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Guy Goffette – dans ce petit creux d’ombre et d’oubli


Et tu finis par ranger le livre, là-haut,
à sa place exacte, ce petit creux d’ombre et d’oubli
comme le coin de terre qui te revient.
Tu reviens toi aussi

à ta place, devant la fenêtre, la table,
ce carré de neige que nul encore n’a forcé
et qui va dans tous les sens comme ta vie
parmi les mots, les morts.

Tu sais bien qu’aucun signe ne guérit de l’absence,
pas plus que le merle en tombant ne renverse
l’axe de la terre, mais tu persiste, ô scribe,
à soudoyer les anges :

un peu d’or dans la boue, dites, que la nuit reste ouverte.

extrait de « La Vie Promise, »  1991


Dans la république des oiseaux – ( RC )


Coltrane bye bye & blackbird

montage   RC

Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
Juste tourner la poignée de la fenêtre
pour marcher de plein pied dans l’espace.

Des traits se côtoient,
mais jamais ne s’enchevêtrent.
        Les pépiements que j’écoute, 
        aussi ,         se superposent.

Je suis rentré dans la république des oiseaux,
      ( en fait dans un monde sonore
         où se croisent les langages
             de la nature ).

Quels que soient les plumages,
de bois, de cuivre
ou de simple roseaux
que le souffle entraîne.

Je voisine en musique un merle rieur,
une bécasse, et d’autres espèces
aux couleurs changeantes,
comme dans le catalogue de  Messiaen.

Ces oiseaux sont de minuscules étoiles
qui animent le ciel tendu
à mes oreilles :
drap vivant de l’azur perpétué.

Il n’y a pas besoin de clé,
pour passer dans un autre monde:
il suffit , par exemple, d’écouter
Naïma , de Coltrane …

C’est comme une partition de liberté
où les notes filent à toute allure
comme ces hirondelles
dansant leur mélodie.

Qui la leur a apprise ?
Comment se fait-il qu’à chaque fois s’échappe
l’harmonie sans qu’on la rattrape,
quand le musicien improvise ?


Lucie Delarue-Mardrus – Par ma fenêtre ouverte


peinture :  takmaj

aquarelle : Maja Wronska ( takmaj )

Par ma fenêtre ouverte où la clarté s’attarde,
Dans la douceur du soir printanier, je regarde…
Chaque arbre, chaque toit qui s’élance dans l’air,
Tel le roc qui finit où commence la mer,
Marque la fin d’un monde au bord d’un autre monde.
Ici la terre et là le vide où, toute ronde,
Cette terre, toupie en marche dans l’éther,
Sans sa pauvre ceinture d’air
Ne serait à son tour qu’une lune inféconde.

Je contemple ce toit et cet arbre, montés
Vers l’insondable énigme et ses immensités.
En bas, la rue est calme et le printemps tranquille.
Rien ne trouble la paix de la petite ville.
On entend au lointain un merle. Il fait très beau.
C’est tout.
—    Pourquoi mes yeux regardent-ils si haut  ?

 

 

L D-M

( beaucoup des créations de l’auteure peuvent  être lus sur le site qui lui est consacré)


Guy Goffette – Dès l’aube tout est dit


image: variation informatique – perso – à partir du bas relief de Max Ernst ( St Martin d’Ardèche)

Dès l’aube tout est dit

les pas que nous ferons,

l’herbe en porte déjà

la trace, et nos paroles,

la brume en use le tranchant

sur le sein des collines,

l’échine bleue de la rivière

les tuiles cassées par le gel

et sur les trois notes inlassables

du merle dans le cerisier

qui s’émerge. Tout est dit,

mais le plus dur reste :

trouver la juste dédicace.

Mais que cherchais-tu donc qui ne fût pas

le vent debout, ni le ressac d’enfance

dans les soirs gris, ni le redoublement

du vertige d’aimer

une autre terre que celle-ci, un autre

ciel, un autre temps ? Que cherchais-tu

sur la route que tu n’aies pas trouvé déjà

dans l’herbe familière

et déjà reperdu, bague de rosée ou signe

qu’un homme allant à son pas t’a laissé

sur la vitre avant de disparaître,

ouvrant les arbres

un puits où la lumière se nourrit de tes yeux

-.


Ahmed Mehaoudi – dire aux choses qui passent


dire aux choses qui passent…

 

photo: Tim Corbeel: promenade de l’âme

te seras dans ses bras

tant de berceuses moisies

mais qu’hiver ou automne

essuient les larmes  c’était jadis

que tu pleurais

jadis quand c’était de belles défaites de coeur

 

tu seras dans ses  bras

ce que ne dis plus le temps

ni de ces rouges maisons où sifflait le merle

ni encore le blanc rossignol

levé tôt à vous chanter la complainte

 

ce rien dans ses bras

à poser la tête sur l’épaule qui veille

ces yeux noirs de soupirs

dans ses bras

à écouter la joie de l’aube blanchir le jour

et toi partir avant…

 

 

 


Nath -Il sera deux fois à la conjugaison des dunes


Après Marina Tsvetaïeva  et ses  « tentatives de jalousie »…

un retour vers les  « tentatives  de lumière »  de Nath…, qui je ne sais pourquoi, m’évoque un de mes peintres  « phare »:  Chaïm Soutine

peinture – Chaïm Soutine: la folle

Il sera deux fois à la conjugaison des dunes

Je ne sais quel  jour

Tu t’es arrondi à mon épaule

–   tes doigts de poussière ayant cerné

L’instant d’un œil.

Tu as germé ainsi

Sous mon omoplate

Et pousse rouge

L’aile d’un papillon .

La mer est grosse dans la bouche

Du temps.

Vois, frère debout ,

Ton bagage dans mon sang

Tu as décrispé la torpeur de ma poitrine

Lorsque ta cellule

A rejoint la collerette des jonquilles.

A

Mon sang anobli

Gigantesque poudrière,

Des sommeils de ruines,

Des fleurs coupées

Aux verres des convives

Et à droite,

Ton sourire de pierre

Laissant s’échapper les particules de ta cellule.

Je crois que j’entends dans le chant matinal du merle

Quelques lettres tombées du ciel :

« Il sera deux fois

A la conjugaison des dunes. »

Nath 29 mars 2012

mais  évidemment un Soutine, sans la présence  marquée  du rouge  ( puisque  le mot  sang revient plusieurs fois), cela  évoque  aussi ça…

peinture:          Soutine:        dame en robe rouge


Michel Garneau – Scantate à Beckett


montage photo perso: Tabebuia chrysotricha--- à partir de photo de Sergey 'Ivanov

Michel Garneau, poète canadien,  nous offre sa scantate à Beckett

Scantate à Beckett

Everything sopping wet under a black sky.
Only bright spot a blackbird.

Samuel Beckett
Ussy-sur-Marne
( lettre à son oncle Jim et sa femme Peggy - 1968 )

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 tout est trempe sous un ciel noir
éclairé par un seul merle
j’ai laissé la ville derrière
trop bruyante et même trop fière

moi je me cherche du vide
enfin ce qui lui ressemble
je suis du bord du silence
mais c’est pas la mort que j’aime

j’ai laissé la ville derrière
trop bruyante et même trop fière
j’aime la vie en son haleine
en son souffle et son battement

je suis du bord du silence
mais c’est pas la mort que j’aime

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