Isabelle Pinçon – Celui qui était dans le lit
Un cube descend sur le lit,
le lit n’est pas un lit,
ce qu’elle a fait avant,
une multitude de lettres,
des papiers sur lesquels elle s’endort,
des lignes de fuite,
des formes géométriques,
une peinture abstraite,
des costumes, quelque chose qui occupe le regard –
tu regardes, tu regardes celui qui était dans le lit -.
Elle regarde fixement au-dessus de la porte,
elle prend une tapette sur l’étagère,
elle lève le bras, elle reste immobile quelques secondes,
le regard toujours fixé,
elle frappe d’un coup,
elle frappe fort,
la chute verticale de la mouche,
elle a envie de se donner quelques tapes sur les fesses,
elle le fait, elle s’amuse.
Isabelle Pinçon Celui qui était dans le lit
Zareh Chouchanian – Tu cherches quelqu’un dans le miroir
Je suis perdu dans un bois
Fait de pierre
De gens et de chair
Je suis ligoté dans un filet
Fait d’amour et de tendresse
Où je suis l’araignée
Et la mouche
Je pensais que je pouvais courir
Je pourrais voler
Je pensais que je pouvais mourir
Mais je ne pouvais pas
J’ai oublié qui je suis
Comment j’étais
Là où j’étais
De là où je suis
J’ai oublié de temps en temps
Maintenant, j’ attends
Que quelque chose se passe
Que quelqu’un arrrive
Pour me rappeler
Pour retrouver
Un nom
Un visage
Un endroit
Il n’y a rien
Tout est pareil
L’heure
L’espace
Juste un miroir plat.
Pour m’aider à sortir
Rien ne sera
Rien ne peut
Je ne vis pas
Je ne peux pas mourir
Je ne peux que crier
Pleurer
De plus en plus fort
Qui suis-je ?
–
LOOKING FOR SOMEONE IN THE MIRROR
I am lost in a wood
Made of stone
People and flesh
I’m tied up in a web
Made of love and tenderness
Where I am the spider
And the fly
I thought I could run
I could fly
I thought I could die
But I couldn’t
I forgot who I am
How I was
Where I was
From where I came
I forgot now and then
Now I’m waiting
For something to happen
Someone to come
To remind
To re-find
A name
A face
A place
There’s nothing
All the same
Time
Space
Just a plane mirror
To help me get out
Nothing will
Nothing can
I don’t live
I can’t die
I can only shout
Cry
Louder and louder
Who am I
–
Perfections et symétries – ( RC )
Tu mesures les formes parfaites,
où tous les côtés se répondent,
et obéissent aux mesures identiques .
Ainsi le constructeur tend vers l’utopie
de la vision où la mathématique
prend le dessus de la vie .
Les rosaces des cathédrales,
tournent en mouvements figés ,
aux soleils fractionnés,
Les mosaïques aux jeux complexes,
zelliges enchevêtrés
excluent l’humain dans le décoratif.
Des palais imposants,
forçant la symétrie,
se mirent à l’identique
avec le double inversé,
du bavardage pompeux
des images de l’eau .
Se multiplie la dictature
de la géométrie des formes
répondant à leur abstraction ,
comme des planètes qui seraient
cuirassées dans une sphère lisse
d’où rien ne dépasse.
… Des formes si lisses,
voulues à tout prix,
qu’elles génèrent l’ennui
excluant la fantaisie
le désordre
et le bruit.
Les formes parfaites
s’ignorent entre elles
définitives, excluant la vie
comme des pièces de musée,
pierres précieuses,
diamants de l’inutile
dont finalement
la froid dessin, clos sur lui-même
finit par encombrer .
Dans le passé, on ajoutait
à un visage de femme trop régulier
un grain de beauté, une mouche,
quelque chose pour lui apporter
une différence, un cachet
sa personnalisation, un « plus » de charme
une irrégularité, une surprise,
portant dans son accomplissement
la griffure du vivant
Elle se démarque du cercle fermé
de la beauté idéalisée par quelque chose
contredisant la perfection
Celle-ci demeure une vue de l’esprit,
bien trop lointaine
pour qu’on puisse s’en saisir.
