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Articles tagués “misère

Lucie Taïeb – rêve de vertu ( extrait )


Le sol tremble vaguement et les pavés se disjoignent, mais c’est ailleurs et elle ne peut pas savoir. Qui serait avec elle dans la chambre où elle repose verrait son visage s’assombrir. Il n’y a personne. Seulement les pavés qui se disjoignent et laissent deviner quelque chose de noir et de granuleux, du goudron, de la terre peut-être. Elle s’est agenouillée, elle regarde le sol de très près, un long moment, absorbée, faisant abstraction de tout le reste, un peu plus et elle collerait l’oreille contre les pavés pour savoir d’où vient le galop, quelque chose a tremblé, s’est ébranlé, elle a ressenti la secousse, l’image du rêve pourrait se briser comme une vitre, laisser s’engouffrer un grand souffle vide, mais au lieu de cela, lorsqu’elle relève la tête, ce qu’elle aperçoit, à l’horizon, ce sont des hommes. Principalement des hommes, mais aussi des femmes et quelques enfants.

Ils ont surgi des profondeurs de la terre, des tunnels et des souterrains, de tous les lieux de misère et d’ombre où ils avaient trouvé refuge….

extrait de « Capitaine Vertu « 


Pier Paolo Pasolini – Sans manteau , dans l’odeur de jasmin –


Pasolini- Accattone (1961) –
Sans manteau, dans l’odeur de jasmin 
je me perds dans ma promenade vespérale, 
respirant — avide et prostré, jusqu’à

ne plus exister, à être fièvre dans l’air,
la pluie qui germe et le ciel bleu
qui plombe aride sur les chaussées, signaux,

chantiers, troupeaux de gratte-ciel, amas 
de déblais et d’usines, pénétrés 
d’obscurité et de misère...

Je marche sur une sordide boue durcie, et je rase 
des taudis récents et délabrés, à la lisière 
de chauds terrains herbeux... Souvent l’expérience

répand autour d’elle plus de gaieté, plus de vie, 
que l’innocence; mais ce vent muet 
remonte de la région ensoleillée

de l’innocence…L’odeur précoce et fragile 
de printemps qu’il répand, dissout 
toute défense dans ce coeur que j’ai racheté

par la seule clarté : je reconnais d’anciens désirs, 
délires, tendresses éperdues, 
dans ce monde agité de feuilles.

                 *

Poésie

1943-1970

nrf Gallimard

.

Pasolini – Accatonne –


Aveugles portes – (Susanne Derève) –


Anto Carte – L’orgue de Barbarie (détail)

 

 

Si les portes sont closes je m’arrimerai

aux fenêtres avant que leur regard 

ne se referme sur la nuit .

 

Aveugles portes :

je déroberai au carreau

ce qu’elles me doivent de lumière,

 

– le jaune halo des lampes,

  le bruissement des voix

  et le cliquetis des couverts,

 

  les assiettes fumantes

  sur les toiles cirées, un clair babil

  d’enfant –

 

de ces lointains bonheurs  

dont j’égrène les ombres                               

et que j’abandonne au pavé ,   

 

à sa litanie de misère,

à sa fortune vagabonde.

 


Marie Huot – dans l’agenda de Marie ( 2 février )


extrait de « la maison de Géromino « 

peinture – » marins d’eau douce » : Jean-Pierre Lorand

Dans l’agenda de Marie 2 février

J’ai 27 ans aujourd’hui. Je sais que je recevrai de mon homme une petite carte dans les jours qui viennent.
C’est si compliqué pour lui de connaître le temps du voyage.
Une carte fleurie pleine de pensées délicates qui aura traversé les orages en mer,. les ports inconnus.
J’ai glissé ce matin un brin de mimosa frais dans une enveloppe pour lui, pour que nos fleurs se croisent et se répondent en haute mer.
Drôles de gestes en ces jours terribles de bombardements et de misère.
Un prince avec de la menthe dans ses poches
et un bassin aux nénuphars
pour s’y tenir au bord et glisser leur nez dans son cou
c’est ce quelles voulaient les petites fillettes


Puis le temps est passé
elles sont allées sur le port
faire claquer les talons de leurs souliers
acheter du muguet à des revendeurs à la sauvette
Elles ont passé des heures à lire les noms des bateaux
à écouter les mâts se balancer dans le vent
et petit à petit sans quelles s’en rendent compte
la mer les a prises
leur a jeté un marin dans les bras
avec son costume à boutons dorés
son pompon rouge son sourire
et elles n’ont plus pensé à rien d’autre
qu’aux éternels départs et retours
et les bateaux inlassablement ont rayé chacune de leurs nuits


Frédéric Clément – la légende


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monument aux morts de Bergues (59)

 

 

C’est un mas solitaire au fond d’un val oublié

Sur un chemin de pierre qui court au long des pans de rochers

On dit que des rivières essaient encore de chanter

Dessous les tapis de lierre. On dit : « Le temps a dû s’arrêter

Un jour de misère

Que tonnaient, tonnaient, tonnaient les canons de guerre »

On dit

Qu’à l’ombre un peu légère que fait encore un laurier

Au creux d’un lit de bruyère, une fille alla s’allonger

On dit que vint l’hiver sans qu’elle ait pu détourner

Les yeux du chemin de pierre que de la neige allait effacer

On dit d’elle encore

Qu’aux nuits de pleine lune elle s’en revient des morts

Saluez les ailes élimées du vent qui se mêle à nos champs

 

Sally est revenue chez les vivants souffler la chandelle aux amants

Saluez les ailes élimées du vent mais fermez l’oreille à son chant

Sally est revenue, Sally est le vent qui tourne et tourne et tourne et…

 

On dit qu’un célibataire natif du bourg d’à côté

S’en vient les nuits de lumière dans le bel habit d’un officier

Le nez levé en l’air, la main posée sur l’épée

Qu’avait dû porter son père, ou bien le père de son père, qui sait ?

