Le parfum de l’absence – (Susanne Derève)

Max Ernst – Frottage
L’absence a ce matin une odeur de sarriette
et de menthe
Hirondelle lutine que tu dessines
légère
entre les bras du temps
est-ce un tourment le beau tourment du jour
un tango de printemps où versent
les automnes
et la voix qui chantonne son accent de velours
sait-il le parfum de l’absence
les feuilles clairsemées que l’arbre abandonne
au grand vent aux gants de brume de l’hiver
avec ses cheminées de nuages
le tambourin des toits de zinc sous la pluie
et la voix qui claironne sait-elle
l’odeur du bois coupé
les mains qui s’affairent au dehors
le heurt des bûches qu’on entasse
pendant que l’esprit baguenaude
loin si loin plus loin que le froissement
d’ailes d’un oiseau migrateur,
plus loin que le cliquetis des rails le sourd balancement
d’un wagon sur les rails paysages brouillés
de vallons d’arbres de bosquets
qu’on déroulerait sans fin
dont on ne dirait ni le nom ni l’odeur
ni la matière rugueuse ou lisse
ou lisse et douce sous le doigt
Et la voix qui fredonne, sait-elle le grain du bois
écharde fine sous la peau
Sait-elle l’aiguillon de l’attente
ce parfum entêtant de sarriette
et de menthe que j’invoque tout bas
Alexandre Rolla – Ici
photo: Richard Ross from « waiting the end of the world »
Ici à Trêlles, les choses s’allongent indéfiniment ,
il semble
que rien ne soit fini,
le rétrécissement y est inconnu
la matière vous étire malgré vous
de chaque côté de l’être
les jours et les nuits
passent des chemins
et encore d’autres
et d’autres encore .
Ménagerie de papier – ( RC )
( un hommage à Tennessee Williams, et Chr Boltanski )
installation: Chr Boltanski
Petit zoo miniature,
de la ménagerie …
objets de prix,
en villégiature
deux par deux
se suivent à la queue leu-leu,
sur les étagères…
petites choses en verre…
Vous auriez pu choisir,
pour parader à loisir
entre deux pots de bière,
une autre matière:
celle un peu plus malléable
que l’on trouve sur la table,
juste des morceaux de papier,
que je pourrais plier.
Trente millions d’amis,
tous en origami,
certifiés d’origine,
occupant la vitine,
en état de marche:
tout le bestiaire,
à l’abri des courants d’air :
– une nouvelle arche.
Comment s’est-elle échouée là
à côté de la penderie,
la vitrine de la ménagerie
où se reflète le matelas
et deux ou trois caisses ?
les restes d’un naufrage:
l’arche après l’orage
( et toute la chambre en détresse ).
En fait, vous avez compris,
j’occupe mes nuits
à transformer les légendes,
en une sorte de sarabande,
où l’hiver se tient au chaud,
quand je découpe aux ciseaux
tout un parc arboré, et un zoo,
pour tous ces animaux.
Ce sont des rêves fragiles,
qui dérivent comme les îles
que je prélève dans un cahier
en faisant des bandes de papier :
promis à la déchirure,
où la part de l’écrit se disloque elle-même
on dira que les poèmes
trouvent une seconde nature.
Mais les rêves refusent de se faire attraper,
dragons et tigres de papier
ont pris leur indépendance
( quand le chat n’est pas là, les souris dansent ! ),
si on regarde toutes ces bêtes,
la nuit leurs ombres se projettent
sur le plafond
et comme il se doit, le manège tourne en rond.
Les corbeaux et les canards
partagent le cauchemar,
du cahier sur la table:
le château sera de sable
un souffle, une petite averse,
et tout se renverse,
sans même un cri,
( rêves en confettis ).
C’est la fin de la procession :
cela tourne à l’obsession:
le manège occupe maintenant la malle,
et tout ce petit monde s’emballe,
aussi, le matin, de bonne heure,
quand tout le monde semble dormir
je me transforme en inquisiteur,
et décide de l’avenir .