–
RC – août 2016
Richard Brautigan – 3 novembre
papier peint Rob Wynne
Me voilà assis dans un café
en train de boire un Coca.
Une mouche s’est endormie
sur la serviette en papier.
Il faut que je la réveille
pour essuyer mes lunettes.
Il y a une jolie fille
que j’ai envie de regarder.
.
Abdallah Zrika – Les murs vides de mon corps
–
Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est le jour où j’ai décidé de m’arracher de mon corps. Je ne sais pas comment cela est arrivé. Mais je me suis trouvé comme ça : j’ai ôté tous mes vêtements.
J’ai ouvert un peu la porte. Je ne sais pas comment j’ai fait. J’ai voulu sortir tout nu.
J’ai voulu tout jeter comme on jette une ordure. J’ai senti à ce moment-là que tous les gens étaient contre moi, que même les mots me fuyaient, que j’étais devenu vide.
Complètement vide.
Un vide qui résonne. Et complètement vide de mots. Moi qui avais décidé de ne mettre aucun vêtement, aucun nom, aucune désignation…
J’ai senti que toute chose se détachait de moi, se dissipait, je n’avais pas ôté seulement mes vêtements – leurs vêtements si je puis dire, leurs : je ne sais pas dire autrement – , mais j’ai ôté tout ce que j’ai vécu.
Peut être n’ai-je rien à laisser qui m’appartienne, tout leur appartient, même mes ordures. J’ai ouvert encore un peu la porte. J’ai vu le premier mur devant la porte.
Même ce mur m’est apparu tout nu, rasé, chauve. J’ai reculé un peu pour écrire le premier mot qui m’est venu après avoir pris une décision. mais j’ai senti que ma tête était vide, d’un vide incroyable. Le papier est resté blanc, d’une blancheur presque bleue. j’ai senti que les mots sont comme les vêtements, lourds et suant, que toute chose est lourde d’une lourdeur insupportable et qu’il n’y a que moi à être léger, très léger. Puis je me suis retrouvé en train d’ouvrir toutes les fenêtres, même le robinet d’eau, et d’allumer toutes les allumettes que j’avais.
Plus tard, j’ai entendu frapper et une lettre glisser sous la porte ; une voix suffocante disait : facteur. je ne sais pas pourquoi mes doigts n’ont pas bougé affin de toucher la lettre restée, moitié à l’intérieur, moitié à l’extérieur, sous la porte. Je ne pouvais rien toucher comme si une paralysie totale me prenait. je sentais seulement mes yeux qui bougeaient tout seuls, ou il me semblait qu’ils bougeaient, je ne savais pas.
C’est terrible ce qui m’arrivait, une faim incroyable m’avait prise mais je ne pouvais toucher le pain qui était sur le coin de la table. Puis j’ai vu que le mur était vide, d’un vide que je n’avais jamais vu, que je n’avais jamais senti avant. Et ces jambes – mes jambes – , allongées là, avec des poils lourds, d’une lourdeur que je ne peux supporter. Je n’ai pas su ce qui s’est passé lorsque la nuit est venue. Je n’ai pas allumé la lumière, les heures se sont succédées, et je n’ai pas senti le sommeil.
Et au matin, je n’ai pu distinguer les mots que j’entendais de loin. Je n’ai pas ouvert la porte quand j’ai entendu frapper encore. Et lorsque je les ai entendus, en plein jour, je ne suis pas sorti comme je l’avais décidé le premier jour. Je n’ai pas fait attention à la voix du robinet ouvert.
Et je n’ai pas touché – oui, touché – le pain posé sur le coin de la table, je l’ai jeté par la suite afin que la table soit tout à fait vide. Je ne supportais rien, même pas un tout petit point sur la table. J’ai jeté plusieurs papiers sur lesquels j’avais écrit, avant. J’ai laissé la chaise et je me suis assis sur le froid du sol. Je me suis réjoui de voir le verre vide, les allumettes brûlées jetées ici et là.
