Anna Jouy – Parfois le monde me plait

photo RC – Finistère
Parfois le monde me plait. Je n’éprouve que la vibration. Ma tête bourdonne doux.
Elle a sa plage de liberté, elle pense ailleurs
Nomade, vacancière
Le sable est meilleur au soleil
Ma maison est vide, déserte
Les fantômes se baignent à la mer
Les domestiques de l’hiver
Ont fait leurs bagages
Ils ont pris des passeports de nuages
Alors la maison évidée de ses bruits,
Suit aux fenêtres les traces de la lumière
Essuyant les colliers des moucherons
Sous le son immobile d’aujourd’hui
Trop lourd, pour que je reste debout, à la surface du monde – ( RC )

gravure sur bois Lynd Ward
Le poids de ma tête est trop lourd
pour que je reste debout,
à la surface du monde.
Je le creuse avec les dents,
la face contre terre,
et il m’arrive de trouver,
quand je dévisse un membre,
mon double, sculpté dans le bois,
par ces racines revêches,
qui ont fini par absorber mon sang.
C’est ainsi que ma vue s’est brouillée,
sans doute à cause de la poussière,
qui, elle aussi encombre mon esprit.
Je ne pense qu’aux temps,
où, trop léger sans doute,
je planais à quelques mètres
au-dessus du sol.
Composé de plusieurs parties
prévues pour s’emboîter,
il a fallu les rassembler.
J’étais à la recherche de la pièce manquante,
qu’on déniche par inadvertance :
un visage à modeler,
qui, maintenant que j’y pense,
offre une certaine ressemblance
à celui qui me fait face et me regarde,
dans le dédale des racines .
Le poids de ma tête est trop lourd :
je ne peux que supposer
que trop d’années l’ont plombée :
le jour se confond avec la nuit,
et je ne peux saisir aucune de ces lueurs,
enfouies dans la terre.
Je ne peux que les imaginer…
car, si j’y voyais encore,
je verrais croître les arbres
se nourrissant de morceaux d’étoiles.
La mienne doit être quelque part,
car un jour je l’ai perdue…
Nous écoutons cette cantate (RC ) – Que le monde soit ( SD )

retable Chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol ( Dijon )
Je t’ai vue à travers la musique . Tu dansais comme dans toi-même au son de ces voix, habillées de pourpre, et qui s’élevaient jusqu’aux voûtes, donnant un peu de chaleur aux âmes qui ont froid, dans le parcours des leçons de Ténèbres, où l’on mouche les chandelles une à une, jusqu’à ce que l’obscurité pèse son poids de silence . Je t’ai vue à travers la musique , tu étais loin, mais proche pourtant , tu avais tracé mon nom sur le carreau de la vitre, et nous écoutions la même cantate, comme si je te tenais la main et, les yeux fermés, les harmonies se croisant , offraient au jour naissant , la lumière vibrant , avec l’avènement d’un monde, celui que l’on ne peut décrire ni en images ni à l’aide de mots . René C – septembre 2018 variation sur " que le monde soit ( SD ) ------- Que le monde soit… comme je le veux comme je l’ai pris enfanté au matin les yeux ouverts La lumière s’y déployait si blanche avant que la couleur l’inonde, ainsi l’orgue conduit la voix - la liturgie du jour à venir était blonde et me parlait de toi. J’ai effacé un peu de buée à la fenêtre et sur le carreau froid tracé ton nom dessiné un peut-être Le jour venait de naitre limpide et pur, oratorio vibrant une césure avant que le ciel ne bascule vers son avènement dans une orgie d’ors et de cuivres Je ne sais s’il était d’une étoffe dont on peut se vêtir comme l’aube de lin des retables ou la pourpre ardente des rois s’il fallait le poursuivre dans sa marche solaire au-delà du beffroi qui claironnait les heures et l’aurais-je cherché dans le sel ou le sable comme le vent façonne la dune instable quand il glissait vers toi en éclaireur Le monde s’offrait à moi par un matin de fin d’été et je m’en suis saisie les yeux fermés. SD
Ilarie Voronca – rien n’obscurcira la beauté du monde

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
Le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
Et les veilles auprès du mourant. Et le retour
Vide du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
Abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
Mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
Sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S’éveille et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et de la quiétude.
Joyeux, nous .marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l’espoir.
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
photo Renaud Camus
Tristan Tzara – vide matelas

Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge
qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens
Gerard Pfister – Sur un chemin sans bord (extraits)

