Epaisseurs de silence – ( RC )
Les archéologues ont consulté les archives du temps .
Ils ont décrypté les inscriptions sur les pierres:
un langage s’était perdu, et les intentions du scribe
nous paraissent bien obscures .
Les stèles se sont tues,
au crépuscule des idoles,
Les arbres ont reconquis le terrain,
enlacé les ruines, achevé de démanteler
les palais parcourus par la moisissure,
les feux de l ‘histoire
et qui ont fini, abandonnant
la partie pour le silence.
C’est aussi sous des épaisseurs de silence
qu’on retrouve sous la tourbe ou la glace ,
ceux qui furent, et ne parlent plus
que par leurs parures du dernier sommeil,
des restes de tissu, ou plus simplement
avec leurs cendres.
Mais l’auge d’orage,
le masque de la glaise,
sous quatre coudées de terre ,
n’a pas eu raison de leur existence .
Absents, ils sont encore
près de nous.
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RC – oct 2016
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d’après Paul Celan:
(« Devenues orphelines dans l’auge d’orage »).
Devenues orphelines dans l’auge Verwaist im Gewittertrog
d’orage
les quatre coudées de terre die vier Ellen Erde.
obscurcies, les archives verschattet des himmlischen
du scribe céleste Schreibers Archiv,
enseveli, Michaël vermurt Michael,
noyé dans la vase, Gabriel, verschlickt Gabriel,
moisie dans l’éclair de pierre vergoren im Steinblitz
l’offrande sacrée. die Hebe.
Alain Grandbois – Il y avait les palais noirs…
Il y avait les palais noirs et les hautes montagnes sacrées
Il y avait ces trop belles femmes au front trop marqué de rubis
Il y avait les fleuves avant-coureurs de la fin du Monde
Il y avait la pourriture la moisissure et cette chose qui ne s’exprime pas
Il y avait ces mauvaises odeurs les excréments des êtres
Il y avait trop de dieux
(Alain Grandbois, Poèmes inédits, 1985 )
docu animé: Andantonius – lady sanguine
L’eau est morte, ce soir – ( RC )
L’eau est morte, ce soir,
Au bord de ses lèvres sales,
Le saule s’y abandonne,
Et égare son reflet,
Au milieu de remous jaunes,
Et d’un ciel
Qui semble ne jamais
S’extirper des marais.
Le profond n’est plus visible .
… Il pâtit d’incertain.
Quelques poissons,
Au ventre blanc, dérivent .
Une barque a coulé, d’immobile,
Comme sont désertés les souvenirs,
Envahis par la vase,
Et la moisissure.
Le voyage tant espéré,
N’aura jamais lieu.
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RC -mars 2014
Les vertus du nettoyage – ( RC )

installation: Jean-Pierre Reynaud
La clarté du carrelage heurte les murs.
Une lumière stridente chute en cascade des immeubles voisins.
Reflets des vitres rapprochées des bureaux d’affaires.
Intempestive, alors que les murs restent muets.
Vides,
Silencieux.
Sans ouverture.
Et développent leur moisissure.
Indifférents.
Une langue étrangère, opposée au vide .
Le carrelage blanc.
Nettoyé depuis peu.
Il y a pourtant encore des traces de sang dilué, incrustées dans les joints.
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Il n’y a plus personne ici .
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RC – mars 2014
( il m’est venu après, qu’il pouvait y avoir un rapprochement avec le texte d’Arthémisa: » les conditions d’un échappement »… — et curieusement en y retournant, j’ai vu qu’elle avait fait le choix du même artiste pour l’accompagner… )
-il y a bien entendu aussi avec l’emploi du terme « nettoyage », un rapport avec ce mot, employé dans le « nettoyage ou « purification » ethniques »…pratiqué il n’y a pas si longtemps, et considéré comme une « vertu » dans l’ex-Yougoslavie, et au Rwanda…
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