Robert Piccamiglio – Midlands – 06 – Plus tard ( 02 )
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L’argile du cœur broyé par l’indifférence. La peur. La haine.
Aux pieds des frénésies du pouvoir toujours en marche.
Ce pouvoir je l’ai senti
sur les scènes du monde entier.
Je n’étais alors ni le troupeau
ni l’infime sillon. ni le berger anonyme.
J’étais comme cette terre riche de feu. Fusion éternelle. Longue course vers l’infini.
J’étais le ciel heurtant les saisons. L’amant.
La maîtresse habillée de gestes vifs. Insoumise.
J’étais ce fils
que je n’ai pas connu.
Ce Cavalier maintenant égaré.
J’étais cette tille que je n’ai pas eu. Cette Reine oubliée. Cette Fée d’éternité.
Le pouvoir je l’ai senti comme la rivière charriant le sang.
Puis le fleuve emportant les cadavres d’où venait le sang.
Je restais immobile.
Triomphant.
A l’image de ces volatiles
qui Jamais ne se posent.
Qu’importe la saison. .
L’odeur de l’herbe ou de la pluie.
Jamais ils ne suspendent leur vol.
Même les blés accueillant. Ou l’arbre tendant ses bras aux douceurs zénithales ne leur font refermer leurs ailes.
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Midlands est publié aux éditions Jacques Bremond, qui utilisent très souvent du papier recyclé « artisanal »….
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Robert Piccamiglio – Midlands 05 Plus tard
PLUS TARD
Plus tard dans le tumulte glacé
de cette nuit je me suis souvenu de l’exaltation
infinie qui grondait en moi.
Elle venait se perdre
comme autant de germes hautes et fragiles
autour d’une cité faite d’incroyables
et féroces remparts.
Le pouvoir.
Comme une rivière bondissante charriant le sang.
Plus tard dans la nuit
j’ai revu le fleuve charriant les morts
d’où venait le sang.
Avec le ciel au-dessus l’amant rompu. Avec la terre en bas maîtresse incandescente. douloureuse, attentive.
Le monde n’étant lui-même que soumis à la dérision grandissante du pouvoir.
A la rivière d’abord puis au fleuve tout entier.
L’homme ne devenant qu’un infime sillon tracé par d’autres avant lui. Stupéfait.
Le pouvoir triomphant toujours. Perçant chaque fois un peu plus la faiblesse de l’argile entourant le cœur engouffré dans le cœur de l’homme.
Le troupeau suivant le troupeau le berger, étrange inconnu.
Nous marchons ainsi jusqu’à l’épuisement
Parcourant autant de vies que de morsures.
Avec pour nous accompagner nous le troupeau puis la machine cet animal creusant son trou protégeant son territoire.
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en accompagnement, cette belle photo de Marc Riboud, qui est sans doute l’un des photo-journalisme que je vénère le plus.
Robert Piccamiglio – Midlands – 03
En poursuivant le partage d’extraits du livre du poète Robert Piccamiglio, et le souffle de son récit épopée… ( noter que, comme moi, R Piccamiglio – le savoyard -, apprécie l’esprit particulier des récits de Richard Brautigan,, dont j’ai publié il y a une semaine un extrait…
RP, dont j’ai déja publié des textes ici... et LA
Puissant, fier, Indestructible.
Tranchant à même l’absurde de la vie
et de la terre qui s’étonne de nous
Puis s’étale d’elle-même
dans les saisons
garnissant l’impitoyable silence.
Mais que reste-t-il à raconter
Et surtout à qui ?
Même ces murs je les sens si faibles
accrochés désespérément à la triste couleur du papier.
D’une terre sans racine,
D’une branche innombrable, Multiple, sans écorce.
D’une écorce sans nourriture
pour se fixer au tronc moelleux de l’arbre
A notre image
Puisque nous nous ressemblons L’arbre,l’écorce, l’homme
Partageant toutes ces paroles oubliées.
Avec cet argile si faible
entourant le coeur.
Comme la tristesse du papier
entoure les murs assoupis de la chambre
_ Ouvre-moi tes bras !
Dis-moi je t’en prie quelle histoire
de vie ou de mort , s ‘il me reste à raconter.
Et que tous les échecs passés ne soient plus que triomphe au seuil de l’impitoyable course.
Une nuit. ! Une seule nuit d’espérance
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NB: R Piccamiglio est l’auteurs de nombreux récits, poèmes, romans, pièces de théâtre…
Midlands, dont sont extraits les textes présentés, est publié par les éditions Jacques Bremond ( à Remoulins, Gard)
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Robert Piccamiglio – Midlands – 02
Mais je n’aime pas les adieux. Et nous avions si peu de choses à nous dire.-
— Dis-moi ! ‘ Est-ce si loin? Combien de temps déjà?
Combien de temps pour oublier? Combien de naissances à venir qui font tinter ces écorces et ces sirènes attachées à la vie ?
Nu d’abord. Puis habillé.
Puis nu à nouveau.
Comme jamais nous l’avons été.
Alors que me reste-t-il à regarder ?
A surprendre dans cette cruelle litanie »
sans fin qu’est l’oubli.
—— Combien de temps dis-moi ! —
Qui pourrait répondre à l’oubli ? Les murs ? Le plafond ? Le lavabo ? Cette eau qui a tant lavé ?
L’oubli !
Et moi-même n’ai-je pas tant oublié ?
L’ombre des arbres qui tendent leurs bras vers le soleil.
Les maigreurs du printemps. La pluie tiède de l’été.
Le ciel raisonnable au bord de l’hiver anatomique.
L’oubli !
Mais quelle-porte a été ouverte franchie puis refermée ?
Avec ce cœur solitaire qui nous donne à penser
que l’on pourra encore aimer et être aimé à nouveau d’espérance
.
Triomphant ainsi de l’absurde
et de cette solitude insolente que nous portons sur nous
comme un habit de cérémonie.
L’oubli !
Avant que la terre dont nous venons ne reprenne ce qu’elle a donné.
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une bibliographie ? celle de Robert Piccamiglio.. voir cette page...
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Robert Piccamiglio – Midlands – 01
J’apprécie beaucoup les textes de Robert Piccamiglio; Poète, il est aussi l’auteur de romans et pièces de théâtre…
Son grand récit « Midlands », fait écho – hommage, à son père, mineur…
en voici un court extrait… ( j’ai fait attention à respecter les retours de ligne).
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Le matin quand je suis parti
Peggy dormait encore.
Ou faisait-elle seulement semblant ?
Mais quelle importance !
elle avait su se montrer si aimante
malgré la tristesse de ses yeux.
Avant de quitter la chambre une main sur la poignée’ de la porte j’ai fait un signe amical aux poissons multicolores enfermés dans l’aquarium.
Toujours en mouvement. Nageant silencieusement. Sans but.
Mais pourquoi dans le fond faudrait-il toujours chercher un but?
De Denvers nous avions filé dès le lendemain vers le Texas. Houston.. La ville près du désert.
De la fenêtre de l’hôtel je l’apercevais au loin. Charnel. Immobile. Mystérieux.
Avec ces dunes déployées
comme des ailes battant d’une mesure millénaire les promesses de l’horizon.
J’ai fermé les yeux
et j’ai pensé à des épaules dénudées
de femmes.
Ces femmes que nous avons cru aimer.
Ou était-ce nous-mêmes que nous cherchions
à aimer un peu plus à travers elles ?
Le matin la fille est sortie la première de la chambre. Je devais dormir. Ou je faisais seulement semblant