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Blanche est ma voix – ( Susanne Derève) –


Miklos Bokor – Chapelle Maradène , fresque (Détail)

 

Mes illusions perdues,

plus pauvre qu’en ma jeunesse, je suis,

et mes cheveux coupés.

 

Pour vêtir un roi nu, n’ai qu’un maigre édredon                                   

que chacun tire à soi

et quand sur vous, mes frères,

les mâchoires d’acier des frontières se ferment,   

j’appelle, j’appelle encore,

 

blanche est ma voix, 

 

noyée dans le grondement du flot,

blanche,  

la supplique qui monte des radeaux                  

accrochés à nos flancs, au bout de leur errance,

 

blanche la plainte,

qui fuse des barbelés, le cri du sang

épandu sur la neige,

 

et sous les bombes, les gravats,                          

les villes qu’on assiège,

blanches d’horreur les pupilles,                                         

blancs les membres brisés.                                                                                                            

 

Mes illusions perdues …

à  Kaboul      Ispahan        Téhéran ,                                                                                               

blanc le cahier d’écolière,  

blancs le niqab et le linceul,

la corde et le nœud coulant,

 

et quand sur vous mes sœurs,

les mâchoires d’acier des prisons se referment,   

j’appelle, j’appelle encore

 

au delà des frontières , blanche est ma voix …

 

                     ***

sur la Chapelle Maradène ( commune de Martel, Lot) , acquise par Miklos Bokor ,

dont il a entièrement recouvert les murs intérieurs de fresques monumentales

qu’il a voulues comme « sa mémoire » de la Shoah, voir  :

Chapelle Maradène, journée du patrimoine – Martel 2020

 

 

 


Aytekin Karaçoban – Pourquoi –


Philippe Cognée – Foule
Pourquoi
Pourquoi mon désir s’accroit-il,
juste au moment de tailler la vigne,
d’apprendre au temps de t’écrire,
de déployer un chemin de rêves sous ses pieds
pour qu’il apprenne aussi
à ne pas se contenter seulement
de sa science de traverser le réel ?
Pourquoi pas,
par exemple,
juste au moment où je glisse ma voiture
entre deux lignes dans le parking
ou bien au moment où je saisis le sourire forcé
de la vendeuse chez le boulanger ?
Pourquoi fondent les notes,
se tendent les voix
les heures deviennent lierres
dont les fibres tressent des cordes
quand j’attends une mélodie valable
de l’opéra à trois sous de la vie ?
Pourquoi l’envie de me mesurer avec l’ouragan de la foule,
de courir en hurlant se mêle-t-elle dans l’affaire
juste au moment où mon pied glisse sur la marche
et pourquoi pas
quand je regarde en colère dans mon fauteuil moelleux
les canons à eau déployés en plein hiver
pour repousser des migrants
qui tentent de traverser la frontière ?
Je fais semblant comme si ces heures n’existaient pas
comme si tu n’étais pas
mon abri,
mon refuge,
            mon sauveur
juste au moment où mon pied touche le sol.
Ma mémoire devient l’attrape-guêpe.
Partout le brouillard. 


Ce que Orphée contemporain disait lorsqu’il réparait sa lyre cassée

Recours au poème (6/11/2022)

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