Ce sera bien un drame
quand je livrerai aux flammes
pieds et poings liés
ce monde de papier…
Souhaitons qu’une autre matière
puisse échapper à l’enfer:
Choisissons-la moins éphémère
– une ménagerie de verre fera l’affaire –
–
RC – août 2017
Adeline Baldacchino – Déjetée
peinture: John Sloane
extrait d’un titre de son blog poétique, sur tumblr
Ainsi donc la douceur aussi n’était qu’un mirage, juste avant ce bruit de collision contre le beau mur étroit du silence, ajointé dans la nuit dans l’aube au soleil par tous les temps. Je cherchais l’aigle encore et le serpent, Zarathoustra qui détourne le regard. Ainsi donc indifférente elle était mais vivante la mer. Et ce n’était rien pourtant qu’un peu de murmure à la surface du temps, les cuisses déjetées du monde ouvertes sur la matière des chants qui ne transmutent plus rien. Le vent répétait des caresses d’ombre sans chair, défaisait les faux miracles de la parole recommencée. Ne plus dormir, juste regarder glisser dans l’éternel instant, dur et lumineux, l’écart insistant du désir au monde. Le cœur y loge tout entier souverain fragile et nu, puissant qui ne sait plus
rien.
Danser hors de la surface des choses – ( RC )
photo : Aldara Ortega
Changer de monde,
et danser hors de la surface des
choses.
Trouver son souffle en soi-même,
plonger en apnée illimitée…
Le silence épais plaqué aux oreilles,
tu t’opposes à l’inertie de la matière ,
présente et que tu ne peux saisir.
Tous les gestes en sont ralentis.
La robe de mariée se défera lentement,
sur un champ où les fleurs ne
poussent pas, où il n’y a pas de vent,
et où la lumière hésite à franchir le
plafond…
–
RC – mai 2017
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Gema Gorga – Le livre des procès-verbaux – ( 39 )
39.
per exemple, l’aire conserva l’escalfor del teu cos durant una
estona, així com la sorra guarda tota la nit la tebior trista del sol.
Quan marxes, per continuar amb el mateix exemple, les meves
mans persisteixen en la carícia, malgrat que ja no hi ha pell per
acariciar, només la carcanada del record descomponent-se al buit
de l’escala. Quan marxes, deixes enrere un tu invisible adherit a
les coses més petites: potser un cabell a la coixinera, una mirada
que s’ha entortolligat amb els tirants del desig, una crosteta de
saliva a les comissures del sofà, una molècula de tendresa al plat
de la dutxa. No és difícil trobar-te: l’amor em fa de lupa.
Eugénio de Andrade – Matière solaire XVIII
Sculpture: Henry Moore
J’ai aimé ces endroits
Où le soleil
Secrètement se laissait caresser.
Où étaient passées des lèvres
Où les mains avaient couru innocentes,
Le silence brûle.
J’ai aimé comme on brise la pierre ;
Comme on se perd
Dans l’insensible floraison de l’air.
Les mailles écorchées de la réalité – ( RC )
image: « Six personnages en quête d’auteur », mis en scène par Emmanuel Demarcy. » – provenance lepoint.fr
–
J’ai du mal à ordonner les choses,
ordonner dans le sens « ordre donné »,
plutôt que dans celui de ordre-désordre… :
J’ai dû prendre la formule à l’envers.
Je navigue sans doute à contre-sens,
et justement les choses sont comme
on n’a pas l’habitude de, ( l’inversion du mode d’emploi)
et du mélange du tout …
( Qui de l’ordre du fantasme,
des mailles écorchées de la réalité,
des formules à l’alchimie incertaine,
où le fil qui les tient ensemble se dissout… )
J’énonce des choses, où,
comme les légumes, se juxtaposent, ceux qui
crus , crissent sont la dent,
ceux qui , trop cuits , dont la matière s’échappe .
Et avec le tout, une architecture fantasque.
