Aucune théorie sur le déplacement – ( RC )

Là, tout est au beau fixe.
Quelques nuages volages
sont à leur place.
Personne n’imaginerait
à part l’ingénu Magritte,
que les rochers se détachent
et s’envolent, oublieux de leur masse
avant de retomber au petit bonheur
pour la plus grande joie des autochtones,
voyant pleuvoir les menhirs.
C’est une image peu réaliste,
….je le concède,
qui pèse très peu
comparée à ces tonnes
qui ont été déplacées …
mais comment expliquer
que des pierres usées
par des millénaires de marées,
se retrouvent en équilibre
sur ces rochers dentelés ?
L’océan, dans sa grande générosité
aurait-il, inversé le cours des choses,
glissé ses bras sous les écueils,
bousculé les centres de gravité,
ignoré les lois de la physique,
pour leur rendre une légèreté
« métaphysique «
comme ces nuages que l’on voit passer
lors de ces après-midi d’été,
où règne calme et volupté ?
Je n’ai là-dessus aucune théorie,
pas interrogé le sable sage
sous le soleil de juillet,
de toute façon,
il ne m’aurait pas répondu :
je me suis contenté de chercher l’ombrage
sous les blocs de granite
dont la longue vie
contient plus de secrets et de chansons
que je n’en pourrais inventer…
Lou Andreas Salomé – vie énigmatique
photo Pentti Sammallahti
Certes, comme on aime un ami
Je t’aime, vie énigmatique –
Que tu m’aies fait exulter ou pleurer,
Que tu m’aies apporté bonheur ou souffrance.
Je t’aime avec toute ta cruauté,
Et si tu dois m’anéantir,
Je m’arracherai de tes bras
Comme on s’arrache au sein d’un ami.
De toutes mes forces je t’étreins!
Que tes flammes me dévorent,
Dans le feu du combat permets-moi
De sonder plus loin ton mystère.
Être, penser durant des millénaires!
Enserre-moi dans tes deux bras :
Si tu n’as plus de bonheur à m’offrir –
Eh bien – il te reste tes tourments.
Les pierres du Mont Lozère – ( RC )
photo perso 2005 : Mont Lozère et « clapas »
On a semé sur le mont Lozère,
quantité de pierres,
de gros calibre,
parfois en équilibre .
Elles sommeillent,
la face contre le ciel,
portent le monde à l’envers,
le nez en l’air…
Elles se disputent souvent
avec l’âpre vent,
la tempête et le froid
où les arbres peinent à tenir droit.
Entens-tu leur chanson
qui accompagne les saisons ?
Sur leur peau douce
ne s’aggrippent pas les mousses
Ne crains pas leur fuite :
ce sont des masses de granite,
lentement accumulées
qui ne risquent pas de s’envoler.
Ce sont des sentinelles
dépourvues d’ailes ,
qui veillent sur la plaine,
et le décor de la scène ,
où les millénaires peuvent s’écouler:
leur muette consistance
parle de leur patience :
ce n’est pas demain qu’elles vont s’écrouler…
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RC – avr 2017
Semis de pierres à Carnac – ( RC )
A Carnac, on a planté des petites pierres,
pour retenir les rayons de lune.
– C’était au début, quand elle a commencé
sa course autour de la terre. –
Maintenant les pierres ont bien grandi,
ce sont des témoins,
Ils se sont redressés, au fil du temps,
Communiquent avec le soleil et le vent :
Ils racontent, muets, en grandes files, alignés,
beaucoup de choses, sur ce qu’on ne connaît pas.
Pour notre portée d’hommes modernes,
C’est comme un langage des signes, venu de l’en-deçà…
La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre,
Et grandissent encore un petit peu, imperceptiblement,
Le dialogue se perpétue avec le sol,
Et le rayonnement des astres .
Avec leur station debout, on peut leur attribuer
un caractère, comme si une présence humaine était enfermée dedans.
Il se pourrait qu’elles se soient rassemblées d’elles-même,
en vue d’une cérémonie à venir.
D’autres le font de manière étrangement proche, dans des pays différents,
Où déjà la distance fait qu’on se demande comment elles font.
Peut-être que la roche en marche aurait les instincts d’une commune famille…
c’est difficile à dire, et personne n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.
Vu leur silence apparent, juste couronné de vent,
il faut laisser parler les légendes ; c’est un peu leur chanson.
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RC – juillet 2015