Au temps de misère

Où tonnaient, tonnaient, tonnaient les canons de guerre

On dit

Qu’à l’ombre un peu légère que fait encore le laurier

On en vit deux cents naguère… Mais l’amour n’est plus ce qu’il était

Moi qui n’ai, pauvre erre, pas plus d’épi que d’épée

Je vais au mas des mystères dès que mon cœur est triste à pleurer

Et je sais alors

Qu’aux nuits de pleine lune elle s’en revient des morts

Saluez les ailes élimées du vent qui se mêle à nos champs

 

Sally est revenue chez les vivants souffler la chandelle aux amants

Saluez les ailes élimées du vent mais fermez l’oreille à son chant

Sally est revenue, Sally est le vent qui tourne et tourne et tourne et…

 

C’est un mas solitaire au fond d’un val oublié

Sur un chemin de pierre qui court au long des pans de rochers

On dit que des rivières essaient encore de chanter

Dessous les tapis de lierre.

On dit :

« Le temps a dû s’arrêter… »


F-R de Chateaubriand – les chasseurs ( de Atala )


 

 

Résultat de recherche d'images pour "feu de camp scout"

 

Les chasseurs (fragment)

Chaque soir nous allumions un grand feu et nous bâtissions la hutte du voyage,
avec une écorce élevée sur quatre piquets. Si j’avais tué une dinde sauvage, un ramier,
un faisan des bois, nous le suspendions devant le chêne embrasé, au bout d’une gaule
plantée en terre, et nous abandonnions au vent le soin de tourner la proie du chasseur.
Nous mangions des mousses appelées tripes de roche, des écorces sucrées de bouleau,
et des pommes de mai, qui ont le goût de la pêche et de la framboise.

Le noyer noir, l’érable,le sumac, fournissaient le vin à notre table.
Quelquefois j’allais chercher parmi les roseaux une plante,
dont la fleur allongée en cornet contenait un verre de la plus pure rosée.
Nous bénissions la Providence ou sur la faible tige d’une fleur avait placé cette source limpide au milieu des marais corrompus, comme elle a mis l’espérance au fond des cœurs ulcérés par le chagrin comme elle a fait jaillir la vertu du sein des misères de la vie.

François-René de CHATEAUBRIAND
« Atala »


Valérie Rouzeau – Quand je me deux


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Mécanicienne en bleu parmi les digitales
Je ferai ça plus tard pas comédienne
Pas maîtresse pas danseuse même étoile
Pas voyageuse-représentante-glacière ou femme fatale
Boulangère pâtissière couturière roturière
Serveuse borne notairesse cuisinière frigidaire
Infirmière laverie lingère même si légère
Pas comme comme commerçante pas femme savante
misère

 

 

Valérie Rouzeau Quand je me deux,                    Le Temps qu’il fait. 2009


La nuit a juste oublié la lumière – ( RC )


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Tu ignores tout de la nuit .
Elle a juste oublié  la lumière,
Les belles saisons  s’enfuient

Sous des manteaux  de poussière,
Qui s’étendent  en rideaux,
De latérite

Sur les  routes d’Afrique    :
Ces fils tendus entre des pays,
Dont beaucoup mordent la misère,
A pleines dents .

Car la nuit  s’étale en plein jour,
La population ne connait d’amants,
Que les dieux  de l’enfer .

Ce sont eux  que l’on prie :
On dirait que le passé d’esclavage,
N’a pas suffi,

Toujours on se décide,
Pour le choix  du fer,
Le goût du sang ,
Et ses ravages.

Ce ne sont pas les luttes fratricides,
Qui résoudront les  choses :
Les groupes  de fanatiques,

En répandant la terreur  ,
Augmentent encore la dose,
Avec le rideau de la nuit .

Malgré la chaleur,
Le soleil reste  extérieur
Bien loin  de la terre ,
Et des démons de la guerre  .