J’ai éprouvé une joie énorme en voyant une mouche morte. Je me suis vu comme cette mouche, sans mouvements. Les pattes croisées et déformées. Je suis resté comme ça, sans bouger, lorsque j’ai entendu des voix, dehors, et je n’ai pas regardé par la fenêtre. Tout est loin. Loin. Je me sens très petit, d’une petitesse sans égale, et toute chose est plus grande, très grande. Même ce point que je vois sur le mur.
Tout est grand, très grand. Comment ne m’en suis-je pas rendu compte auparavant ? Je me sens très détaché de tout, solitaire, d’une solitude terrible. Même la faim s’est détachée de moi.
Je la sens plus grande que moi, plus grande que cette pièce même. Je ne parviens pas à la distinguer. J’ai vu une lettre posée là, une lettre que je n’ai pas ouverte, là depuis trois jours. Je ne l’ai pas touchée. Je sens que ma tête est vide, complètement vide, et aucune pensée n’est dedans. Rien. Rien. Ce mot qui résonne vide dans mon vide. Je sens que quelque chose me tient cloué là, entre ces choses qui ne me concernent pas.
J’ai encore entendu – ou imaginé – frapper avec insistance à la porte. Ce sont les autres. C’est leur porte. Ce n’est pas moi, je n’ai aucune porte. Je n’ai aucun mur. Ce sont les murs des autres. Je n’ai aucune maison.
Même ces choses-là leur appartiennent, à eux. Ce sont eux qui les ont jetées hors de leurs portes à eux, ce sont eux qui m’ont jeté ici. J’habite entre leurs murs et devant leurs portes.
Les gens qui frappent à cette porte, frappent à leurs portes, et peut-être me disent-ils de m’éloigner de leurs portes, de leurs murs.
Que vais-je dire ?
Ai-je vraiment quelque chose à dire ?
———
Abdallah Zrika dans Petites proses, éditions de l’Escampette.
Guy Goffette – La peau du soir
–
peinture: James Rosenquist
–
Tandis que saigne longuement
la paume du soir
qu’au fond des plats d’argent
se figent les sauces
une petite fille se pique d’être femme
dans la peau du miroir
lissant d’un doigt mince
sur la poitrine d’une star quadrichrome
la rose de papier qu’une mouche traverse
comme elle indifférente
aux ruines de nos jours.
G G
Guillevic – Imaginons
Imaginons
Le temps que met l’eau à couler de ta main
Le temps que met le coq à crier le soleil
Le temps que l’araignée dévore un peu la mouche
Le temps que la rafale arrache quelques tentes
Le temps de ramener près de moi tes genoux
Le temps pour nos regards de se dire d’amour
Imaginons ce qu’on fera de tout ce temps.
Guillevic (extrait de « Avec » – éditions Gallimard, 1966)
–
Abdallah Zrika – Les murs vides de mon corps
LES MURS VIDES DE MON CORPS
Je ne sais pas.
Mais ce que je sais, c’est le jour où j’ai décidé de m’arracher de mon corps. Je ne sais pas comment cela est arrivé.
Mais je me suis trouvé comme ça : j’ai ôté tous mes vêtements. J’ai ouvert un peu la porte. Je ne sais pas comment j’ai fait.
J’ai voulu sortir tout nu.
J’ai voulu tout jeter comme on jette une ordure. J’ai senti à ce moment-là que tous les gens étaient contre moi, que même les mots me fuyaient, que j’étais devenu vide. Complètement vide.
Un vide qui résonne. Et complètement vide de mots. Moi qui avais décidé de ne mettre aucun vêtement, aucun nom, aucune désignation…
J’ai senti que toute chose se détachait de moi, se dissipait, je n’avais pas ôté seulement mes vêtements – leurs vêtements si je puis dire, leurs : je ne sais pas dire autrement – , mais j’ai ôté tout ce que j’ai vécu. Peut être n’ai-je rien à laisser qui m’appartienne, tout leur appartient, même mes ordures. J’ai ouvert encore un peu la porte. J’ai vu le premier mur devant la porte.
