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Fernando Pessoa – Accalmie –


Uehara Konen – Vague –

.

.

Les vagues content quel rivage

Qui ne peut être trouvé

Si nombreux que soient les bateaux en mer ?

Qu’est-ce donc que trouvent les vagues

Et qu’on ne voit jamais surgir ?

Ce bruit de mer se faisant plage

Où est-ce qu’il peut subsister ?

.

L’île si proche et si lointaine,

Qui dans l’oreille persiste,

Pour le regard point n’existe.

Quelle nef, flotte ou armada,

Peut finir par ouvrir la voie

Vers la plage où la mer insiste,

Si à perte de vue la mer est seule ?

.

Est-il des déchirures dans l’espace

Qui donnent sur l’autre côté,

Et grâce à quoi, l’une trouvée,

Ici où ne sont que sargasses,

Surgirait une île voilée,

.

Le pays fortuné

Préservant le Roy déporté

Dans sa vie enchantée ?

.

.

Fernando Pessoa est mort le 30 Novembre 1935

Message

traduction de Patrick Quillier

Ed. Chandeigne


Lambert Schlechter – mille scarabées en route vers ton pays


Le culte du scarabée en Égypte ancienne, c'est Dramatic

Sur les pentes bien pentues des collines qui entourent Walker Bay, j’ai envoyé à ton assaut quelque mille messagers, il y aura d’abord les collines, puis les montagnes, puis les plaines, puis de nouveau les collines et les montagnes, ils vont mettre des jours, des mois, peut-être des années, peut-être des siècles, mille scarabées en route vers ton pays, ils portent le message, plié en quatre, sous leurs ailes, je leur ai interdit de voler, ils marcheront, c’est pour ça qu’ils mettront si longtemps, à mi-chemin vers le nord, ils auront tout le Sahara à traverser, ils portent tous le même message, il est plausible, même évident, entomologiquement, qu’ils vont mourir par centaines, ils vont mourir presque tous d’ici quelques jours, quelques semaines, il est probable, très probable qu’aucun d’eux n’atteindra le bord du Sahara, et s’il y en a deux ou trois qui atteindront le bord du Sahara, ils ne vont sûrement pas le traverser, j’aurais peut-être dû leur permettre de voler, mais c’est trop tard, ils ne m’entendent plus, ils sont trop loin, ou morts, je commence peu à peu à me résigner que tu ne recevras pas mon message, c’était juste une petite page, à peine mille signes, comme on dit, pour te dire que… , comment dire, dire que…


Ton souvenir pour tout bagage – ( RC )


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La barque va doucement
s’échouer sur la plage,

J’aurai ton souvenir charmant
pour tout bagage :

J’ai apporté ma carapace
comme une vieille tortue

encore étonné par mon audace,
débarqué sur une île inconnue

mon corps et mon âme
encore indissociables

sont au programme …
et quelques grains de sable

j’aurai tout le temps
devant moi

pour t’écrire, le cas échéant
des lettres qui ne partiront pas ;

une parole muette,
en encre sympathique

qui restera dans ma tête,
et reviendra, cyclique .

( Cela vaut bien un message
confié à la mer

comme le veut l’usage …)
—- et vogue la galère !

Autant écouter un coquillage
et y mettre ton oreille

– si ce sont des enfantillages
cela remplacera la bouteille …

– encore faut-il en avoir une – ,
mais je n’ai que mes mains

pour toute fortune,
et pas de parchemin

alors il faudra bien
lire dans mes pensées :

car je suis le gardien
de messages esquissés.


RC – sept 2017

 


Un message auquel il manque des mots – ( RC )


 

8114724.jpg

image retraitée: RC – nov  2017

Avec cette atmosphère cristalline,
la nuit s’étirait, lumineuse ,
et je me suis levé,
ne trouvant pas le sommeil.

La lune brodait autour des nuages,
une dentelle claire,
le centre restant opaque et sombre ,
–            une sorte d’omission     – .

( comme si c’était une phrase ,
dont le message était interrompu ) .
Il y manquait des mots ,
et tout le paysage balbutiait.

C’était sans doute juste un oubli ,
tout retrouverait sa place dans les rêves ,
on n’aurait même pas à demander la traduction :
et demain je me souviendrai de tout .