On se demande comment ça tient debout,
quelle est la part du rêve,
et où se glissent les carillons des fêtes,
La sonate des pages qui s’envolent,
le pavillon de l’impatience,
l’essence volatile des sentiments,
et l’encre qui se dépose,
- où je vais puiser…
encore sous le coup du choc d’un regard,
des noces de plume,
et de l’obscur affrontement des mots.
–
RC- dec 2015
Confrontés à la matière, même… – ( RC )

photo Martin Pierre – falaises du Vercors
Confronté à la matière même,
il y a toujours cette opposition,
ce défi qu’elle nous propose,
en particulier quand les dimensions font,
qu’il s’agit d’un obstacle.
Comment traverser l’obstacle,
comment s’y appuyer,
le palper, en jouer , comment en tirer parti,
pour essayer de surpasser ses propres limites
( les nôtres et les siennes ).
Mais la matière est.
Elle s’impose.
Elle n’est jamais vaincue,
De par sa continuité, son existence,
de son inertie même.
Qui , des navigateurs, se sont risqués sur la mer ,
en tablant sur des vents calmes,
des oracles favorables,
n’ont pas oublié les dangers qu’elle recèle,
et leur sillage n’a pas laissé d’empreinte .
Quand je vois le trapèze hautain de la montagne,
sa face bleutée parcourue d’ombres,
striée de troncs d’arbres,
la pente est toujours là . Elle s’oppose de le même façon,
même si je l’ai franchie hier .
Quand j’établis un itinéraire sur la carte,
je sais que des détours s’imposent,
qu’il me faudra contourner les précipices,
et emprunter obligatoirement, les quelques ponts
jetés au-dessus de la rivière.
Supposons que je doive franchir un désert,
c’est toute une stratégie à mettre en place,
pour qu’on puisse s’assurer de subsister
matériellement, pas seulement question climat,
mais en anticipant sur l’imprévisible…
Quelles que soient les heures et moments,
ce qui a été hier, est encore là aujourd’hui.
Ce n’est pas une vue de l’esprit,
Et justement, par son essence même,
la matière impose sa masse par rapport à l’abstraction.
C’est un corps, un vrai corps,…. sur lequel on habite.
Il se manifeste de toutes façons,
Même de la façon la moins perceptible
Comme s’il déguisait, selon les circonstances,
Sa façon d’être…
Il affirme obstinément sa présence.
Ce corps est matière, et se rappelle à nous.
C’est en quelque sorte une partie de notre existence .
–
RC- juin 2015
( texte né de la confrontation avec des écrits de Claude Dourguin, dont voici deux courts extraits ).
—
Les pins reviennent, clairsemés, avec leurs branches irrégulières, mal fournies, leur port un peu bancal qui
témoigne assez de ce qu’ils endurent. Nul tragique, pourtant, ne marque le paysage, entre conte et épopée
plutôt la singularité des lieux soumis à des lois moins communes que les nôtres, obligés à un autre ordre.
Chaque arbre tient à son pied, qui s’allonge démesurée et filiforme son ombre claire, grise sur la neige. Ces grands peuplements muets et fragiles d’ombres légères comme des esprits, le voyageur septentrional les connaît bien, une affection le lie à eux. Il traverse sans bruit leur lignes immatérielles dans le souvenir vague, qui les fait éprouver importunes, grossières, de la densité, de la fraîcheur, de l’odeur terrestre ailleurs, sur quelque planète perdue.
–
La contemplation de la montagne implique une intériorité plus grande que celle de la mer…. /…
C’est toute une trame narrative, avec ses anecdotes en sus, le passage d’un bateau de pêche, l’apparition d’une voile là-bas, le train des nuages au ciel, qui se met en place. La montagne, elle, souvent déserte, immobile ne connaît que les modifications de la lumière, beaucoup moins rapides sous les climats qui sont les siens.