Même ce mur m’est apparu tout nu, rasé, chauve. J’ai reculé un peu pour écrire le premier mot qui m’est venu après avoir pris une décision. mais j’ai senti que ma tête était vide, d’un vide incroyable.
Le papier est resté blanc, d’une blancheur presque bleue. j’ai senti que les mots sont comme les vêtements, lourds et suant, que toute chose est lourde d’une lourdeur insupportable et qu’il n’y a que moi à être léger, très léger.
Puis je me suis retrouvé en train d’ouvrir toutes les fenêtres, même le robinet d’eau, et d’allumer toutes les allumettes que j’avais. Plus tard, j’ai entendu frapper et une lettre glisser sous la porte ; une voix suffocante disait : facteur. je ne sais pas pourquoi mes doigts n’ont pas bougé affin de toucher la lettre restée, moitié à l’intérieur, moitié à l’extérieur, sous la porte. Je ne pouvais rien toucher comme si une paralysie totale me prenait. je sentais seulement mes yeux qui bougeaient tout seuls, ou il me semblait qu’ils bougeaient, je ne savais pas.
C’est terrible ce qui m’arrivait, une faim incroyable m’avait prise mais je ne pouvais toucher le pain qui était sur le coin de la table. Puis j’ai vu que le mur était vide, d’un vide que je n’avais jamais vu, que je n’avais jamais senti avant. Et ces jambes – mes jambes – , allongées là, avec des poils lourds, d’une lourdeur que je ne peux supporter. Je n’ai pas su ce qui s’est passé lorsque la nuit est venue. Je n’ai pas allumé la lumière, les heures se sont succédé, et je n’ai pas senti le sommeil.
Et au matin, je n’ai pu distinguer les mots que j’entendais de loin. Je n’ai pas ouvert la porte quand j’ai entendu frapper encore. Et lorsque je les ai entendus, en plein jour, je ne suis pas sorti comme je l’avais décidé le premier jour. Je n’ai pas fait attention à la voix du robinet ouvert. Et je n’ai pas touché – oui, touché – le pain posé sur le coin de la table, je l’ai jeté par la suite afin que la table soit tout à fait vide.
Je ne supportais rien, même pas un tout petit point sur la table. J’ai jeté plusieurs papiers sur lesquels j’avais écrit, avant. J’ai laissé la chaise et je me suis assis sur le froid du sol. Je me suis réjoui de voir le verre vide, les allumettes brûlées jetées ici et là. J’ai éprouvé une joie énorme en voyant une mouche morte. Je me suis vu comme cette mouche, sans mouvements. Les pattes croisées et déformées. Je suis resté comme ça, sans bouger, lorsque j’ai entendu des voix, dehors, et je n’ai pas regardé par la fenêtre.
Tout est loin. Loin. Je me sens très petit, d’une petitesse sans égale, et toute chose est plus grande, très grande. Même ce point que je vois sur le mur. Tout est grand, très grand. Comment ne m’en suis-je pas rendu compte auparavant ? Je me sens très détaché de tout, solitaire, d’une solitude terrible.
Même la faim s’est détachée de moi.
Je la sens plus grande que moi, plus grande que cette pièce même. Je ne parviens pas à la distinguer. J’ai vu une lettre posée là, une lettre que je n’ai pas ouverte, là depuis trois jours. Je ne l’ai pas touchée. Je sens que ma tête est vide, complètement vide, et aucune pensée n’est dedans. Rien. Rien.
Ce mot qui résonne vide dans mon vide. Je sens que quelque chose me tient cloué là, entre ces choses qui ne me concernent pas. J’ai encore entendu – ou imaginé – frapper avec insistance à la porte. Ce sont les autres. C’est leur porte.
Ce n’est pas moi, je n’ai aucune porte. Je n’ai aucun mur.
Ce sont les murs des autres. Je n’ai aucune maison. Même ces choses-là leur appartiennent, à eux.