RC – juill 2017

 

Mel Bochner - Rules of Inference.jpg

art: Mel Bochner


Gratter ce que cela dissimule – ( RC )


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peinture  Simon Hantaï – 1959

 

Imagine ta vie
comme une oeuvre d’art ...
Elle serait plutôt bizarre :
–         L’enquête a établi
Qu’en tant qu’artiste
c’était une activité louche
( de brouiller les pistes
en rajoutant des couches…)

On n’y voit que du feu   :
C’est un drôle de calcul ;
On trouvera bien ( en grattant un peu ),
ce que cela dissimule… :
Les gens sont pleins de malice
et plutôt que dans l’écriture,
ils arrivent à trouver des interstices
même dans la peinture…

Si on prend bien soin,
de regarder les coups de pinceaux,
on trouvera bien ce qu’il faut
( même une aiguille dans une botte de foin ) :
Il suffit de patience
pour lire ton destin ,
savoir à quoi tu penses …
…. Tu veux qu’j’te fasse un dessin ?

Avec les meilleures intentions,
sans que ça soit ma tasse de thé,
je sais tenir un crayon,
même si c’est ta spécialité.
Il se pourrait        que j’efface
la toile pour retrouver le blanc
– il n’y a pas de place
pour les faux semblants –

Maintenant:     ce tableau est lisse,
on a raclé les épaisseurs,
selon les instructions de la police,
pour que de la couleur
plus rien n’émerge :
plus de message caché
On peut dire que la surface vierge
est devenue sans danger.

Imagine ta vie
ainsi épurée !
les marques de sympathie
d’oeuvres censurées :
Plus aucun problème
avec les choses prohibées ! .

Ce que les gens aiment
c’est être rassurés.


RC – juin 2016

 

( dans les tableaux  « neutralisés »,  je pense  à ce dessin de W De Kooning ,  confié à ,Robert Rauschenberg afin qu’il l’efface )


Enfance des géants – ( RC )


KONICA MINOLTA DIGITAL CAMERA

photo perso –                     gorges du Tarn à St Georges de Lévejac   2015

 

Je ne connais rien de l’enfance des Géants:
Ils sont peut-être nés au coeur d’un volcan,
De l’accouplement hâtif de reptiles    avec un dieu ailé:
Ils ont grandi                          dans les temps reculés

– ( je n’étais pas né et en suis réduit à chercher des indices)-.
Ils se sont allongés sur la terre lisse ;
L’empreinte de leur corps         a laissé des traces en creux,
là,          où l’eau des lacs reflète le sourire des cieux ;
Aux montagnes,        la robe des conifères,
Habillant les pentes aventurières …

On ne sait pas s’ils sont morts,
ou camouflés derrière une prairie en fleurs,
prêts à se relever si leur sang
répond un jour aux appels du printemps…
Car leur rythme cardiaque      ne nous est pas connu:
ils tiennent notre destin      entre leurs mains nues,
et parfois toussotent            des rêves de pierre
qui se traduisent par des phylactères
emportés par les tempêtes et les orages:

On n’arrive pas encore à déchiffrer leurs messages ,
car il faudrait apprendre une nouvelle écriture
dont les signes sont disséminés dans la nature.. ;
On connaît peu de choses des Géants.  ….

Ce sont peut-être encore des enfants
Qui vont pouvoir grandir
Dans une terre en devenir….


RC- mai 2016

 


Poème des rosées ( en réponse à Xavier Lainé)- RC


peinture: Nesch Rolf  oiseau tombant   1939

peinture: Nesch Rolf               oiseau tombant           1939

Il est ainsi ton chant d’oiseau,
Qu’il parcourt les espaces,
Et sans deviner sa trace,
Particules de poussières et mots

Tu traverses frondaisons obscures,
Verticales de béton,
Hautes collines et monts,
Et roches les plus dures,

A venir, aux esprits déposées,
Un message, un poème
Exposé, sans théorèmes,
Dans la fraîche vapeur des rosées.

RC   – 2 juillet 2013

–  en réponse  à Xavier  Lainé: dans ses  chroniques  de la poésie

et que je pourrais  compléter  aussi par cet extrait de Marie-José THÉRIAULT,

Sur le papier tes lignes bleues formaient des mots que je n’ai pas compris très vite tant ils dansaient, des oiseaux ont chanté, je ne les avais jamais entendus, l’un d’eux secouait même de très belles plumes, ce n’était pas encore tout à fait ça mais on aurait presque juré que se levait un matin jaune.


