Miettes – (Susanne Derève) –

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Des brisures du rêve, voilà ce qu’il nous reste,
la sueur des baisers,
le ruban argenté d’une bave d’escargot
après la pluie …
Un seul rayon de lune n’a jamais fait pâlir la nuit.
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Un matin où j’avance mes mains trop près du ciel – ( RC )

Peine perdue
aux volutes des pensées désenchantées.
C’est un matin
où j’avance mes mains
trop près du ciel,
car le silence me répond, :
celui de la nuit pailletée,
que brouillent les voix de la veille :
- de grands morceaux fragmentés
ne composeront jamais un poème :
miettes de croissants de lune,
emportées par la rivière,
un jour où le vent accompagne
les gestes lents du balayeur.
Puis il y a eu ce visage
entr’aperçu derrière les rideaux pourpres
d’une fenêtre
qui recomposa ton image,
elle que je croyais perdue,
piétinée comme des fruits trop mûrs
se mêlant aux souvenirs diffus
d’une aube incertaine ;
tintement léger de la mémoire :
réminiscences en pièces détachées
dans le jour candide
qui se mettait à renaître,
comme si de rien n’était,
alors je t’écris cette lettre,
que tu liras peut-être
toi ,
si loin du ciel,
mais proche de moi, en pensée…
Guy Goffette – Dimanche
La cloche du beurrier ancien dans le soleil d’octobre est une église oubliée sur la table des hommes
Elle rassemble autour d’elle les miettes éclatantes du cœur qui a vécu son heure de gloire dans le partage et l’apaisement des cris pépites qu’une main sèmera sur le gazon
bleu pour les oiseaux les insectes les dieux invisibles qui portent la lumière au creux des arbres immobiles et dans l’espace ouvert la nuit entre nos songes
Est-ce un homme qui pleure ? – ( RC )
en « réponse » au texte précédent, de Susanne Derève
Est-ce un témoignage d’amour,
cette plume qui est
le marque page
de notre livre ?
Est-ce que nos vies
sont liées
par ce serment écrit ,
avec cette plume, justement ?
Mais les pages se sont tournées,
avec les années :
il n’y a plus
que les miettes du passé .
Si la tendresse se conjugue maintenant
à l’imparfait,
faut-il regretter d’avoir dit,
» je t’aimais ? «
J’ai connu d’autres chapitres ;
l’oiseau de l’amour
est revenu reprendre sa plume, et s’est envolé
mais je n’ai pas de regrets .
–
RC
Vanité – ( RC )
il est dit
que le son
ne franchira pas
tes lèvres.
Si c’est d’un miel
le temps qu’il s’écoule,
une pâte lourde,
où des miettes noires s’agitent.
Fourmis actives,
aussi nombreuses
que les secondes
courant dans une heure.
Alors, – parlons des jours,
voire, des années,
Les pensées en sont les étoiles,
tapissant la voûte céleste
d’un crâne …
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RC – juill 2015
Stéphane Berney – Les miettes et les étoiles
peinture Anselm Kiefer: trouvé sur http://hansskastorp.tumblr.com/
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S Berney est l’auteur d’un blog poétique abondant que l’on peut voir ici.
Dans les étoiles
Comme on vautre
Ses manches
Sur un comptoir
Maculé de miettes
Les soirs de houle
Une fois debout
Il en transportera
Quelques-unes
Dans les coins obscurs
De sa vie
Carles Duarte – L’ Abîme

peinture: Jef Vereyen monochrome achrome 1958
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Au-delà de la mer
– je peux sentir son vertige -,
il y a un abîme.
J’abrite mes regards
derrière mes paupières fatiguées.
Tandis que j’observe les vagues,
j’écoute le corps,
sa routine incessante
chaque fois que je respire.
Je suis ressorti dans la rue.
Je tente en vain d’y retrouver des images.
Je n’y reconnais pas cet enfant blond,
ni la cour pleine de lumière.
Il me reste, pourtant, des miettes bleues
et les visages des mes parents que j’imagine.
Je m’assieds sur le sable
pour refaire les châteaux d’autrefois,
pour me rappeler.
Au-delà de la porte de l’air,
de la lumière primordiale de cet après-midi,
d’une joie que je regrette,
l’océan transparent de l’oubli
me détruit.
François Corvol – Il dort
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Qu’est-ce que mon cœur sinon
un tintement entre quatre murs
un abri-bus un terrain vague où des inconnues viennent bavarder
j’ai tant ri la nuit que je ne veux plus voir le jour
j’ai tant ri que je ne veux plus te voir pleurer
une maison même habitée de fantômes n’est plus si esseulée
Où est-il, écrasé par les passants
écrasé par l’ordinaire
et toi aussi tu le foules sans savoir où je suis né
les tambours et les miettes
tout ce qui scintille et parle
est marée montante angoisse du verre brisé
le corps qui passait devant mes yeux dort désormais
il dort comme s’il savait
–