La beauté est ce soleil couchant,
ce ciel d’hiver, rien qu’un espace blanc,
lumineux à l’horizon
de formes dérobées, cela
qui dans l’instant du plus fébrile
attachement nous sort
de l’étau, nous délivre de nous-mêmes
——
Tu croyais par les mots venir à bout du monde
mais à présent sais-tu
qu’eux-mêmes sont le monde
et que c’est peine déjà
de n’accroître l’illusion
Sur un chemin sans bord Collection Terre de Poésie
Ingeborg Bachmann – Le monde est vaste et nombreux sont les chemins –

Le monde est vaste et nombreux sont les chemins de
pays en pays,
je les ai tous connus, ainsi que les lieux-dits,
de toutes les tours j’ai vu des villes,
les êtres qui viendront et qui déjà s’en vont.
Vastes étaient les champs de soleil et de neige,
entre rails et rues, entre montagne et mer.
Et la bouche du monde était vaste et pleine de voix à
mon oreille
elle prescrivait, de nuit encore, les chants de la diversité.
D’un trait je bus le vin de cinq gobelets,
quatre vents dans leur maison changeante sèchent mes
cheveux mouillés.
Le voyage est fini,
pourtant je n’en ai fini de rien,
chaque lieu m’a pris un fragment de mon amour,
chaque lumière m’a consumé un œil,
à chaque ombre se sont déchirés mes atours.
Le voyage est fini.
À chaque lointain je suis encore enchaînée,
pourtant aucun oiseau ne m’a fait franchir les frontières
pour me sauver, aucune eau, coulant vers l’estuaire,
n’entraîne mon visage, qui regarde vers le bas,
n’entraîne mon sommeil, qui ne veut pas voyager…
Je sais le monde plus proche et silencieux.
Derrière le monde il y aura un arbre
aux feuilles de nuages
et à la cime d’azur.
Dans son écorce en ruban rouge de soleil
le vent taille notre cœur
et le rafraîchit de rosée.
Derrière le monde il y aura un arbre,
à sa cime un fruit
dans une peau en or.
Regardons de l’autre côté
quand à l’automne du temps,
dans les mains de Dieu il roulera !
Die Welt ist weit und die Wege von Land zu Land,
und der Orte sind viele, ich habe alle gekannt,
ich habe von allen Türmen Stadte gesehen,
die Menschen, die kommen werden und die schon gehen.
Weit waren die Felder von Sonne und Schnee,
zwischen Schienen und Straβen, zwischen Berg und See.
Und der Mund der Welt war weit und voll Stimmen an
meinem Ohr
und schrieb, noch des Nachts, die Gesänge der Vielfalt
vor.
Den Wein aus fünf Bechern trank ich in einem Zuge aus,
mein nasses Haar trocknen vier Winde in ihrem
wechselnden Haus.
Die Fahrt ist zu Ende,
doch ich bin mit nichts zu Ende gekommen,
jeder Ort hat ein Stück von meinem Lieben genommen,
jedes Licht hat mir ein Aug verbrannt,
in jedem Schatten zerriβ mein Gewand.
Die Fahrt ist zu Ende.
Noch bin ich mit jeder Ferne verkettet,
doch kein Vogel hat mich über die Grenzen gerettet,
kein Wasser, das in die Mündung zieht,
treibt mein Gesicht, das nach unten sieht,
treibt meinen Schlaf, der nicht wandern will…
Ich weiβ die Welt näher und still.
Hinter der Welt wird ein Baum stehen
mit Blättern aus Wolken
und einer Krone aus Blau.
In seine Rinde aus rotem Sonnenband
schneidet der Wind unser Herz
und kühlt es mit Tau.
Hinter der Welt wird ein Baum stehen,
eine Frucht in den Wipfeln,
mit einer Schale aus Gold.
Laβ uns hinübersehen,
wenn sie im Herbst der Zeit
in Gottes Hände rollt !
Toute personne qui tombe
a des ailes
Poèmes 1942-1967
Traduction de l’allemand (Autriche)
par Françoise Rétif
Nrf Poésie /Gallimard
Laurent Gaudé – Si un jour tu nais

« Si un jour tu nais,
Ne crois pas que le monde se serrera autour de toi,
Pressé de voir ton visage,
Dans une agitation de grands festins.
N’imagine pas qu’on se bousculera,
Que chacun voudra te regarder, te prendre dans ses bras, te recommander aux dieux.
On t’a parlé des cris de joie qu’on pousse à la naissance d’un enfant,
On t’a dit la liesse,
Les coups de feu tirés en l’air,
Les tambours,
La clameur des hommes qui fêtent la vie,
Oublie tout cela.
Si jamais un jour tu nais,
De joie, il n’y en aura pas.
Mais l’inquiétude sur le visage de tous,
Comme toujours, l’inquiétude
Ta venue au monde ne fera naître que cela. »
Le jour passe sa ronde – ( RC )

