Simone de Beauvoir – sur les pages imprimées
photo : Weegee- – Corner of Trafalgar Square and the Strand, Londres 1960
Sur les pages imprimées,
je ne retrouve pas la trace des jours
où je les écrivis :
ni la couleur des matins et des soirs
ni les frémissements de la peur,
de l’attente, rien.
Pourtant, tandis que je les arrachais laborieusement au néant,
le temps se brisa, le sol bougea et je changeai. »
- extrait de « La force de l’âge. »
Colette Fournier – Au matin
–
Longtemps, mon cœur a battu au flanc du jour.
L’aube était pure, si pure,
Un lever de mystères blancs,
Une pluie d’instants menus dessinés au fusain noir,
La rue et son appel rauque et volage,
La prairie songeuse au soleil,
Et immobile sous un ciel d’extase,
L’eau dormante d’un étang blond.
Longtemps, je suis restée suspendue aux matins,
Aux histoires de fées et de lutins,
Osant à peine, à peine, poser mes pas pointus,
Sur l’herbe mouillée de peur de l’abimer un peu,
Craignant de réveiller juste par mon souffle,
Les esprits endormis de la forêt,
Et les fleurs assoupies dans leurs corolles soumises,
Et que le vent, doucement, plie.
Je ne veux pas, donnant à mon cœur du repos,
Oublier l’odeur des départs,
La nuit couchée en coin comme un chat dispos,
Je ne veux pas refuser tes larmes,
Quand tu te penches sur la vie et que tu l’aimes encore,
Je ne veux rien effacer dans tes yeux, pas même ta mémoire,
Juste goûter encore la ferveur des matins, encore, demain….
–
( visible dans le blog de phedrienne : http://colettefournier.com/2013/02/21/au-matin/)