RC – mai 2015


Jean Sénac- les belles apparences


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Le cœur à l’étroit
mes amis sommeillent
ils ont froid et les abeilles
feront un miel amer

Mon pays sourit aux touristes
Alger la Blanche dort en paix
vont et viennent les cars de police
la lèpre au cœur est bien gardée

Qui donc ira dénoncer
la grande amertume des ruches
le corps à l’étroit
les pauvres trichent avec le froid

Belle peau de douce orange
et ces dents de matin frais
la misère donne le change
ne vous fiez pas à tant de beauté
Ici on meurt en silence
sans trace au soleil épais
mais demain le soleil amer
qui voudra le goûter

Sous les jasmins le mur chante
la mosquée est calme et blanche
ô flâneur des longs dimanches
il y a grande merci

À la surface de la nuit
tas d’ordures sac et pluie

 

In Œuvres poétiques,  Actes Sud, 1999


Jean Pérol – cimetières


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De l’autre moitié du siècle je viens
dont le temps gris oublie déjà
tout ce qu’en fut l’âpre misère

et de nouveau le monde fait
devant tes pas fermer tes mots
retour à ceux un jour vaincus

oh très subtils les dédales
du grand jeu froid des capitales
retour à ceux qui sont jugés

sort sans pardon des bouches closes
tout juste dignes de se taire
qui pour toujours n’auront plus droit

qu’au grand oubli des cimetières.


Marina Tsvetaieva – mon autographe dans la figure


texte extrait   des  « écrits de Vanves »

 

photographe non identifié

                           photographe non identifié

Partis nulle part, ni toi ni moi

Perdues pour nous toutes les plages.

Propriétaires d’un sou, été brûlant,

Pas dans nos prix les océans,

De la misère – goût toujours sec,            

Tourne la croûte sèche dans la bouche,            

Plat – bord de l’eau, mangé l’été !            

Espace de pauvres, poches retournées.

Anthropophages de Paris

Replets, joufflus, panse luisante

Vous tous, mangeurs de poésie,

Ripailles de graisse, un franc l’entrée

Et pour la bouche, lotions-poèmes,            

Refrains, sonates et versets,            

Voûtes célestes, fronts étoiles.            

Eau de toilette – le chant aux lèvres.  

Mangé l’été, Paris !          Plages sèches !

Pour vous – soyez maudits

Pour vous la honte ! Recevez

Mon autographe dans la figure :

De mes cinq sens – cinq doigts signant,

Meilleurs souvenirs, bons sentiments.

 

 

(Paris- La Favière 1932-1935.)


Passer par le mur de l’eau ( les migrants ) – ( RC )


photo: naufragés maliens sur les côtes italiennes. Provenance Maliactu.net

C’est sec, épineux, et ici on mange des pierres .

On survit comme on peut .

Et puis ceux qui ne peuvent pas,

Mangent leur désespoir.

Ils se décident alors, à franchir le mur.

Un mur différent des autres.

Pas de béton, ni de barbelés.

Il s’étend à l’horizontale,         liquide.

Tes frères ont embarqué

Dans des bateaux si lourdement chargés,

Qu’ils penchent de leur poids de misère .

La mer, puisque c’est elle,

Se termine dans les esprits, quelque part,

                     Bien au-delà de l’horizon ,

Par des pays que l’on dit riches .

C’est              ce que dit la télévision,

Le rêve est à portée de mer.

On ne sait ce qui est vrai,

( Ceux qui sont partis ne sont pas revenus ) ,

               Le rêve entretient l’illusion,

Nombreux sont les candidats,

Ils ont misé leur vie pour un voyage

        qui n’a rien d’une croisière :

Ils ont chèrement payé les passeurs

Comme en jouant à la roulette :

Faire confiance au destin,      aveugle

Sans savoir où il mène.

Les dés jetés sur le tapis bleu  :

Avec la question

          « Coulera, coulera pas ?  »

Cela ne dépend plus de toi

Le mur d’eau        reste à franchir :

C’est un espace sauvage,

Avec tous ses dangers

         La progression est lente ;

                        Elle n’en finit pas

On dit qu’il y eut de nombreux naufrages,

On dit,    (  car les morts ne parlent pas  ) ,

Mais les cris, avec le gémissement du vent,

Ou les vagues hostiles,

Qui se lancent avec fracas

Contre la frêle coque  .

           Si tu vois un jour les îles,

         Des pays étrangers,

Tu auras eu la chance, beaucoup de chance,

         – remercie les dieux –

         De voir de tes yeux

          Cette carte postale   ! –

Que tu pourrais envoyer,

     – Si tu survis,-

Une fois arrivé  ,

A ceux de ton pays natal.

Maintenant, il te faut plonger,

Nager,           nager  jusqu’à épuisement

Car          la traversée ne comprend

pas de canots pour les naufragés.

Après cette épreuve redoutable,

          Migrant, si ton corps

T’as permis d’arriver à bon port,

Te voilà sur le sable .

           Mendiant de la vie

Avec une dizaine de rescapés.

Ils ont eu comme toi la chance,

Que le hasard leur ait souri,

Touristes malgré eux, arrivés

Dans un club de vacances .

        D’autres se sont échoués,

Dans la nuit, dans ce havre.

        Mais ils sont immobiles,

Sur la plage lisse.

Ce sont des cadavres,

Que vient compter la police.

Au concert des nations,

      Le mur de la mer,

Est aussi une frontière ,

D’où suinte la misère,

Celle des pays en guerre.

Un mur des lamentations .

RC –  juin 2015

Au sujet des touristes  « malgré  eux »…on pourra  se reporter  au film de Costa-Gavras,  « Eden à l’Ouest »

ainsi  qu’à cet article tout récent relatant la juxtaposition des « vrais » touristes, aux migrants, sur l’île de Kos  ( Grèce )


Un chaos au plus près – ( RC )


 

–                image d’actualité ( Congo) site dw.de

 

Si c’est un homme,

Alors, laisse le marcher,

Et garder tête haute,

Sous le soleil,

De son pays,

Sans pour autant,

Lui faire respirer

La haine et l’envie.