Ce sont eux qui les ont jetées hors de leurs portes à eux, ce sont eux qui m’ont jeté ici. J’habite entre leurs murs et devant leurs portes. Les gens qui frappent à cette porte, frappent à leurs portes, et peut-être me disent-ils de m’éloigner de leurs portes, de leurs murs.
Que vais-je dire ?
Ai-je vraiment quelque chose à dire ?
–
Abdallah Zrika dans Petites proses, éditions de l’Escampette.
–
les fenêtres ouvertes ( RC )
Il est un temps clément
Et l’herbe pousse
La vie sautille et bruisse,
Hier, il pleuvait à verse
Les fleurs, comme il se doit, fleurissent
Le vert rampe et progresse.
En forêt ,il menace les clairières
Et recouvre les pierres du jardin,rue et bien verte
Au soleil, l’éternuement
Et les fenêtres ouvertes…
Le souvenir n’est plus, du raide hier
Le jour se lève, parfumé du matin.
Je prends avec toi, les chemins de traverse
Que le temps oublie , le temps d’une rencontre
Qui s’étire avec toi, comme une caresse
Je peux vivre, et me passer de montre,
Un dialogue sans paroles,
Il y a quelque part, ton visage qui rit
Et le coeur farandole,
Qui tangue et s’y inscrit.
Sans détour, comme une voie directe
Où les animaux endormis
Pactisent avec les insectes
Et s’en font des amis
La mouche noire a décrit une belle spirale
Avant de se poser sur le beurre,
Sur l’assiette à côté du journal,
… même pas peur…
Le lézard a sorti ses habits de parade
En restant agrippé au mur, l’oeil en veille
Et reste immobile sans tenter l’escalade,
En se frottant de soleil…
–
RC
–
Sentinelle de la plaine – ( RC )
Photo perso: Inscription au dessus du cloître de Ste Trophime Arles 2012
–
Les Alpilles, sont une série de dents
Une série de barrières
D’ascensions calcaires
Sous le soleil ardent
Qui en prend à ses aises
Suivant la route des oliviers
Au mistral, rien à envier
Attendant qu’il s’apaise
Au milieu des jaunes
Comme s’apaisent les pentes
Le fleuve portant l’eau lente
De ses bras de Rhône…
Il faut que je vous parle
De la ville sereine,
Sentinelle de la plaine
— l’antique cité d’Arles
Au parcours de l’histoire
A capter le soleil
A nulle autre pareille
Dressée dans le soir,
Prise dans les filets,
Attrapée comme une mouche
Lorsque le soleil se couche
….D’eaux, l’arrose de reflets
Quand elle reprend haleine,
Ses maisons s’animent,
Les ruelles intimes
Aux pourtours des arènes
Aux lanternes, l’éclairage
Comme l’étape souterraine,
La vieille dame, de l’histoire romaine
….ne dit pas son age…
Puis son monologue
S’habille de parures
Que fait la peinture
De Vincent Van Gogh
Il dit, le taciturne
Au rayons de son art,
Les platanes des boulevards
Et le ciel nocturne.
La nuit étoilée
Aux parlers chantants
Les cyprès délirants,
Des Alyscamps, les allées,
Comme la Camargue est peinte
En touches serrées
Végétaux acérés
Dont on garde l’empreinte.
Arles se détend,
et lance des défis
A la photographie
Et …prend le ciel nocturne pour amant.
RC – 10 décembre 2012
voir également le texte de Xavier Lainé:
et ma « lecture des Alpilles en Crau » ( écrit de janvier 2012 )
–
Wisława Szymborska – De la mort, sans exagérer
Elle ne comprend rien aux plaisanteries,
ni aux étoiles, ni aux ponts,
ni au tissage, ni aux mines, ni à la pâtisserie.
Elle se mêle de nos projets et de nos agendas,
elle a son dernier mot
hors sujet.
Elle ne sait même pas faire
ce qui directement se rapporte à son art :
ni creuser une tombe,
ni bricoler un cercueil,
ni nettoyer après.
Toute à sa tuerie,
elle le fait gauchement
sans méthode ni doigté
comme si sur chacun de nous elle faisait ses gammes.