L’alphabet des métaphores – ( RC )
–
Ecoute le tressage des abeilles
Le bourdonnement de la ruche,
L’alphabet des métaphores…
Je dois contempler la lumière ,
M’agenouiller pour regarder
Les gouttes d’étoiles prisonnières d’une toile d’araignée,
Après avoir suivi des cours d’eau
Leur course étalée comme les doigts
Ou les nervures d’une feuille sur le sol,
La palette du ciel abrite toutes les nuances du vent
C’est un haut clocher,
On ne peut pas l’atteindre sans s’arracher au sol
Et les strates empilées des terres et rochers
Une colline est une voix à l’intérieur ,
Les arbres essaient d’en saisir les mystères,
En creusant plus profond encore,
Et dialoguent avec l’appel des saisons.
Peut-être y a-t-il beaucoup à lire,
Sous l’écorce de la matière,
Les nuances de l’écriture qui y est cachée,
Passent de l’anthracite à l’ivoire,
En ne négligeant aucune couleur de l’arc-en-ciel.
–
RC- mars 2015
Martin Babelon – Pyrites – extrait – : ( de la Rhétorique des pierres )
Pyrites…
L’esprit y jouit du spectacle d’une aberrante conjonction de solides physiquement mais non géométriquement incompatibles : on tient dans sa main, lourde, la pure contradiction.
Avec la force irréfutable de son silence, l’objet m’objecte que l’impossible est possible ; sa texture ne se pose que pour se soumettre à l’impératif aporétique de sa structure.
D’où l’implosion nihiliste vociférée par la chute de la dernière phrase.
Je pense à certain carré blanc sur fond blanc: s’agit-il d’un carrré, de deux carrés, ou d’un carré encadré ?
–

Composition suprématiste blanc sur blanc – 1918 – K Malevitch
Une force brute, contre l’esprit – (RC )

Livres détruits par l’armée russe: université de Grozny, Tchétchénie
La chaise rouge – ( RC )
peinture: Mark ROTHKO : 1957
Dans l’image a surgi
Le grain, la palpitation
L’émotion rougie
Presque la déflagration
D’ une barre courbe
Un signe du sombre
De puissance encombre
C’est ce rouge fourbe
Il n’est ni sang ni cerise
Se détache lumière
En donnant à sa guise
Forme à la matière
Un éclair de couleur
Traverse ma page
Un éclair de douleur
De la photo, l’otage.
Aux accents de lave
Des blancs et bleutés
Opposés, ameutés
Les autres sont esclaves
dec 2011 RC
photo: Chris Jones
Et avec les « commentaires »…
Quand la lumière ne vient plus – ( RC )
–
Quand la lumière ne vient plus,
Ou qu’il n’est plus possible,
De la percevoir
Si je n’y accède plus,
–
Elle serait quelque part,
– Suspendue, –
Invisible,
Je ne pourrai plus la toucher,
–
Comme elle, nue,
Quand elle caresse les formes,
Et ondule sur la matière…
Elle a tant donné de chaleur,
–
Et , de toutes les couleurs,
Que je l’ai imprimée,
Au fond de ma mémoire,
Si, plongé dans le noir,
–
Je ne peux que l’imaginer,
> Avec mes yeux soudés,
A jamais,
Je ne pourrai que regarder,
–
A l’intérieur…
Un « jour » viendra, alors
Invisible, emporter mon corps,
Mais j’aurai en mémoire,
–
Malgré mon désespoir,
La conscience de son prix,
Ne pouvant m’accrocher , à rien d’autre,
que mon cri…
–
…. Encore un peu de vie,
Avant de sombrer,
> Dans la nuit.
– Incitation: Brigitte Tosi: Un jour la mer.
–
RC – 26 novembre 2013 –
Cet objet habite une partie de ma main ( RC )
–
Il y a dans ma poche, ce bout d’objet
Ayant appartenu, on ne sait plus à qui,
On ne sait plus à quoi.
> Il est d’un autre endroit,sur la planète,
Un autre endroit du temps,
Là, où les usages se forment autrement,
Et les têtes aussi,
Prêtes à suivre les traces ténues
De paroles transparentes,
Répandues, aux quatre vents.
