Un tremblement de terre très doux – ( RC )
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On dirait un tremblement de terre très doux
qui s’accomplit au trentième dessous,
donc tu vois bien que rien ne bouge,
( même le bocal aux poissons rouges) .
Il n’y a que les mots qui se secouent
Ils s’éloignent et se rapprochent tout-à-coup
Tranquilles en apparence
Quand tu fermes les yeux, ils dansent
La nuit est arrivée – sans doute trop brève
Mettant fin au jour qui s’achève
( Tu ne t’en rappelles plus qu’une frange
Mais déjà tout se mélange ! ).
Il n’y a pas besoin de marteau piqueur,
pour que se multiplient les erreurs :
les mots rient sous cape,
les paragraphes dérapent,
Les rimes en font à leur guise,
la mosaïque se défrise ,
Tout cela ne veut plus rien dire :
( En tout cas tu n’as pas voulu l’écrire )
C’est parait-il l’inconscient qui s’exprime
Libéré de l’esprit qui l’opprime
Les mots se libèrent et s’enfuient
A la faveur de la nuit
Peut-être, après une journée torride,
Vas-tu trouver la page vide :
Tous les caractères
Auront pris la file de l’air
Voila ce que c’est de rêver…
Evanouis …. évaporés
Ou tournant en rond,
collés au plafond :
On les voit encore qui trépignent,
juste extraits de leurs lignes,
partis avant la récolte,
petites graines en révolte,
Il va falloir les aimer,
pour de nouveau les amener,
à correspondre à ce que tu penses,
et respecter leur indépendance…
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RC – juin 2016
- ce texte est une « réponse à un écrit d’Anna Jouy«
( l’expression » un tremblement de terre très doux« , vient d’une musique électro-acoustique du compositeur François Bayle )
Le terrain vague – ( RC )
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Entre les façades tristes, et mutiques
des rangées d’immeubles,
gît une zone indéfinie,
et personne ne revendique
les marges floues d’un territoire ;
ce lieu de passage, où rien ne semble certain,
comme l’oeil étrange d’un étang,
habité d’une vie secrète, à quelque distance,
sous la vase.
Les formes, même celles des plus banales,
semblent dériver à force d’abandon,
sans se heurter aux certitudes du ciment
et du goudron.
Des sentiers hésitants contournent des bosses,
évitent des flaques, où courent des nuages gris.
Je les empruntais comme des raccourcis,
ou bien avec les copains, les jours de désœuvrement.
Des bois morts sont des trophées anciens,
où s’accrochent d’anciens pneus de cycles.
Des graminées amères se disputent des tas de gravats .
Surgissent parfois des pierres taillées,
des morceaux de murs bousculés,
où se lisent encore des slogans rageurs,
et graffiti à moitié effacés .
Ce espace échappe à la géométrie,
se rebelle avec le présent, et régurgite de son ventre ,
des objets, qui y étaient enfouis,
lestés de batailles secrètes .
Des objets métalliques dont on ne saurait plus expliquer l’usage,
des tesselles de mosaïque aux couleurs vives,
et même je me souviens, du crâne d’une vache,
aux cornes envahies de mousse .
Ces voyages imprécis, aux abords de la ville,
tenaient d’un purgatoire .
D’une rumeur entre deux rives :
elle confessait la parole d’un passé, pas encore normalisé .
Les parcours capricieux, avaient quelque chose à voir ,
sans doute, avec l’adolescence.
Comme elle, quelques années suffiraient à en interdire l’accès,
à le cerner de murs, avant de le transformer,
en parking de supermarché.
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RC – janv 2015
L’improbable côtoie le réel – ( RC )
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Si la nature à l’automne,
Pousse un dernier chant de couleurs,
Une mosaïque d’ors et de bruns,
Qu’elle brasse à longueur de vents,
En couronnant la terre de ses saveurs ,
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Elle conduit peut-être –
La plume du poète,
Quand il assemble,
Ligne après ligne,
La musique de ses mots,
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Arcqueboutés, comme arc-en-ciels,
A travers une nuit qu’il invente,
Des rêves qu’il traverse,
Tissant aux fils de l’écrit,
Des images, qui se disent,
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Et s’entrelacent comme brindilles,
Et qu’on entend avec les yeux,
L’improbable cotoyant le réel,
La joie,
Le saignement du cœur,
–
Traçant son chemin,
Toujours plus loin,
Oscillant entre les saisons
Des paroles non dites,
Mais comprises par chacun .
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RC décembre 2013