Ce pressentiment, les ailes déployées – ( RC )
photo recadrée : voir origine pxhere
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Faut-il encore sortir
les jours de mauvais temps,
espérer voir un peu de ciel bleu
dans les heures écrasées ?
Une mouette blanche
s’est envolée de la digue
juste au moment où
un obus fracasse le ciment
A-t-elle eu ce pressentiment
les ailes déployées,
ou de nos âmes , eu pitié ?
On voit mieux le monde de haut,
même si les hommes s’entre-tuent ;
de l’océan, rien n’arrête le flux.
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RC- avr 2020
Bernat Manciet – dans la bruine de l’étang

Différents de ceux-là qui dans le Purgatoire s’étant reconnus
s’écartèrent et s’en allèrent tête basse
nous nous sommes étreints dans la bruine de l’Etang
qui nous inonde jusqu’aux os du charme bruissant
Car nous venons d’une brume de froid sans pareil
notre commun lignage de peine et d’ahan
ces aïeux de lande et de mer de mouette et de corbeau
qui trimèrent toussèrent et nulle grâce n’a ruisselé
par les hasards du mauvais temps par toutes les marées
par l’errance des Guerres d’Ecosse à Romagne en poussière lumineuse
ils ont déjà tressé notre destin
et de leur lointain ils nous regardent complices curieux
si nous saurons nous aimer sur les abîmes salés
et de leur dieu d’embruns sur la chevelure décoiffée
extrait de Sonnets
Djamal Benmerad – neutre et mort

Tu n’entends pas
la rosée du matin
ni le souffle du vent
dans les bois
ni le rire moqueur de la mouette
Tu ne vois pas le vif
des cerises pulpeuses
Tu ne connais pas
le mal de la torture
Tu ne sens pas
sous tes doigts
la chair frissonnante
de la nubile
Tu ne te bats pas
En vérité
tu es déjà mort
ou presque
Le métier d’exil
Ici on ne meurt pas
on rampe
La visière de l’exil
projette de l’ombre sur nous
et ennuage nos rêves
Ô camarades !
Si mon absence se prolonge
l’écharpe risque de ternir
et je n’hériterai d’aucun baiser
que j’aurais donné
extrait de l’anthologie « points » de la poésie algérienne
poèmes et autres tracts, Éd. Rebelles, Belgique, 2004.
Vesna Parun – la vague
J’écoute la rumeur basse de la mer
Qui surgit de la vague et se répercute,
Masquée par un agave antique, j’épie
Sa gorge qui se change en une mouette
Pour s’envoler avec un gémissement
Vers l’or des nuages. Et de l’airain du ventre
Somptueux s’érige sombrement le roc
En fleur qui porte un cortège de princesses
Fascinantes, de fées surgies des légendes.
I listen to the down rumor to the sea
That emerges from the wave and reverberates,
Masked by an ancient agave, I watch
Her throat that turns into a seagull
To fly away with a moan
To the gold of the clouds. And belly brass
Sumptuous rises darkly the rock
In bloom carrying a procession of princesses
Fascinating, fairy tales arisen from legends.
.
.
Bernat Manciet – Sonet – Le matin croît en toute chose
aquarelle W M Turner
Le matin croît en toute chose
toute chose déclenche un matin
Toi : un matin aux cris de neige
des mouettes pures sur Ambès
je te reconnus à ton rire
piaffé de ciel et de sel
je te reconnais car c’est notre rire
depuis les talons jusqu’au front net
lorsque blanchirent les rives
jusque dans mes paumes ouvertes
je sus que c’était ton jour
jour de mille paupières
blanches tu m’as trouvé à tâtons
tous lendemains ne sont que ce matin
D’où partaient les navires – ( RC )
Il y a un port d’où partaient des navires,
( en tout cas, on voit une jetée
qui s’avance, en briques descellées,
d’un timide assaut vers le large,
où le gris s’étale, indifférent ) .
L’endroit est déserté,
de gros anneaux sont rouillés.
Peut-être est-ce le reste d’une ville
se prolongeant au-delà,
engloutie petit à petit,
malgré son orgueilleuse suffisance,
colosse aux pieds d’argile,
dont le corps plonge aussi
dans le sommeil de ce qui a été.
Seules veillent les mouettes.
Il y a un port d’où partaient des navires,
on peut le penser.
Mais , attirés par le lointain,
derrière la ligne pâle de l’horizon ,
ils ne sont jamais revenus,
emportant les derniers habitants
de la cité délaissée,
peu à peu lézardée.
Elle finit par sombrer
comme un de ces vaisseaux
mal entretenus,
où l’eau finit par se faufiler
partout entre les rues .
Seul, un promeneur , venu de nulle part …
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RC – mai 2016
Dylan Thomas – Et la mort n’aura pas d’empire
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peinture: Mark Rothko
- Et la mort n’aura pas d’empire.
- Les morts nus feront foule
- Avec l’homme dans le vent et la lune rousse ;
- Quand leurs os blanchiront et leurs os blancs partiront,
- Ils auront des étoiles au coude et au pied ;
- Même s’ils sont fous, ils seront sains d’esprit,
- Même s’ils sont perdus en mer, ils reviendront ;
- Les amoureux seront égarés mais l’amour restera;
- Et la mort n’aura pas d’empire.
- Et la mort n’aura pas d’empire.
- Sous les rouleaux de la mer
- Ils demeureront à l’abri de la tourmente ;
- Torturés pour que lâchent leurs nerfs,
- Attachés à une roue, ils ne cèderont pas ;
- La foi en leurs mains éclatera,
- Et les diables cornus les piétineront ;
- Écartelés de toute éternité, ils ne céderont pas ;
- Et la mort n’aura pas d’empire.
- Et la mort n’aura pas d’empire.
- Plus aucun cri de mouette à leurs oreilles
- Ou le déferlement des vagues sur les rivages ;
- Où la fleur s’épanouit peut-être qu’aucune fleur
- Ne lèvera son front aux coups de la pluie ;
- Bien qu’ils soient fous et raides comme des clous,
- Leurs têtes laboureront les champs de marguerites ;
- Brisés par le soleil jusqu’à ce que le soleil se brise,
- Et la mort n’aura pas d’empire.
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Le chemin du rivage ( RC )