montage RC
Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .
Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.
Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.
C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.
Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.
Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.
Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.
( un écho au texte de S Derève « géographie du silence » )
Quelques pas de côté – ( RC )
Quelques pas de côté,
et me voilà, jonglant avec les quatre éléments.
Je m’élève sur un cheval ailé ,
sens le battement de coeur du monde
entre mes mains.
Un petit saut encore,
et je suis au milieu du firmament.
Je tire sur les fils de lumière ,
et ces ciels si changeants,
que je détourne la géométrie du temps.
Je suis parti te chercher,
et voyage encore sur des terres de hasard,
des chemins qui ne mènent nulle part,
et se retournent sur eux-mêmes ,
menaçant la voie lactée …
C’est que ton dessin m’emporte
bien plus loin que je ne pensais,
ton passage a dû s’inscrire dans les refrains
d’une chanson dont j’ignore les couplets.
A chaque pas que je fais, je m’y perds.
Je m’y perds encore.
Haïku d’un crépuscule – ( RC )

au soleil qu’engloutissent les vagues ,
sombrent des couleurs du monde ,
lourds doigts de ténèbres
Ne me dis pas que la terre est infertile – ( RC )
Ne me dis pas que la terre est infertile.
On n’en connaît que la surface,
pas la profondeur.
Il y a des graines qui attendent,
à côté des pierres.
Il y a des galeries souterraines
où l’eau s’engouffre.
Des ossements et des secrets bien enfouis.
Des racines les prolongent
et s’en nourrissent .
Ne me dis pas que la terre est infertile,
les fleurs en sont nées
comme les forêts.
Même blessée elle porte le monde.
N’oublie pas que tu marches dessus.
Gérard Titus-Carmel – cet arrière-goût de nuit
cet arrière-goût de nuit
a tant dévasté ma langue
qu’il ne m’est plus alliance avec le monde
que dans les seuls mots
ciel et lilas
des mots
dont je me frotte les lèvres
chaque fois que j’observe
les craquelures du mur
où parfois les lézards s’affolent
vers midi
Transporter une partie du monde – ( RC )
Un filet d’encre te relie à ta terre
même au fin fond des mers.
Ce dessin inscrit à même la peau,
tu ne vas pas le cacher :
Tu transportes une partie du monde:
un tatouage de Bretagne, un angelot
en haut du bras
( landes et rochers
te suivent partout où tu vas ):
c’est aussi bien qu’une mappemonde .
Pour ceux qui ne connaissent pas la géographie
tu vas leur indiquer aussi.
chaque partie du corps
qui représente une région
chère à ton coeur,
– on voit que tu as parcouru la France
et que tes errances
t’ont conduit à maints endroits
que tu peux montrer du doigt -.
C’est sans doute mieux que le prénom
du chanteur passé de mode
dont il faut qu’on s’accommode
comme un blason
ou celui de la petite amie
depuis longtemps tombé dans l’oubli,
ou encore le dessin du lion rugissant
qui t’accompagne par tous les temps.
Ta peau a connu les tempêtes
malgré les ans, les tatouages survivent:
ils ont la mémoire abusive
tout à fait tenace
que tu arbores
avec fierté et audace
sur tout ton corps
à l’exception de la tête.
Si on t’examine
de la tête aux pieds
tu pourras sortir le certificat d’origine
quand on voudra te contrôler…
Produit garanti certifié
par lieu de naissance
mis en évidence….
…peut être rapatrié
( même sans carte d’identité )
RC – mars 2020
René NELLI – Vivre dans les feuilles rondes
Vivre dans les feuilles rondes
membranes du soleil
ou voir le monde et le silence
à travers des montagnes d’ombre.
sur la place tombe encore
le vent des cascades
dans le marbre rient les membres
de la folie sous le couvert des nuits
si je bouge un nuage secoue
les chouettes étouffe les heures
et passe derrière le vent
un enfant qui se retourne souvent
pâle trébuche dans l’écho
et tout ce qui se pense
semble venir de loin.
René NELLI Poèmes
Zbigniew Herbert – Que serait le monde ?
que serait le monde
s’il n’était plein
de l’incessant va-et-vient du poète
parmi les pierres et les oiseaux ?
Dyane Léger – faire danser le cœur du monde
peinture Winslow Homer
Dis-moi, toi qui sais tenir le monde dans ta main
sans lui faire mal, sans le faire pleurer,
pourrais-tu m’expliquer, à moi qui suis