Les lumières artificielles,

Des écrans et néons ;

Une civilisation,

Où des hommes de néant,

Commercent le droit de vivre,

Si seulement trouver à se nourrir,

Au delà de la poussière

D’un soleil retiré, reste possible.

Au lendemain de l’émeute,

Les boîtes de médicaments,

Vidées, – concentrés de richesse ,

Les pharmacies pillées

Et eux, avalés comme des bonbons,

Les dollars eux-même,

Ne sont pas plus comestibles…

Que le sourire du bourreau.

Avec ceux qui n’ont rien,

Et n’auront jamais rien,

Que la faim au ventre,

Générant des hordes,

D’ enfants soldats,

Le pays cerné

Par sa propre misère.

A défaut d’avenir.

( en rapport avec « white material », film de Claire Denis )

RC – août 2014


Alejandra Pizarnik – nuit


peinture:Edw  Munch  fille  à la fenêtre 1893

peinture:            Edw Munch fille à la fenêtre 1893

 

 

 

NUIT

Je sais peu de choses de la nuit

mais la nuit semble me connaître,
et même plus , m’aide comme je le voulais,
l’existence me couvrant avec ses étoiles.

Peut-être que la vie est la nuit et le soleil , la mort.

Peut-être la nuit n’est rien

On peut tout supposer
et les êtres qui vivent nulle part.

Peut-être les mots sont tous là
dans le vaste vide des âges
nous rayant l’âme des souvenirs.

Mais la nuit , a savoir la misère
Qui boit notre sang versé et nos idées.
Elle doit haïr nos yeux
Les sachant pleins d’intérêts, de malentendus.

Mais il arrive que j’entends le deuil de la nuit dans mes os.
Leurs immenses délires de larmes
et des cris ,disant,que quelque chose s’en est allé pour toujours.

Sans jamais de retour.

 

LA NOCHE

Poco sé de la noche

pero la noche parece saber de mí,
y más aún, me asiste como si me quisiera,
me cubre la existencia con sus estrellas.

Tal vez la noche sea la vida y el sol la muerte.

Tal vez la noche es nada

y las conjeturas sobre ella nada
y los seres que la viven nada. Tal vez las palabras sean lo único que existe
en el enorme vacío de los siglos
que nos arañan el alma con sus recuerdos.

Pero la noche ha de conocer la miseria
que bebe de nuestra sangre y de nuestras ideas.
Ella debe arrojar odio a nuestras miradas
sabiéndolas llenas de intereses, de desencuentros.

Pero sucede que oigo a la noche llorar en mis huesos.
Su lágrima inmensa delira
y grita que algo se fue para siempre.

Alguna vez volveremos a ser.

 

 


Aveuglé par les étés – ( RC )


éruption solaire – photo Nasa

 

Le soleil est si grand,
Qu’il tendra ses bras,
Et si à midi je meurs,
Ce sera bien au chaud,
Je lui rendrai ma vie,
J’oublierai la misère,
Ses jardins desséchés,
Et les côtés sombres,
Qui tentent d’échapper,
A la coulée de lumière,
Mais le soleil est    si grand,
Que ,    de la terre rebelle,
Il ne fera s’il le veut,
–   Qu’une bouchée,   mais
Je ne serai plus là,
Pour le voir,
>     Aveuglé par les étés.

 

RC

(texte inspiré par un poème  de Béa Tristan  « le soleil » )

 


Luis Cernuda – Cimetière dans la ville


 

 

 

photo:                  H Cartier-Bresson,      1934 – Mexique

 

Derrière la grille ouverte entre les murs,

la terre noire sans arbres, sans une herbe,

les bancs de bois où vers le soir

s’assoient quelques vieillards silencieux.

Autour sont les maisons, pas loin quelques boutiques,

des rues où jouent les enfants, et les trains

passent tout près des tombes. C’est un quartier pauvre.

 

Comme des raccommodages aux façades grises,

le linge humide de pluie pend aux fenêtres.

Les inscriptions sont déjà effacées

sur les dalles aux morts d’il y a deux siècles,

sans amis pour les oublier, aux morts

clandestins. Mais quand le soleil paraît,

car le soleil brille quelques jours vers le mois de juin,

dans leur trou les vieux os le sentent, peut-être.

 

Pas une feuille, pas un oiseau. La pierre seulement. La terre.

L’enfer est-il ainsi. La douleur y est sans oubli,

dans le bruit, la misère, le froid interminable et sans espoir.

Ici n’existe pas le sommeil silencieux

de la mort, car la vie encore

poursuit son commerce sous la nuit immobile.

Quand l’ombre descend du ciel nuageux

et que la fumée des usines s’apaise

en poussière grise, du bistrot sortent des voix,

puis un train qui passe

agite de longs échos tel un bronze en colère.

 

Ce n’est pas encore le jugement, morts anonymes.

Dormez en paix, dormez si vous le pouvez.

Peut-être Dieu lui-même vous a-t-il oubliés.