une image que vous ne verrez jamais ailleurs, avec le pont de Douvenant, vers St Brieuc ( 22 )
Si le chemin, au bord du rivage
S’allonge au gré de mes pas, c’est errer
Contourner les pentes, dominer les plages
Et emprunter celui des anciennes voies ferrées..
La lumière est mouvante et se déplace
Au gré des courants d’air, qui poussent
aussi les ombres, que des nuées lasses
Déposent en bouquets de couleurs douces
Au delà des sables, les ajoncs
Et le rivage qu’on situe par-delà la baie
Lorsqu’on passe le vieux pont,
Une distance qu’on franchirait d’un trait,
Si on avait les ailes d’une mouette
A voir les choses de haut
En luttant contre l’air qui fouette
le front, au dessus des eaux.
Mais je continue la voie étroite
Suivant les caprices de la côte, le contour
Ne connaissant pas la droite
En impose ses détours
A suivre obstinément le chemin,
Que je parcours sans hâte
Entouré de pins et romarins…
Mais voici que le temps se gâte ….
C’est un prélude à la nuit
Lorsque le ciel s’épaissit
Et qu’arrive aussi la pluie,
Sous un ciel obscurci
Que quelques lueurs parcourent…
Il est trop tard pour l’éviter
Et envisager le retour …
S’il le faut, j’irai m’abriter
Pour l’instant, je poursuis ma route;
Des éclairs lointains l’illuminent
Et tombent, éparses, quelques gouttes
Tandis que je chemine …
Lentement, le paysage défile :
La terre humide, à mon nez , se parfume
La baie s’est emplie de brume,
On distingue à peine les îles…
Une lumière intermittente traverse
Là-bas, la colonne d’un phare
Situé un peu à l’écart
Sous le rideau de l’averse
Dans ma poche, pour écrire, quelques papiers
En hâte, pliés
Mais qui sont déjà mouillés
Et d’un reste d’encre, souillés…
RC – 30 juillet 2012
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade ( RC )
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Océan – mer – terre, destin d’une embrassade
Vogue le destin d’une embrassade,
étreinte et baiser humide de l’eau au sable
la fin de quelque chose, le début d’un autre
s’évanouit la terre ferme, pour le choix du liquide,
une masse matière qui vit de ses soubresauts
l’histoire de tant de marins qui s’y sont fié, en espérant voir un jour la ligne dorée d’un continent lointain, ou, gagnant leur vie au milieu des embruns salés, pour rapporter une manne vivante dans les filets, mais toujours en équilibre, sur l’instable, à portée des caprices de l’écume et du noir des abysses,
peu se sont attardés, à convoquer la couleur bleue, comme celle d’un paradis uni et tranquille…
Et partir en croisière, pour le souvenir dans la mémoire, des ports ensoleillés.
Il y régnait surtout l’odeur tenace des huiles et
Des poissons séchés , à la musique des filins qui claquent sur les voiles, et le concert des mouettes…
L’océan, suit la lente rotondité de la terre, il la cache ,l’obture, et remplit ses failles, antre des mollusques et des mâchoires des prédateurs qui s’y sont fait leur empire…
de l’autre coté des courants l’océan a l’odeur femelle, et ne révèle ses mystères qu’en surface.
On y sait des coraux, des épaves, des algues et méduses, et peut-être des sirènes…
Mais aussi la mémoire des conflits terrestres, des navires coulés, avec leur cargaison, d’hommes et de matériel, le rêve des contrebandiers,, les galions d’or, la vaisselle fine, les amphores pleines de vin d’Italie…
Les boules tueuses des mines, guettant les cachalots métalliques…
Les supports des îles, en stratégie qu’on se dispute, en invasions alternées : Chypre, la Crète,Hawaï et
plus récemment les Malouines…
On y soupçonne les courants obstinés, prolongation des fleuves et rivières, en fantasmant sur la dérive des continents, les migrations parallèles aux oiseaux, des bancs serrés de poissons voyageurs…
On en rêve dans sa chambre, pour voyager en romans, , dans une épaisseur liquide à vingt-mille lieues de Jules Verne, puis aux légendes grecques.
Le raffiot de la rêverie, n’a changé d’échelle que depuis la vue aérienne, avec laquelle les vagues les plus déchaînées, ne semblent qu’un vague frisottis décoratif…
Qu’en serait-il de l’effet de tsunami « pris sur le fait » ?
une onde circulaire, s’étendant comme
lorsqu’on jette un caillou dans l’eau, suivi d’une autre, puis semblant se calmer, alors que des murs d’eau viendraient,
quelques heures plus tard, rejeter violemment les chalutiers, et bateaux de plaisance au milieu des falaises et forêts…
La soupe salée, vécue du bord des côtes dévastées prenant soudain un goût de l’amer, bien éloigné
de l’aspect paisible qu’on suppose à la mer.
…..Sans l’apostrophe…
RC – 14 juillet 2012

