A qui l’on prête son âme … – ( RC )
Il a prêté son âme à son corps,
et d’une masse inerte,
a favorisé son essor..
De la fraîcheur de la courbe des jambes
à celle de la poitrine,
il n’y a qu’un cercle qui les rejoint,
presque clos.
Il a enfoncé ses doigts
dans la lumière,
et la tension des muscles,
dociles comme le sont
ses épaules et sa cambrure.
Il appuie sur la bouche,
et la modèle avec une spatule,
et la voila qui sourit
de son visage de glaise !
Il faudra bien la lester
d’un lourd socle aux pieds,
pour qu’elle reste à sa place.
Elle ne s’en plaindra pas .
Le peintre et son modèle – (Susanne Derève)

Éva Gonzalès – Le chignon
Ces roses compassées, les desseins de la chair
le matin qui pâlit aux entrées de l’hiver
Ce long sommeil sous votre peau
et cette nuit les oripeaux
que j’abandonne pour vous plaire
Ce plaisir près de la souffrance
et cet aiguillon de l’absence
Je vous espère
Ne laissez pas le jour effacer la pénombre
quand je vous rejoindrai
les parfums amassés adouciront les ombres
Je vous devinerai rien qu’avant de vous voir
abandonnée,
comme l’opale réfracte la lumière du soir
Serez-vous, alanguie,
et prendrez-vous la pose
Je suis le peintre au chevalet
Je suis celui qui ose
vous croquer dans le noir
Cette clarté laiteuse
de votre hanche entre les draps
le doux éclat de votre bas
jeté négligemment à terre
Ah de n’être pas Courbet
je désespère
Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )
peinture : D Velasquez
Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire
L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle
qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…
Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.
Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée
vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….
Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).
On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .
Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.
–
RC
– juill 2017
L’intérieur du galet – ( RC )
Lorsque le flot s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair, sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,
Que leur peau recouvre des entrailles, un gemme
où se cachent cavités et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces améthystes,
refermées sur leur carapace.
Une circulation mystérieuse,
un secret, un « être abstrait ».
Doué d’autonomie, clos sur lui-même,
comme de ces cloportes, et leur armure.
Mais le galet, ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse et ronde, portée sur l’extérieur,
N’est qu’un intérieur qui s’expose.
Un pur contenu, sans contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et de pierres
Enfanté d’autres roches, dévalées de l’amont,
vers de liquides couloirs .
Des nuits épaisses, habitées de truites
ablettes et gardons, aux furtifs passages.
Les herbes ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit son poids de matière .
J’ai cherché au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi reconstituer une paire.
Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes cristaux, et encore moins,
– Le grain de ta peau.
–
RC – nov 2014
Dessein de modèle ( RC )
Quelques petites feuilles, je dois bien en avoir
Y a pas à chercher très loin….. je crois savoir
Que le ramage- vieil hibou – rime avec plumage
Que déjà mes mains t’entourent —- en douce cage
Aussi, si le mistral, en chantant sa chanson
t’a effeuillée , ce n’est pas grave , – revoilà les bourgeons
Que je peux faire en peinture suggérer, plante arrosée
D’aquarelle, couleurs rafraîchies, couperosée
Magicienne aux chouettes, cigognes et autres oiseaux
Voila une autre création, qui sort de mon chapeau
Contre moi, viendras te blottir, si tu frissonnes
A ma chaleur, —- ce n’est que début d’automne…
A te faire sortir des pages, tes textes
Sans frisson aucun dans un autre contexte
Allongée, déhanchée, toute la courbe de tes seins
Fleurira l’abricotier de vie; je te créerai en dessins.
RC – Avril 2012
Ame dessinatrice ( RC)
–
Elle sort ses crayons, et en un tournemain
M’a pris pour modèle, moi, son corps, sa chose…
Et me voila figé, en une éternelle pose,
à la course graphique de son dessin.
Comment se dessiner soi-même, vu de dos ?
C’est une question, qu’on pourrait poser, pour savoir…
Traverser son corps, sans l’aide de miroirs…
Je vais réfléchir et vous dire le vrai … ou le faux
Peut-être faut-il d’abord se toiser
Questionner son âme, pour un peu renaître
Comme, de savoir ouverte, une autre fenêtre ….
Et puis aussi, s’apprivoiser .
–
RC 17 avril 2012
–
Corps fleur, une rose (RC)
–
Si c’est une toile blanche
Qui attend en silence
Que le pinceau s’élance
Au dessin de tes hanches
Alors sur ce modèle
Corps et délits
Je le forme et le plie
Et pourrais ajouter des ailes
En appelle « l’inspiration »
Le bras, je vais le déplacer
La main, je vais l’effacer
Et puis , varier la position
–
Tes courbes opposées
Enlacées de lumière
Sans plus de frontières
Allonges , du corps reposé
Modelée de sculpture
Mon geste te compose
Corps fleur, une rose
De créature, nouvelle parure
Et c’est ainsi que tu nais
Calligraphie, déliés et pleins
Arabesques de tes seins,
Sur la page du carnet …
–