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Stefaan Van Den Bremt – À table avec une chaise


peinture baroque espagnole: Juan de Juanes  – la Cène

 Tafelen met een stoel

À table avec une chaise

                 en souvenir de C.K.

I
Écarte ce calendrier plein de sagesse éphémère.
Ce jour-là refuse de passer.

Ce jour-là, quelqu’un rapprocha une chaise.
Un lundi quelconque, il y eut cet hôte insolite.

Il ne pouvait rester, mais se mit à table,
garnit son assiette d’ombre, remplit son verre

de lumière, but d’un trait et s’en alla:
il ne pouvait rester là où il était.

Depuis ce jour, ce convive te hante,
venu à tout hasard jusqu’au lendemain.

Encore à présent tes nerfs sont à vif
et tu t’attables avec la chaise qu’il occupa.

II
Il ne pouvait rester et ne disait mot;
ménageant l’ombre, il but la lumière.

Celle du jour qui en sait plus long:
celle du temps qui refuse de passer.

Hôte, il lui est loisible de rester
à demeure dans ta peau.

Il te soustrait un jour et une nuit,
ne reste qu’une éternité.

Depuis, vivant à tes crochets,
il s’attarde à table, vissé à sa chaise.

III
Un lundi quelconque, quelqu’un rapprocha une chaise.
Un mardi perdu, il se leva.

Un Mercredi des Cendres, la chaise seule reste
comme si de rien n’était, étrangère

à celui qui tient table ouverte, sourde
à celui qui la questionne.

Elle reste où elle est et ne dit rien sinon
ces jours, leur démarche de crabe.

IV
Qui l’aidera à porter ce lundi
et l’hôte qui a pris place?

Lui qui s’est installé, prêt à partir
après avoir repris haleine.

Elle ne parle que la langue des choses,
avec la raideur de leurs gestes.

V
Mais lui, il restera attablé à contre-jour,
à longueur de journées.

Parfois il est assis, comme si d’un bond
il voulait s’en aller.

VI
Remonte le courant des années,
rétablis ce temps de sagesse éphémère.

Stefaan Van Den Bremt –



Mercredi dans les Alpes (RC)


photo perso: lumière du matin dans les Cévennes ( St Cirgues en Montagne)

——–

Pourquoi j’ai choisi ce titre ?

Hein,  -sans doute parce que

Cà sonne comme un jour  changeant ,

Et les sonnailles du bétail dispersé.

 

Le lendemain, transforme le monde,

Les murailles  gris bleu sont maintenant orange

En tournant la tête, je déchire   quelques  nuages

Cavalcade  de quelques bouquetins en  éboulis

 

Le lendemain est aussi tout à l’heure

L’épaule suspendue  de la montagne

Se teinte  d’éclairages  d’hiver et la fantaisie

d’oiseaux de Magritte englués dans le roc

 

Sages tracés de remontées mécaniques

striant les pentes de lignes mobiles

Ruches bourdonnantes d’immeubles agglutinés

Comme d’excroissances vénéneuses.

 

Le lendemain changeant me dit le pays voisin

Transformant la parole, en langage étranger

Mon père disait  » mâcher de la paille »

En absence – Prévert -de passage- muraille

 

Et de tunnels routiers audacieux

Et les spirales des voies ferrées d’antan

Forant des kilomètres  rocheux

Et jouant    des ponts si  improbables

 

C’est vers Tende, je me souviens

Me rappeler pourquoi, avant la mer

Les pentes  sont  encore les Alpes

Les replis gardant de petits  lacs miroirs

 

Autant de joyaux liquides

Aux balcons des pentes velours

Le lendemain qui transforme le monde

Attend en silence le départ de l’ombre

 

Le rideau de lumière, combattant la nuit

Après avoir happé les  crêtes,

Peu à peu lui grignote une part de jour

En allégeant son triangle- c’était en rosé

 

Le lendemain est aujourd’hui, posé

L’aube a relégué mercredi

D’un  éclairage nouveau le haut fantasme

de glaces                      construit le jeudi.

—-

RC

5 fev 2012

Peinture: René Magritte