arbres morts à l’horizon du soir
dessinent la frontière du feu.
Il y a des distances mortelles dans les lignes de la main,
dans les veines du cœur.
Voici un fleuve obscur qui reflète les orangers,
les passagers du temps comme en un carnaval,
les serpentins qui se consument dans l’ombre,
les lierres clairs au fond
où s’illuminent les masques
et s’abolissent les visages.
L’éclair glace l’enceinte des coqs.
Je vois les espaces, rouges, bleus, lilas,
où les profils se pétrifient.
Tourner les vents en sa faveur – ( RC )
Tu voyages
au pays des croyances,
et, tu constates,
qu’à chaque imprévu de l’existence,
on a trouvé une parade,
une carte maîtresse, une antidote…
Dans leur distribution ,
réparties au petit bonheur,
il y a le catalogue complet
des corps célestes et des oracles funestes,
qu’on peut trouver,
dispersés aux quatre vents,
comme des graines de pissenlit .
Même inégalement répartis,
il est tout à fait possible
d’y trouver son compte,
de se vouer à son saint patron,
comme pour les muses,
et les dieux antiques :
Quel augure permettra
de franchir les obstacles;
de tourner les vents en sa faveur
combattre les maladies,
favoriser la fertilité
et même prévenir de la morsure
des chiens enragés
– à chaque chose malheur est bon – dit-on..
Il y a aussi ceux qui représentent
la musique, l’architecture,
la corporation des chapeliers,
des orfèvres, etc .
Les églises sont un florilège
où se multiplient les représentations
en statues de bois ou de plâtre,
tel Saint Tugen
( qui guérirait des maux de dents ),
ou ceux – les plus courants –
qu’on reconnaît à leurs attributs.
Ils répondent « présent ! « ,
au garde-à-vous,
à la façon d’une bible sculptée.
Certains – comme saint Evénec,
bien connu des bretons,
ne représentent qu’eux-mêmes –
( à moins qu’on ait oublié
quels étaient leurs bienfaits ) …
Protecteurs ou indifférents,
montrés sur les tympans romans
ou les peintures gothiques,
leur regard est vide,
mais sans doute plein
de bonnes intentions….
( quoiqu’on connaisse aussi
ces poupées, où on peut planter
des aiguilles ) ;
ou ces fétiches bardés de clous
pour conjurer le sort,
ou au contraire
le provoquer…
Ce sont aussi des objets
crées pour repousser les mauvais esprits,
ou représentés par des masques
sereins ou grimaçants ,
dans lesquels s’incarnent
la puissance des ancêtres.
Mais on peut penser
à ces chouettes crucifiées,
beaucoup plus proches de chez nous,
clouées sur les portes,
pour avoir eu le malheur
de naître emplumées,
et porteuses – parait- il – de mauvais présages.
–
RC mai 2017
Derrière les masques riants d’aujourd’hui ( RC )

peinture: Henri Rousseau ( le douanier): la guerre
Lorsque l’effervescence s’empare des esprits,
Que la lumière bondit d’arbre en arbre,
Si, encore, la vie crie à perdre haleine,
Comment oublier, il y a quelques jours encore,
Les fureurs, et les bruits destructeurs,
Les tronçons d’arbre et les murs,
Marqués par la guerre et les incendies ?
Chacun peut chercher en soi sa voix,
Et aussi essayer de saisir un univers
Qui échappe à sa propre logique,
Mais l’élan qui revient, le retour du printemps,
Canalisé de murs de béton,et de ruisseaux d’acier,
Porte encore en lui, une noirceur d’à-venir
Derrière les masques riants d’aujourd’hui.
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RC – 12 juin 2013
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– en relation avec le texte de Claudio Pozzani; » Cherche en toi la voix que tu n’entends pas »
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Mémoire de l’Art Africain – (RC )
Il y a, massives, les présences de bois, revêches et enfermées dans leur masse
Sévères les porteurs d’esprits, qui daignent à peine refléter les lumières.
La géométrie entaillée, de fentes pour les yeux, les masques qui ont dansé, encore habillés de fibres.
Que l’on imagine sur des corps noirs, et au soleil implacable de l’Afrique.
A l’abri de l’enceinte sacrée, Il y a tout hérissés de clous, les fétiches ,
qui voisinent les boîtes à onguents, et les calebasses ventrues,
chez celui qui va se guider de l’âme des ancêtres et jeter les cauris.
C’est un parcours, à gagner la faveur des éléments,
à espérer que la maladie soit tenue à l’écart, que le bonheur se construise, et que la pluie viennent caresser les récoltes…
Dans la lumière tamisée des grandes salles, l’éclairage étudié vient caresser les formes et les matières
nous raconter une autre façon de voir le monde, et de dessiner le destin.
Et si je pouvais, en capter une partie du mystère, debout deux jours durant, à faire voyager mon crayon
et donner un peu à voir de moi-même… je le ferais.
RC 17 juillet 2012
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statue ancestrale Teke (Congo)
-Figure masculine dont le corps est englobé dans une masse presque semi-sphérique composée d’argile mélée à des matériaux organiques. Le visage est couvert sur les tempes et sur les joues de fines scarifications verticales. Dans la masse en terre rougeâtre – qui est un « médicament » (bilongo)- sont enfoncés des clous et lames de métal, des plumes et d’autres éléments . Cette pratique magique était opérée par le nganga,féticheur, médecin, devin et spécialiste du rituel dans les sociétés bantoues d’Afrique Centrale.
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