Plus d’un triomphe sans doute,
mais combien de défaites,
de coups pour rien,
d’expériences à recommencer.
Parfois, elle manque de force
pour frapper une mouche au vol.
Et plus d’une chenille
peut la prendre de vitesse.
Tous ces bulbes, gousses,
antennes, palmes et branchies,
plumages nuptiaux et fourrures d’hiver,
attestent du retard
dans son veule travail.
La mauvaise foi ne saurait suffire,
ni même nos coups de main en guerres et révolutions,
du moins pour l’instant.
Des coeurs battent dans les oeufs.
Les squelettes des bébés croissent.
Les graines en arrivent aux premières feuilles.
et parfois même, aux arbres immenses sur l’horizon.
Quiconque prétend qu’elle est omnipotente
est la preuve vivante
qu’il n’en est rien.
Il n’est point de vie qui,
même un court instant,
ne soit immortelle.
La mort
est toujours en retard de cet instant précis.
En vain agite-t-elle la poignée
de la porte invisible.
Le peu que nous ayons pu
demeure irréversible.
***
Wisława Szymborska Les Gens sur le pont (Ludzie na moście, 1986)
Richard Brautigan – 3 novembre

–
3 novembre
Me voilà assis dans un café
en train de boire un Coca.
Une mouche s’est endormie
sur la serviette en papier.
Il faut que je la réveille
pour essuyer mes lunettes.
Il y a une jolie fille
que j’ai envie de regarder.
.
Edoardo Sanguinetti- elle est cachée (stigmate névrotique) dans ma bouche
–
1.
(et : eh !) ; elle est cachée ; et je dois dire, et je veux
(entre-temps) dire ; (et sous le coup de l’émotion) : eh ! ;
dire : eh, meine Wunderkammer ! meine Rosenfeld ! ;
(corne d’unicorne !) ; (cherchant (par exemple)
l’exaltation Vague) ;
et descendant (le 22 avril) la Rue
Royale, puis la Rue du Bois ; et je dois dire : tu es un
crabe (par insinuations) pétrifié ; et : elle est cachée
(stigmate névrotique) dans ma bouche ; (et la chose a
commencé) ; (…) ; (peut-être, vraiment) ; (précisément, je
ne me souviens pas, pas même quand,) ; et tu es un
caméléon (par inhibitions) sec ; cachée sur ma langue ;
(mais la chose) ; (…) ; (mais cette nuit, je ne la raconte
pas) (…) ; (et descendant vers la Rue de la Montagne, vers
le Marché aux Herbes, cherchant) ; cachée ainsi, à
creuser ; à creuser ici ; (eh !) ; et à creuser ici (cherchant) ;
cherchant (eh ! ici !), dans ma bouche, dans ma langue :
ce grotesque : ce grotesque triste :
il écrivit : est-il du capricorne ?
il est revenu (plus ardent qu’auparavant) ;
(c’était un fragment de conversation) ; puis il écrivit :
dans le cas où ; et au-dessus : dans le cas où LUI était
(et : dans le cas où LUI) ; et au-dessous : au cas (e : au ; et :
en ; et : n) ;
et : en tourment ; (et pour inspirer de la terreur : (du dégoût, peut-être) ;
chez les filles
aussi) ;
et le 24
février il écrivit : je ne pense plus ; parce que tu es une
mouche, une araignée (en gélatine) ; (dans un morceau,
en fusion, d’ambre) ;
P.S . en réalité il s’agissait de SAG
(et ici, eh ! ici
fait suite une longue ligne, une flèche) ; (une langue) ;
(obscène) ;
ittari ;
et : O (un savarin difforme qui finit sur la page (obscène) ;
à la page suivante) ;
je ne médite plus ; parce
qu’il écrivit ( : et tu es un théâtre anatomique) : voir E3
au-dessus de la carte (mais pense 6D, avec le Parc
d’Egmont, dans la nuit, et avec le conservatoire, et avec
l’hôtel d’Egmont lui-même, et avec tout, bref, avec
tout) ; et parce qu’il écrivit : j’écris ; (et : j’écris
encore) ; (et : j’écris moins) ;
encore moins :
Edoardo Sanguineti, Wirrwarr in La Nouvelle Revue Française, octobre 2007, n° 583, pp. 212-213. Traduit par Philippe Di Meo.