THÉRIAULT, Marie-José, Invariance suivi de Célébration du prince, Le Noroît, 1982.


Sur les étagères de l’ Expérience ( RC )


Sur les étagères,
Parmi les instruments de la fin du siècle dernier
Figurent  , des témoins  d’expérience,
Des éprouvettes, des tubes  et des cornues,
Et des objets de bois et laiton,
Qui ont perdu leur  éclat,

Puis un peu plus haut
En rang d’oignons, bien rangés,
Une série  de bocaux,
Où s’alignent dans un liquide  épaissi,
Une lignée de cerveaux
– en épaisses circonvolutions..

Sans  doute  de grands  esprits
Les habitués du laboratoire
Qui       réfléchissent encore
…..Comme ils regrettent
A leur semblant de corps
– ou bien ils s’en passent –

Mais encore,  se prélassent
Derrière leurs parois de verre
Lisses,       mais aux reflets
Epaissis  de poussière
De décennies  d’hiers
( sur les étagères).

Peut-être  qu’habillés d’un peu de chair,
Et même davantage
On reconnaîtrait leur propriétaire
Et on lirait aussi , sur leur lèvres molles,
La traduction              d’un message
—–>  A travers le formol.

Leur présence suspendue
Dans leur  aquarium
Ils semblent,             la bouche de silence
Ouverte                                en un cri tendu,
– Mais muet – ,  vouloir nous communiquer
Leur existence,         …. qui en est restée

Pour de belles  années
Sous les néons bleutés
Et les carreaux  blancs
Ceux  d’un autre temps
Quelque part arrêtée ,    une part d’enfance
Faisant rimer la science, avec l’   « Expérience »

RC  – 16 novembre  2012

photo: Rich, visible ( avec d’autres sur cette page)


Karla Olvera – Première culbute


extrait du site  de la  « petite  librairie des champs » ( Sylvie Durbec)

 

 

installation – sculpture  animée:  Rebecca  Horn

 

 

Je tombai aux lignes d’une lettre comme un miroir

Je tombai très vite cheveux volant au ciel

Chauve-souris en fuite heurtant le vent

Je tombai poings ouverts et pieds en avant

Je tombai les falaises et espaces libres

Je tombai mille crabes en dessous du sable

Je rencontrai des télégrammes en tchèque

Je lus des messages dans des bouteilles

Je rêvai avec les frères Montgolfier

Je tombai et installai une tente en Mongolie

Arrivée dans un kit cinématographique

Chien jaune

Toiles

Chèvres

Bols

Plateaux

Charrettes

Tout ça miniature

Et démontable

Je tombai à l’horizontale

A travers des plaines vertes sans fin

Je tombai en suivant l’ horizon

Zig zag zag zig

Je tombai de toute la largueur du ciel

Et à l’envers.

 

Karla Olvera  –             trad. sylvie durbec (fragment)


Ile Eniger – Pas d’indice


La gravité des terres désertiques inscrit dans son histoire, des recommencements sans souvenir. Pas de sens, pas de bout, pas de côté ni de visage. Seule, traversant le temps et les marécages, l’inhumaine étendue couchée aux planches des sols. Dans les replis, la présence immobile des heures marque les pleins et déliés des routes ordinaires. Le regard se meurt avant d’atteindre l’horizon. Pas de message pas d’indice, un souffle lourd et lent. Le cuivre grumeleux garde au creux de l’inhospitalière condition, la marque du fer, le poids des hommes. Des labours ligneux et obstinés invitent au parjure d’une humanité de pacotille. L’âge, de force vive, dessoude l’amertume. Il reste des grains âpres à sucer dans la solitude et la sueur.

Ile Eniger – Les Terres Rouges – Éditions Cosmophonies


Pierre Etienne – signes sur l’eau


 

eau mouvante – Venise

 

 

Si du bout de mes doigts
je trace des signes sur l’eau
les mots traversent l’étang
reliant l’une à l’autre rive

Là-bas nul récipiendaire
ne recevra le message
les carpes m’ont assuré
du silence des secrets

Les arbres captent des reflets
telle l’image mal réglée
d’un téléviseur folâtre

Avant de connaître l’étang
j’ignorais que tant d’avions
détruisent le calme du ciel

Pierre Etienne /   extrait  de  « Quarante quatre sonnets approximatifs »