à peine capable de transplanter un rosier
sans déchirer ses racines, à moi qui peux
à peine raconter une histoire sans la déformer,
à moi qui ne peux sourire à un vieillard
et à son chien sans les faire fuir,
pourrais-tu me dire comment,
si l’on me le demandait,
comment pourrais-je arriver
à faire danser le cœur du monde
sans lui marcher sur les pieds?
le monde a deux visages (Susanne Derève)
Picasso (Femme nue au bonnet turc, détail)
Le monde a deux visages
Le monde en a-t-il deux ou trois
Des visages coupés en ces milliers de toi
De moi, de fois
En autant de profils et de faces
Qu’il n’y a de conquêtes
Ou de disgrâces …
Et je cherche la clé
De celui qui m’ira
Que je revêtirai comme un costume
D’apparat, un décor de ballet
Un habit de gala …
Le monde a des profils ingrats
Parfois l’œil des tombes
Annonce le trépas
Parfois c’est une bouche
Qui nous donne le la
Pour l’avaler ou pour le tordre
Et j’avoue que je ne sais pas
Si les dents s’y montrent
Pour mordre
Ou pour y grincer d’effroi
S’il vaudrait mieux pleurer de honte
Ou si l’on doit tendre les bras
En chantant que la terre est ronde
Je ne sais pas si mes deux mains
Pourront se rejoindre au matin
Ne me retiens pas si je tombe
Sophie G.Lucas – toute l’épaisseur de ce monde
peinture: A Sisley 1874
on n’en fait rien de
la neige
( toute l’épaisseur de
ce monde dans une fenêtre )
tout juste se demande-t-on
comment ce sera une fois
que tout aura fondu
si la vie sera la
même
et si c’est bien la neige
qui bloque les siens
dans le
silence
#
en rapport :« épaisseur d’une musique blanche «
Emily Dickinson – lettre
This is my letter to
the world
that never wrote to me.
Ceci est ma lettre
au monde
qui ne m’a jamais été écrite.
Em Dickinson
Danser hors de la surface des choses – ( RC )
photo : Aldara Ortega
Changer de monde,
et danser hors de la surface des
choses.
Trouver son souffle en soi-même,
plonger en apnée illimitée…
Le silence épais plaqué aux oreilles,
tu t’opposes à l’inertie de la matière ,
présente et que tu ne peux saisir.
Tous les gestes en sont ralentis.
La robe de mariée se défera lentement,
sur un champ où les fleurs ne
poussent pas, où il n’y a pas de vent,
et où la lumière hésite à franchir le
plafond…
–
RC – mai 2017
Dominique Sampiero – je retrouve mes larmes
peinture: Josef Sima
Je retrouve mes larmes comme mes propres enfants, le plus fragile de moi-même
ne m’effraie plus, au contraire, je me laisse envahir, et la pluie, au-dedans comme
au-dehors, lave ce que je ne sais ni de moi ni du monde, et qui me brûlait le cœur.
Dominique Sampiero
Denis Scheubel – le réveil
Sur ma tempe
Une haleine
Brûlante
Electrique
Il n’y a que le
Réveil pour ressembler
Autant à la fin du monde
Jean Guéhenno – l’orange de Noël
.
Noël, dans mon enfance, c’était le JOUR ou on me donnait une orange et c’était un grand événement
Sous la forme de cette pomme d’or, parfaite et brillante, ]e pensais tenir dans mes mains le bonheur du monde
Je regardais ma belle orange , ma mère la tirait de son papier de soie ,
tous deux, nous en admirions la grosseur, la rondeur, l’éclat ,
]e prenais dans le buffet un de ces beaux verres a pied en cristal qu’on achetait alors dans les foires Je le renversais, le mettais à droite, au bout de la cheminée, et ma mère posait dessus la belle orange
Pendant des mois, elle nous assurait par ses belles couleurs, que le bonheur et la beauté étaient de ce monde
Quelquefois, je la palpais, Je la tâtais
II m’arrivait d’insinuer qu’elle serait bientôt mûre
— Attendons encore ! répondait ma mère,
quand nous l’aurons mangée, qu’est-ce qui nous restera ! ( )
Jean GUÉHENNO « Changer la vie » (ed Grasset et Fasquelle)
Philippe Delaveau – Les monts bleus
peinture : Morgan Ralston
–
Les monts bleus et le ciel songeur.
Toi
Dont les yeux ardents sont
L’abri du ciel et des monts.
Source, frisson, tristesse, joie.
Je baiserai de ma langueur
Ta bouche.
Je vois les mots se former
Dans tes pupilles, sur tes lèvres.
Et je respire ton haleine.
Je me raccroche à la vie,
Je sais l’existence du monde
Lorsque je tiens ta main.
–
in (Le Veilleur amoureux)
Émily Dickinson – une lettre au monde
This is my letter to
the world
that never wrote to me.
Ceci est ma lettre
au monde
que personne ne m’a écrit.
Em Dickinson