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Sans noms – ( RC ) – d’après Paul Celan


dessin: Zoran Music

Ils veulent effacer nos noms
comme nos corps,
anonymes et juste identifiables
grâce à un matricule,
              en apposant des scellés
dans le non-dit,
sur les lèvres éteintes
de l’histoire,             la rendant muette,
aussi innommable que nous .

Or ce n’est pas notre fin,
qui s’écrit,       taciturne
         mais le commencement
         d’une écriture,
même si nos noms
ne nous sont rendus,
qu’avec des caractères
inscrits par milliers
dans des plaques de mémoire.

RC –  mars  2020

Claude Lanzmann à propos du "Mur des noms" : "La nomination est la  sépulture même"

d’après le texte de Paul Celan, évoquant la Shoah ( dans Zeigehöft, )
Das Nichts, um unsrer
Namen willen
—-sie sammeln uns ein—-,
siegelt,

das Ende glaubt uns
den Anfang,

vor den uns
umschweigenden
Meistern,
im Ungescheidnen, bezeugt sich
die klamme
Helle.


dans son allocution de réception du prix de la ville de Brême, en 1958, Paul Celan déclare :

Accessible, proche et non perdue, au milieu de tant de pertes, il ne restait qu’une chose : la langue. Elle, la langue, restait non perdue. Oui, malgré tout. Mais il lui fallut alors traverser ses propres absences de réponse, traverser l’horreur des voix qui se sont tues, traverser les mille ténèbres du discours porteur de mort. Elle traversa et ne trouva pas de mots pour ce qui était arrivé. Mais elle traversa cet événement et put remonter au jour “enrichie” de tout cela. C’est dans cette langue que, au cours de ces années-là et de celles qui suivirent, j’ai essayé d’écrire des poèmes afin de parler, de m’orienter, afin de savoir où j’étais et où cela m’entraînait, afin de me donner un projet de réalité


Anonyme ( RC )


peinture:                oeuvre de Peter Philipps  1963

Anonyme –

L’anonyme se confond                          avec les murs
Une brume flottante                          envahit la scène
Tout est opaque,                    les sons de portent pas
A plus de cinq mètres,                       et les tentatives
de distinguer ,            du brouillard, au-delà du rideau
Se heurtent à un voile                           dense et ouaté
C’est l’instant                              où la lumière est bue
Où,                       même la cloche de Big-Ben est « tue »
Où se tourne le film                     de toutes les terreurs
Et qui peut surgir alors ?           C’est Jack the Ripper…

Je suis un anonyme,                      que rien ne distingue
Dans la foule,                                               je suis gris,
et porte peut-être       ,                            un parapluie
Je suis en kaki,                      au milieu de la soldatesque
Matricule numéroté,                             élément casqué
Se fondant dans la masse,                 je suis l’automate
Sans sentiments,                           lisse et hors de l’ âge
Pas besoin                                de tenue de camouflage

Sans aucun avis,                                  et rien ne dépasse
Je suis mon destin,                                 celui de ma race
Ne maîtrisant rien,                     – et l’avenir m’embrasse
Flottant dans un fleuve,    des petits points,   des faces
Ne choisissant pas ,           la courbe ,      les trajectoires
Au p’tit bonheur la chance,             et gardez bon espoir
De revoir un jour,                                un peu de lumière
Devenir quelqu’un ,                                    sortir de l’hier

RC – 24-mai -2012