 

 

 

Tras la reja abierta entre los muros,

La tierra negra sin árboles ni hierba,

Con bancos de madera donde allá a la tarde

Se sientan silenciosos unos viejos.

En torno están las casas, cerca hay tiendas,

Calles por las que juegan niños, y los trenes

Pasan al lado de las tumbas. Es un barrio pobre.

 

Tal remiendosde las fachadas grises,

Cuelgan en las ventanas trapos húmedos de lluvia.

Borradas están ya las inscripciones

De las losas con muertos de dos siglos,

Sin amigos que les olviden, muertos

Clandestinos. Mas cuando el sol despierta,

Porque el sol brilla algunos dias hacia junio,

En lo hondo algo deben sentir los huesos viejos.

 

Ni una hoja ni un pájaro. La piedra nada más. La tierra.

Es el infierno así ? Hay dolor sin olvido,

Con ruido y miseria, frío largo y sin esperanza.

Aquí no existe el sueño silencioso

De la muerte, que todavia la vida

Se agita entre estas tumbas, como una prostituta

Prosigue su negocio bajo la noche inmóvil.

 

Cuando la sombra cae desde el cielo nublado

Y del humo de las fábricas se aquieta,

En polvo gris, vienen de la taberna voces,

Y luego un tren que pasa

Agita largos ecos como un bronce iracundo.

 

No es el juicio aún, muertos anónimos.

Sosegaos, dormid ; dormid si es que podéis.

Acaso Dios también se olvida de vosotros.

 

Luis Cernuda, La Réalité et le Désir (La Realidad y el Deseo)

 


Aron Kibedi – beauté nue vérité nue ( d’être mot )


 

montage et photos RC

 

 

 

 

 

beauté nue vérité nue pauvreté image des excès rebelles opiniâtres

corps faux-semblant faux-semblant de l’esprit de l’existence images

hypostases du nom précis de falsification des images débauche

monotones des manuels utiles et des pronoms  il est question de noms

prénoms dans l’ordre la harpe de David le coursier du grand Alexandre

les soldats de la liberté devant le peloton d’exécution

le domestique déchiffre une lettre la cornue détrousse l’énigme

le copiste a pour vie le silence  la figure est belle mais plus encore

l’infigurable pourvoit les jours sous le nom dissimule la beauté sa misère

 


Mohammed Fatha – Je m’en vais la tête haute


Je m’en vais la tête haute
Absorber la misère
Moi l’ami des exilés
Mes dessins animés
Pour maintes évasions
Millénaires
Les regards assassinés
La veille des morts

A toi l’honneur
Monsieur l’Ermite

Dépuceler la sagesse
Les pistes dépeuplées
Nos vierges se complaisent
Dans les couleurs nocturnes
Nos sentiers n’ont jamais été
Impasses
Jamais indiscrets
De minables camarades
Les caravanes anonymes
Les poisons qui se crispent
En dehors des malaises
A long terme l’Exil
Tant de cimetières
Déjà au feu des croisades

AILLEURS

Offre-moi des strapontins
Je suis l’Exil
Et j’ai honte
Car j’ai vécu
Le désarroi des douars
L’enterrement des mille et une nuits
La chasse aux kasbahs
A plat-ventre

Dans mon pays
Il y a des régions oubliées
Dans les bas-fonds des mémoires
Ecartelés sans musique
Sans lecture
Des coupoles de thé
Vert. Non des fraîcheurs
Comme a dit l’Autre

Toute la ville a souffert
De lagunes par toi
Et les miettes à fond noir
Les tombeaux tuberculeux
A même le sol. Hélas
Le ciel pour une fois
S’est effondré dans ma coupe
Je suis sec
Car c’est moi ce prisonnier
Des fantômes à venir
Et non cet homme nu
Là-bas
Qui se cramponne à la foudre
Qui ne sait que pleuvoir
Sur la mer
Une pluie mordue de châtaignes
Et de figues sèches
Moi l’ami des Exilés
Millénaires
Parmi tous ces regards
Assassinés
La veille des morts
J’ai maintes fois dépassé
Les abreuvoirs à tortures
Et je viens vous offrir
Maintenant
Mon cadavre
Non ma pitié
Jamais inerte
Une charogne dérobée
A l’heure sacrilège
Voici les vautours.

 


Raôul Duguay – La mer à boire


peinture: Piet Mondrian

La mer à boire

 

 

J’étais l’enfant d’un siècle fou

 

J’avais la tête pleine d’oiseaux

Je construisais de beaux châteaux

Je vidais la mer dans un trou

La mer était belle à mourir

J’étais une fleur à cueillir

La vie était un jeu d’enfant

Je prenais vraiment tout mon temps

J’avais pour moi l’éternité

Pour vider la mer dans un trou

Je me soûlais de liberté

Et je réinventais la roue

J’étais l’enfant d’un siècle chaud

 