–
Il y a de l’étrange,
Engendré par le passé,
Engendré par la distance,
Une matière, feutrée,
Parlant une langue inconnue,
Des stries et des rainures.
> Elles se croisent,
Avant un court relief,
Ayant l’aspect d’un ongle…
– Je pense à une attache,
–
Cet objet habite,
Une partie de ma main…
…Peut-être à trop me parler,
Il se soudera un jour,
A mon propre langage,
Et de sa parole inconnue,
Je ne pourrai alors,
Plus me passer,
Les autres alors,
Ne me comprendront plus.
–
Cet étrange accessoire,
Se serait greffé,
Intégré à mon corps, aussi,
Ouvrant des portes,
Pour moi …
Que nul autre ne voit,
Et , parlant si bas
Qu’il me faudra suivre
D’oreille attentive ,
–
Toutes ses exigences,
Dictée par sa matière,
D’où , peu à peu je me fonds,
Dans sa voie de silence.
–
RC – 12 octobre 2013
–

objet en pierre noire utilité inconnue – nouvelle Zélande
La matière vidée d’elle-même ( RC )
……… Je vois à travers les murs , des maisons cimentées, Il y a trois fois rien, et les matériaux flottent bizarrement dans une atmosphère de coton, chaque chose a pris une texture autre, et décide de sa position.
Les poutres se croisent et envisagent un dialogue inédit, les vantaux des fenêtres battent sur l’air, où se mélangent les végétaux et la pierre.
Il vient une joyeuse suite de framboisiers, qui surgit d’un ancien papier peint, pour s’enrouler sur les tuyauteries, amoureusement.
L’escabeau aux anciennes coulées de peinture, servant de perchoir à des lézards multicolores, attendant on ne sait quoi, ….peut-être des insectes errant sur les lourds fauteuils du salon pris par des racines, et ne dévalant pas un angle, que l’on peut qualifier de faux plat, défiant l’horizon bleuté des montagnes, là-bas.
Si loin, si proches.
La matière s’est vidée d’elle-même, de sa masse et de sa chair,
Et retournant nostalgique, vers l’abstraction, sur l’hypothèse incertaine, où lutter contre la pesanteur ne serait plus nécessaire,…. comme un jeu dont les règles s’inverseraient, à la fantaisie des heures.
Et la vie de même,qu’une rivière fantasque, prenant un autre cours, changeant son tracé, au gré du relief et des époques.
–
RC – 16 juin 2013
–
Eugène Durif – écorchures de la matière
Ciel bas, presque gris. L’ œil, obstinément, tente de fixer. Déchirée, la blancheur feinte laisserait voir soudain l’obscène, azur.
Il ne désire rien tant que retenir ce qui s en va. Pans de ciel, croit-il discerner, à même d’improbables lignes j’erre. Si cela se relâchait complètement, ce serait un insupportable afflux de formes. Il voudrait délimiter, cadrer une surface très précise à l’ intérieur de laquelle puissent s’accomplir tous les excès: jusqu’à leur plus extrême rigueur.
…EXtirper quelque chose du vivant, fixer dans l immobilité, le calcaire même du rêve…
Dans une proximité fiévreuse, la parole se veut alors égale à la tension du regard. En vain, elle ne le sait que trop bien. Sans illusion, elle tente d entrer en résonance avec ce qui lui demeure résolument étranger, matérialité agissante qui, dans son évidence calme, n a d’autre chemin et détour qu’elle-même.
Rien d autre qu un certain jeu de la couleur ou une lumière nue portée tout à coup sur les choses. Et le sol cède ouvrant à une infinité d autres scènes. Où traces, balafres, écorchures de la matière.
Comme un désir de refaire sans cesse le trajet de la main et de l’oeil. Paradoxalement, un glissement progressif vers l’effacement. Le récit subtil d une impossible appréhension.