peinture: William Turner
Ferrucio Brugnaro – rencontre avec un vieil ouvrier
J’ai vu un vieil ouvrier, aujourd’hui,
un ami cher ; appuyé
à un réservoir énorme
il regardait le ciel et il regardait
ses mains.
Il arborait un large sourire
dans ses yeux rougis par le froid
intense de la neige, brillants
telles des écorces mouillées.
Il me dit, avec un calme doux,
qu’il serait temps pour lui
que vînt la mort : d’autant
qu’il ne dérangerait personne
pour cette circonstance.
Et il continuait à regarder le ciel, le soleil
qui exhalait des mouettes tendres sur la mer.
Son visage semblait une pierre
multiséculaire gravées de hiéroglyphes extraite
des sables.
A la mer retirée (RC)
A la mer retirée…
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Comme si on avait tiré un drap de dessous
La mer s’est retirée à regrets des plateaux
Basculé petit à petit, sans faire de remous
En laissant des îles comme des grumeaux
L’eau qui portait sa patience
La grande patience d’un ressac renouvelé
L’eau nourricière des bancs de poissons denses
A glissé sur le dos d’un pays soulevé
A laissé exsangue les plateaux dénudés
A la chaleur d’août, sans couverts, la poussière
La caillasse , la bourbe des abandonnés
Et le sinueux des premières rivières
Je vois aussi les stupides bancs de sable
Que ne marque plus la plage et ses parasols
Mais le sel incandescent sans terre arable
La rectitude d’un horizon sans heurts ni sol
En parcours géographique si c’est d’Aral
La mer, ou plutôt son souvenir rétréci
Les carcasses penchées des bateaux de métal
Disent qu’il y a plus d’ailleurs qu’ici
Le vent les tourmente et les habite
La rouille multiplie son cancer
De ces bâtiments en fort gîte
Qu’ ont connu l’eau avant le désert
Les embruns, les mouettes et les orages
Les vagues porteuses, et les algues
Mais aujourd’hui sont en paysage
Aussi incongrues que des chouettes
Au milieu d’un repas d’anniversaire.
Ces anciens navires en partie désossés
Marquent en sinistre l’avancée somnifère
D’une léthargie gluante aux ailes affaissées
Aux herbes vénéneuses, qui s’insèrent
D’un péril sournois nous envahit
Même , de ces forteresses et châteaux de fer
L’image d’une vie qui file et trahit.
Ce texte créé le 25 octobre 2011 , est en quelque sorte une prolongation du « heurt des ombres fait silence », écrit 5 mois plus tôt….
puisque , des grands plateaux calcaires, du Larzac au Sauveterre, c’est bien de çà dont il s’agit, d’une mer qui a tout laissé « en plan »
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voir aussi « feuilleter le recueil des causses » ( mai 2013)
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Photo personnelle; Causse de Sauveterre, vers Montmirat ( Lozère)
Arthémisia…… L’image

Tu marches lentement, poussant du pied le sable
En gerbes fleurissant des paillettes effaçables.
Je te revois encore, riant avec les mouettes,
En écartant les bras pour cueillir le vent,
Laissant sur ta peau nue courir imparfaite
La pensée d’un amour avec moi estivant.
Je te revois encore courbé vers la marre
Scrutant le coquillage, des marées, survivant,
Et cherchant à point d’heure, accroché sous le phare,
La lumière d’argent venue de mon levant.
Je te revois géant haranguant les dieux mêmes,
Tourné vers l’horizon, et vomissant tes flancs,
Hurlant au ciel, aux flots, les mots de ton poème,
Toujours lourd et tendu…époustouflant.
Je te revois ce soir, au seuil de mon rêve.
Où seras tu demain ? Peut être encore ici ?
Tu vis et tu dessines en mon ventre un lacis
Que la mer sans détours ramène sur ma grève.
Je te revois jamais et toujours et encore,
Construisant la demeure où j’habite à plein temps,
Je cours après les jours arrogants de la mort,
Et je cours après toi, l’image de mon néant.
Copyright © Arthémisia – Juin 2008
Avec : Nicolas de STAËL – Tempête