Dans ma petite tête il faisait beau

Mes châteaux se tenaient debout

Et mon royaume était partout

Et je suis devenu un homme

Les mots sont mes plus beaux châteaux

Mais comme une image vaut mille mots

Mes beaux châteaux vont prendre l’eau

Les mots deviennent des numéros

Un plus un égale zéro

Plus on a de zéros plus on vaut

Quand on signe son nom à l’endos

Je suis l’enfant d’un siècle de fous

Les riches creusent aux pauvres un trou noir

Donnez-moi donc un peu à boire

Et tant qu’à y être : versez-moi la mer

Et je rêve encore de boire l’eau de la rivière

Quand j’étais petit je m’y baignais dans la lumière

Ah mais aujourd’hui les rivières prennent l’eau

Et je rêve encore au jour où dans les dictionnaires

On ne trouvera plus le mot guerre qui crée la misère

Et qu’enfin les mots ne prendront plus l’eau
Il reste encore quelques oiseaux

Qui ne chantent pas encore faux

Je vide la mer dans mon verre

extrait d’une chanson de l’auteur

Paroles et musique : Raôul Duguay


Laissés pour compte ( RC )


peinture:   R Magritte – pluie de personnages ( le généreux donateur)

 

 

Il pleut  des personnages, en habit de ville

Raides comme des soldats de plomb

En contre-jour de lampes d’un destin immobile

Ne traçant que vers le plus long

 

Les hommes s’étalent dans l’alcool

Et ne cessent  de revenir en arrière

A même la dure surface de béton, du sol

Tatouages bleutés de leur mémoire de chair.

 

L’humanité a la gueule  de bois,

La parole creuse, mais prolifique

…  elle nous revient  de guingois,

Au lent bal des années pathétiques.

 

Il pleut des personnages, clones de camarades

Egalité, éternité, fraternité

Et fête en marmelade

C’est ce qui fait la liberté

 

De tous les laissés pour compte

Ceux aux habits raidis

Au rendez-vous de la honte

De leur vie, le taudis

 

Au bal de la soupe  populaire

Qui n’ a , au goût de paradis

Que l’amer de l’en- terre

Cercle de misère, et des maudits.

 

 

RC      10 juin 2012

 


Françoise Ascal – 1


ZhouChen, fleur de pêcher XVIè siècle

 

 

1

Au loin la rivière roule d’obscures promesses.

Le sapin tutélaire veille,
ancêtre tenace gardant sous son aile les âmes innombrables des lapins d’autrefois, bouquet d’âmes innocentes ayant connu l’effroi sous la lame agile en ce lieu précis, misérables créatures liées aux misérables paysans, les unes et les autres aujourd’hui confondues dans l’absence, dans la radiation de tout ce ce qui fut, une fois, une unique fois présence, atomes de chair pareillement broyés sous la meule qui jamais ne crisse, jamais ne grince, terreau de misère faisant croître le sapin haut et ferme, à l’ombre duquel j’écris ce jour, traversée d’une calme joie — légère puisque sans fondement, sans raisons, sans réponses. Sans consolation.

Là -haut, le vent souffle.
Là-haut, un busard trace de grands cercles dans le bleu du ciel avant de rejoindre son poste de guet , au sommet d’un frêne.
Sous la terre et le grès rose, sous les étangs , les bouleaux, les bruyères, les anciens n’en finissent pas de se décomposer.

Le vent tourmente la peau des vivants,
attise les signes.

Au vif de l’été la plante du pied s’impatiente.

 

 

 


Léopold Sédar-Senghor – Lettre à un prisonnier


Lettre à un prisonnier

Léopold Sédar SENGHOR                                         Recueil : « Hosties noires »

Ngom ! champion de Tyâné !

C’est moi qui te salue, moi ton voisin de village et de cœur.
Je te lance mon salut blanc comme le cri blanc de l’aurore, par dessus les barbelés
De la haine et de la sottise, et je nomme par ton nom et ton honneur.
Mon salut au Tamsir Dargui Ndyâye qui se nourrit de parchemins
Qui lui font la langue subtile et les doigts plus fins et plus longs
A Samba Dyouma le poète, et sa voix est couleur de flamme, et son front porte les marques du destin
A Nyaoutt Mbodye, à Koli Ngom ton frère de nom
A tous ceux qui, à l’heure où les grands bras sont tristes comme des branches battues de soleil
Le soir, se groupent frissonnants autour du plat de l’amitié.

Je t’écris dans la solitude de ma résidence surveillée – et chère – de ma peau noire.
Heureux amis, qui ignorez les murs de glace et les appartements trop clairs qui stérilisent
Toute graine sur les masques d’ancêtres et les souvenirs mêmes de l’amour.
Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent, qui divisent les civils
Et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme
Caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude.
Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite
Et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude.
Faut-il crier plus fort ? ou m’entendez-vous, dites ?
Je ne reconnais plus les hommes blancs, mes frères
Comme ce soir au cinéma, perdus qu’ils étaient au-delà du vide fait autour de ma peau.

Je t’écris parce que mes livres sont blancs comme l’ennui, comme la misère et comme la mort.
Faites-moi place autour du poêle, que je reprenne ma place encore tiède.
Que nos mains se touchent en puisant dans le riz fumant de l’amitié
Que les vieux mots sérères de bouches en bouche passent comme une pipe amicale.
Que Dargui nous partage ses fruits succulents – foin de toute sécheresse parfumée !
Toi, sers-nous tes bons mots, énormes comme le nombril de l’Afrique prodigieuse.
Quel chanteur ce soir convoquera tous les ancêtres autour de nous
Autour de nous le troupeau pacifique des bêtes de la brousse ?
Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ?