Jet in copper. Un écho, une sédimentation lente, dont ces mots seraient comme une lointaine métaphore et qui n arriverait jamais à se figer tout à fait dans la fixité de l’ image.
C’est d’une étreinte oubliée avec la matière (elle seule s’en souvient) qu’est né ce frémissement de la rigueur. Catastrophe très ancienne de laquelle plus rien n est visible à la nudité de l’oeil. A peine d imperceptibles fêlures, minuscules effondrements, restes souterrains et secrets, en témoignent-ils. Entailles douées au toucher. Aux aguets, le regard se pose sur l’apparence. Il se méfie de ce qui va de soi. A longtemps fixer, il demeure, désireux de percer quelque secret. Il fouille vers l’ intériorité supposée, la profondeur, ce dedans velouté et impensable des choses. Il voudrait déchirer l’ordonnancement des formes, lacérer lambeau par lambeau, fragment après fragment, refaire le tracé, le trajet de la main sur la plaque.
Images fauchées à ras, abolies. L’ oeil se scrute jusqu ‘au blanc, a la presque cécité qui se confond avec la nuit solaire. Il s’écorche un peu plus et disparaît le reflet alors que la main progresse, que l’ instrument entaille, entame l’ espace offert, jamais assez vierge de présence. Un arrière goût de sang. Son battement sous les paupières. Le visage aussi s’efface, puis l’œil. Dans la proximité de ce qui se dérobe, le regard se tend un peu plus. Il enchâsse toutes formes arrachées à la nuit, captées fugitives-fragiles, tente de recomposer ce que la lumière érode et ronge. -Mais plus rien ne lui tait signe. Aucun centre, nulle part. Dans le silence écorché de l’organique, l’imperceptible respiration des pierres, tout lui semble voué à
la corruption, l’ anéantissement. Lueurs. l’ aveuglement. La découpe. Imaginer un instant la déchirure de l’oeil et guetter ce moment très pur où l’infiniment grand rejoint, en un attouchement léger, l’infiniment petit. Le souffle court. -Mais la main jamais ne tremble.
le rouge est la couleur de l’ensanglantement…
» debout il y a trop de bruit
à l’usine des dentelles…
Alors je m’asseois »
Là, sur la chaise rouge…
Des bises Ren
12/19/2011 à 12 h 55 min Modifier
On peut avoir cette interprétation, moi, je la vois distincte ds autres couleurs, justement parce qu’elle est chaude
oui, et le sang, c’est chaud…et c’est la vie…j’ai toujours été impressionnée de celui qui coule en chacun de nous, mais dans le bon sens, je dirai…je n’aime pas le voir couler, parcequ’en génèral c’est » mauvais » signe, mais j’aime imaginer chaque humain comme un arbre empli de cet ensanglantement qui pulse et pulse encore..c’est ça qui m’est passée dans la tête avec la chaise rouge…et m’asseoir sur une chaise rouge, ça équivaudrait à m’ésseoir dans la vie…
Sourires…
En réponse à ce que tu viens de poster, un sourire avec de la lumière à l’intérieur..oh; oui, je vois ça parfois autour de moi, c’est absolument cadeau des sourires pareils…
12/19/2011 à 14 h 42 min Modifier
En fait j’ai écrit ça l’autre jour en pensant à une photographie que j’ai faite ( une diapo) sur laquelle j’aimerais bien remettre la « main ».. j’avais mesuré l’intensité de la couleur avec une cellule faite pour çà, et effectivement le rouge était « criant » de vérité…
quant au sourire de E De Andrade, l’allusion sexuelle est criante aussi, j’avais même dans un de mes textes écrit quelque chose d’approchant avec un sourire « vertical »… il faudrait que je le retouve…. j’ai déjà idée où il peut être…
12/19/2011 à 15 h 09 min Modifier
2 choses:
« Le rouge est la lumière dans le temps. »
Rupprecht GEIGER
et http://corpsetame.over-blog.com/article-1112-ceux-qui-restent-43321780.html
pour un travail d’ Elke KRYSTUFEK