1.
(e:eh!); è nascosta; e devo dire, e voglio (per intanto) dire; (e
per emozione): eh!; dire: eh, meine Wunderkammer! mein
Rosenfeld!; (corno di unicorno!); (cercando (per esempio) l’exaltation
vague);
e scendendo (il 22 aprile) per Rue Royale, poi per Rue
du Bois; e devo dire: tu sei un granchio (per insinuazioni) petrificato; e:
è nascosta (nevrotico stigma) dentro la mia bocca; (e la cosa
è incominciata); (…); (forse, veramente); (non ricordo, di preciso,
quando, nemmeno); e tu sei un camaleonte (per inibizioni) secco; nascosta
sopra la mia lingua; (ma la cosa); (…); (ma quella notte, non la
racconto) (…); (e scendendo verso Rue de la Montagne, verso il Marché
aux Herbes, cercando) ; nascosta così, a scavare; a scavare qui; (eh!)
e a scavare qui, sempre (cercando); cercando (eh! qui!); nella mia
bocca, nella mia lingua: questo grotesque: questo grotesque
triste:
scrisse : è del capricorno? è tornato (più ardente
di prima); (era un frammento di conversazione); poi scrisse: nel caso che;
e sopra: nel caso che LUI fosse (e : nel caso che LUI); e sotto: nel
caso (e: nel; e: ne; e: n);
e: in tormento; (e per incutere
terrore: (disgusto, forse); nelle ragazze, anche);
e il 24
febbraio scrisse : je ne pense plus; perchè tu sei una
mosca, un ragno (in gelatina); (in un pezzo, in confusione, d’ambra);
PS.in realtà trattasi di SAG
(e qui, eh ! qui
segue una lunga linea, una freccia); (una lingua); (oscena);
ittari ;
e : O (una ciambella deforme che termina nella pagina (oscena) ; nella pagina
seguente);
je ne médite plus ; perché scrisse (: e tu sei un teatro
anatomico): vedi E3 sopra la carta (ma pensa 6D, con il Parc d’Egmont,
nella notte, e con il conservatorio, e con l’albergo stesso
d’Egmont, e con tutto, insomma, con tutto); e perché
scrisse: j’écris; (e: j’écris encore); (e:j’écris moins) ;
encore moins:
Edoardo Sanguineti, Wirrwarr, in Mikrokosmos. Poesie 1951-2004, 2004, Editore Feltrinelli, Collana Universale economica, 2004, pagina 41. A cura di Erminio Risso.
Marie-Claire Bancquart – comme si le matin servait toujours
–
Au début mars
les racines fendent la peau des graines
la fenêtre
libère
une mouche engourdie.
Nous recommençons
comme si nous n’avions pas été moulus jusqu’aux os
comme si le matin servait toujours
avec son fragment de ciel entre les maisons.
Nous ignorons une fois de plus l’autrefois
pour croire ces heures
à l’aventure.
de « COMME SI LE MATIN SERVAIT TOUJOURS«
Hubert Haddad – une rumeur d’immortalité 01
I
vie lointaine, jour d’avant Ulysse agonise au bord du murmure
je me souviens d’une lutte légendaire et du long sacrilège des statues
mainte source rêve le grand large seule odyssée dans la cécité pure du diamant
âme errante à peine émue d’un mouvement d’algues au fond des mers
nuque rase et poignets tendus j’attends l’heure perdue d’aimer
mais nul n’approche la solitude je suis l’absence et le tombeau
rien ne s’élève à moi que les mouches d’un cadavre
l’oubli mélodieux berce l’antique mémoire corps que la mort baigne aux îles infortunées
je meurs je meurs, ami du temps paroles d’élytres entre les dents
que m’efface la musique la neige m’enseignera doucement le sommeil
—
texte paru dans « propos de campagne », revue poétique