Ngom ! réponds-moi par le courrier de la lune nouvelle.
Au détour du chemin, j’irai au devant de tes mots nus qui hésitent. C’est l’oiselet au sortir de sa cage
Tes mots si naïvement assemblés ; et les doctes en rient, et ils ne restituent le surréel
Et le lait m’en rejaillit au visage.
J’attends ta lettre à l’heure ou le matin terrasse la mort.
Je la recevrai pieusement comme l’ablution matinale, comme la rosée de l’aurore.

—————

A lire aussi de L S Senghor;   son élégie à Martin Luther-King

Paris, juin 1942


Jean Sénac – Nicolas de Staël


peinture;               Nicolas de Staêl:                    paysage marine     1955

 

 

NICOLAS DE STAËL

Vous êtes mort, je ne sais rien de la mort des hommes,
rien de la goutte d’eau qui renverse la figure et la dilue en Dieu.

Dieu lui-même qu’est-il, le néant ou la roche ?
la structure de l’ombre, le suprême reproche,
et peut-être à peine notre interrogation ?

Dieu n’est-ce pas la voix de ma mère qui tremble
quand le dernier arbre rassemble
ses fruits,
quand la misère souterraine
délie le dernier bout de laine
et tout de go nous sommes nus ?

Tout de go il fait nuit
et sur nos cœurs les gens dans la détresse
abandonnent leurs graffiti.

Vous êtes mort, Nicolas de Staël,
et je ne connais rien de la mort des hommes !

Sur la toile le rouge et le noir répercutent
l’armature des ténèbres
un lit où l’appétit funèbre
du jour
tourne, tourne à nous rompre les vertèbres !

Le soleil sur la peau des gisants se retire…
Nicolas de Staël, vous aimiez tant que cela la vie ?
tant que cela pour la briser
sans même un cri ?

Ceux qui se tuent se tuent dans le silence
comme un petit enfant qui fronce les paupières
et s’en va.

Les uns sont des oiseaux de roche,
les autres, oh nul ne les approche
dans le grand espace alarmés !

Nicolas de Staël, le jaune vous avait-il lâché ?

Un rien suffit, un rien quand la couleur s’insurge,
on dit «adieu, adieu Panurge »
et l’on remonte au premier signe écrit.

Mais dans le cœur, dans le cœur, qui connaît les dimensions de la Merci ?

JEAN SENAC

 


Jean Sénac – chardon de douleur


peinture :          Jim Hodges

Au fond de chaque amour des cancrelats sommeillent.
Sont-ce des cancrelats, mon coeur, ou des abeilles ?
Et lentement, tandis qu’en amande les yeux
S’éternisent, dans le désir, le bruit soigneux
De la noire légion dévore nos oreilles.

Rien n’y fait, nos soupirs ni nos gémissements
Ni le lin délirant dont nous vêtons nos contes,
Rien, et quand la beauté nous attache et nous ment
Les cancrelats sont là qui nous troublent et montent
Avec notre bonheur et son double, la honte.[…]

Si chanter mon amour c’est aimer ma patrie,
Je suis un combattant qui ne se renie pas.
Je porte au coeur son nom comme un bouquet d’orties,
Je partage son lit et marche de son pas.

Sur les plages l’été camoufle la misère,
Et tant d’estomacs creux que le soleil bronza
Dans la ville le soir entrelace au lierre
Le chardon de douleur, cet unique repas. […]


Destination – Afrique -exotique (RC)


Image; Th Sankara   – ( ex président du Burkina-Faso,   – assassiné)

 

Un ptit tour en Afrique ?

Des pays en devenir

Le rêve ou l’avenir,

Je vais en touristique

 

Ne parlant que de moi

Du côté bien-heureux

De ces gens chaleureux

Je vous jure, de toute bonne foi

 

Ici,           point on ne gèle

C’est déjà     un avantage

Du fait de mon grand age

D’ailleurs je vais dans les hôtels


Les quatre étoiles me vont bien

Le tapis rouge est là

Sous mes gestes las

On ne manque de rien

 

A mon service on s’précipite

Et c’est si sympathique

Ces pays , de noms exotiques

Que les gens noirs habitent

 

Surchargés de peaux d’ombres

C’est un          beau camouflage

J’avoue,                 avec l’usage

J’apprécie                le sombre

 

Au coin du           restaurant

Y en a qui tendent      la main

———-A chacun son destin …

Partout y a       des mendiants

 

Toujours prêts à profiter

Des touristes de passage

Encombrés de bagages

Au soleil de l’été  !!

 

Ils ont pourtant dla chance

D’écouter dla musique

En mouvements diaboliques

Favorisant la danse !

 

Ici c’est l’beau temps

Et pas b’soin d’parapluie

La pluie, çà, c’est d’un ennui !

Qui fait fuir les gens…

 

—J’ai entendu aux infos

Que l’on parlait de guerre

De faim et de misère

Mais tout cela est faux

 

Ou , c’est un peu  plus au nord

Y a toujours des gens

Qui sont jamais contents

Et qui comptent les morts

 

De défilés en parades

Y a eu d’l’animation

Des soldats en mission

Qui montaient la garde

 

Au bout de l’avenue

Et ils jouaient les durs

Mais avaient de l’allure

Avec leur belle tenue

 

La casquette à visière

Des gradés arrogants

Avec leurs gants blancs

– ce qu’ils étaient  fiers ! –

 

Enfin ici, c’est cool

D’abord je m’en balance

Je suis là, en vacances

J’ai même  joué aux  boules

 

Avec le cuisinier

Il était très aimable

Sur la plage, sur le sable

Et sous les palmiers

 

Puis  sieste en transat

Le cocktail en main

Cà vaut pas le vin

A l’abri des nattes

 

Il fait très chaud ici

Mais sans faire de frime

Y a aussi la clim’

Qui fonctionne  aussi

 

J’aurais pu aller ailleurs

Mais quelle importance

Pour  être en vacances

—–Y a toujours meilleur

 

Le décor  original

Pour un court séjour

Vaut ce petit tour

Bamako,, et Dakar, au Sénégal

 

Vivant à l’occidental

Le quartier d’la plage

Est un gros village

Faut qu’j’envoie mes cartes postales.

 

 

pour souligner un certain contraste entre mon texte  « touristique », au second degré,

et certains ressentis poétiques  concernant le même pays,

ou l’actualité de certains pays d’Afrique: récemment la Côte d’Ivoire,  aujourd’hui le Mali..,  rendez-vous  sur cette page de la poésie-actuelle…  qui  a pour mot clef,justement,  Bamako…

 


Mahatma Gandhi- enfer et paradis


 

 

 

Un jour un saint’ homme eut une conversation avec le bon Dieu et Lui posa une question :
« Seigneur j’aimerais bien savoir comment sont le Paradis et l’Enfer »
Dieu conduit le saint’ homme vers deux portes.
Il en ouvrit une et lui permit de regarder à l’intérieur.
Il y avait une très grande table ronde.
Au milieu de la table il y avait un très grand récipient contenant
de la nourriture au parfum délicieux.
Le saint’ homme en eut l’eau à la bouche
Les personnes assises autour de la table étaient maigres, avaient une mine livide et malade.
Toutes avaient un air affamé.
Ils avaient une cuillère avec un manche très très long, attachée à leur bras.
Tous pouvaient atteindre l’assiette de nourriture et en recueillir un peu, mais
comme le manche de la cuillère était plus long que leur bras,
ils ne pouvaient approcher la nourriture de leur bouche.
Le saint’ homme trembla à la vue de leur misère et de leur souffrance.Dieu lui dit: « tu viens de voir l’Enfer »
Dieu et l’homme se dirigèrent vers l’autre porte.

Dieu l’ouvrit

La scène que l’homme vit était identique à la précédente.
Il y avait la grande table ronde, le récipient qui lui faisait venir l’eau à la bouche.
Les personnes autour de la table avaient eux aussi des cuillères avec de longs manches.
Cette fois, par contre, ils étaient bien nourris, heureux et papotaient entre eux en souriant.
Le saint’homme dit à Dieu : « Je ne comprends pas »
« C’est simple » répondit Dieu. Ceux-ci ont appris que le manche trop long de la cuillère ne leur permettait pas de se nourrir eux-mêmes mais permettait de nourrir leur voisin. Ils ont ainsi appris à se nourrir les uns les autres !
Ceux de l’autre table, au contraire, ne pensaient qu’à eux-mêmes…. L’Enfer et le Paradis sont égaux dans la structure… la différence nous la portons en nous !!!!
Je me permets d’ajouter :

« Sur la terre il y a suffisamment de choses pour satisfaire les besoins de tous mais pas la goinfrerie de quelques-uns »
Nos pensées, pour le peu qu’elles puissent être bonnes, sont des perles fausses tant qu’elles ne sont pas traduites en actions.
Il en va de même pour les changements que tu voudrais voir dans le monde ».
Mahatma Gandhi.


Lionel Bourg – Montagne noire


peinture : Edouard Vuillard

« Je suis né sur un sol charbonneux.

Tout était noir dans la région minière.

Les murs, la boue dans les squares, les arbres et les façades des immeubles, les eaux grumeleuses des rivières comme les fumées que crachaient les usines, l’humeur maussade des hommes rentrant chez eux le soir, la colère des femmes, les joies fiévreuses, la misère. Je poussais là discrètement.

Me promenais dans les décharges et parmi les remblais, croyant la chérir, cette terre, incapable d’envisager pourquoi de brusques répulsions se saisissaient de moi, qui m’accablaient ou me serraient la gorge.

J’errais sans but. […] »


Lionel Bourg, extrait de Montagne noire, Le Temps qu’il fait (coll. Lettres du Cabardès), 2004

texte  qui pourrait  s’associer  à un autre  du même auteur:

Vivre alors
mais vivre un peu plus loin
si ce n’est davantage vivre
entre peur et merveille
les yeux rivés
à la berge nuptiale une
main caressant les cheveux emmêlés
de son unique rêve

extrait  de  L’immensité restreinte où je vais en piétinant, Éd. La Passe du Vent, 2009

 

 

en connaître davantage  sur Lionel Bourg  ?,   c’est  avec lieux dits..

 

–.