Sculpture – collage – dentelles – ( RC )

Nous voilà transportés à la plage
dans une écume beige
toute en dentelles.
Il y a cette demoiselle
sur fond de galaxies
parmi les tourbillons de neige,
avec ce ciel à la Pollock
qui fait un peu toc !:
c’est donc le grand départ
de l’histoire de l’art
qui s’en va visiter d’autres continents;
( ayant acquitté les frais de son voyage )
avant de se trouver prisonnière
dans les filaments gluants
de ton collage:
on la voit comme étrangère
à sa future mutation :
est-elle candidate à l’immigration
après avoir survécu pendant un millénaire
elle qui a été retrouvée sous la mer –
pour être exposée dans un musée
sans même l’avoir demandé ?
C’est que l’aventure esthétique continue
dans un monde qu’elle n’a pas connu
et ne connaîtra jamais
( mais ça… c’est ton secret ) !
–
collage Cathy Garcia Canalès
Le musée dans la piscine – ( RC )

C’est un endroit curieux
( généralement le cas des musées
que l’on fréquente encore habillé )
où l’on voit des demi-dieux
interrompant leur mouvement ,
bien conscients du danger,
avant d’aller plonger
avec leur accoutrement
dans la piscine
évoquant de très loin
la mer qui se souvient
des marées ( et ici, piétine ).
C’est une eau stagnante
où personne ne se risque
car la vie se confisque
dans une mort lente .
Quelques émanations perfides
auxquelles on ne s’attendait guère
ont changé ces héros en pierre,
( à tout jamais rigides
semblerait-il, pour l’éternité ):
on ne s’attend pas à les voir courir
ou les voir s’enfuir ,
condamnés à l’immobilité .
Peut-être est-ce préférable
à un autre destin tragique:
ces personnages de l’antique
retournant en sable
ou bien des anges
à qui on aurait coupé les ailes,
transformés en statues de sel…
le Moïse de Michel-Ange
souffrant d’insomnies
soumis à rude épreuve
retrouvé au fond d’un fleuve
ou au large d’Alexandrie…
Alors, mieux vaut patienter
( contre mauvaise fortune, bon coeur )
sous l’oeil des connaisseurs
fréquentant le musée…
L’éternité est pour eux,
rien ne presse :
ils attendront que le charme disparaisse:
il faut voir le côté avantageux,
d’être quand même à l’abri,
rassemblés ici
dans cet endroit incongru
plutôt que d’errer dans les rues .
Je ne vois qu’une solution :
c’est ce que je pense et estime –
Pour que ces statues s’animent,
proposons l’absolution,
et que des génies
changent l’eau en vin
( ou plutôt en eau de vie…)
il faut aider son prochain,
faire que le sang
de nouveau circule,
que les dieux fassent des bulles,
ils nous en seront reconnaissants –
Comme chez Francis Bacon – ( RC )

Si c’est la chair abandonnée,
de peine, de joies, de rages,
l’éclairage cru, d’otage,
le sang égoutté
lentement dans la nuit,
cette grande baignoire
où la vie s’enfuit
d’un coup de rasoir.
Difficile ainsi de se représenter
en auto-portrait….
- plutôt se filmer là,
devant la caméra :
machine sans émotion
oeil indifférent
où s’installe l’espion
de nos derniers instants
( Pour ceux qui aurait du mal à le croire
en léger différé – vous pourrez revoir
la vidéo prise ce soir là ) :
une fleur pourpre s’étend
lentement sur le drap ,
- un bras pend
- et la lumière s’éteint
Bacon aurait pu peindre
cet évènement sur la toile:
une pièce presque vide
- un fond bleu pâle
- une sorte de suicide
sous un éclairage livide
cru dans son contour électrique
une ampoule laissée nue
( on dira que cela contribue
au geste artistique ).
Un corps semblant inachevé
aux membres désordonnés
exhibés comme dans une arène
livré au regard obscène
alors que , pour tout décor
l’air brassé par un vieux ventilateur
tourne lentement encore
dans d’épaisses moiteurs
La peinture a de ces teintes sourdes
comme enfermée dans une cage
On n’y rencontre aucun visage
c’est une atmosphère lourde
de senteurs délétères,
dont elle demeure prisonnière.
Même exposée dans le musée,
elle sent le renfermé …
Murièle Modely – nature morte
nature morte
peinture Hannah Höch » l’escalier »
sur la droite une feuille blanche grouille de pattes de mouche
sur la gauche une main sèche brune finit de momifier
le tout s’alanguit dans un cadre doré au milieu d’un mur
qui tombe par plaques dans un musée obscur
L’abandon des cuirasses – ( RC )
Des décombres et poutres fumantes,
les restes des samouraïs
que l’on voit après la bataille
et, contre toute attente
perdus au milieu de champs magnétiques .
Le masque de quelqu’un a occupé la place,
et se cache derrière leur face
– un sourire énigmatique – .
De quelle espèce, de quelle famille … ?
une trace que l’existence imprime,
le regard indécis de l’anonyme,
comme dans la roche, un fossile .
Ainsi, des tenues de protection
les mineurs au corps absent …
Il en reste l’habit pesant,
devenu, au musée, pièce à conviction .
L’activité est suspendue ,
faute de rentabilité ;
les mines ont périclité,
des fantômes d’ouvriers, semblables à des pendus .
Des êtres vidés de leur substance
ont abandonné leurs cuirasses :
le passé est voué à la casse ,
à mesure que l’on avance….
–
RC – juin 2017
- cet écrit a rapport à un précédent » musée de la mine »… qui évoque celui de St Etienne.
Théo Léger – Beauté des temps révolus
Peinture: Giovanni Boldini
Elles traversaient les profondeurs de l’argent des miroirs.
D’une fragrance de chevelure aux parfums érotiques,
d’une jaillissante malice de dentelles couvrant leur chair
où luisaient les globes fragiles soumis aux caresses de l’homme,
de leur murmure d’éventails, de leur secret de bagues
dont les fourmis laborieuses ont mémoire au musée
sous les racines d’un monde vert
qu’est-il resté ? Rien. Ton seul sourire :
un papillon de cils battant contre une lèvre d’amant
la crispation de doigts malhabiles.
Sur les draps de la nuit était-ce
cris de naissance ou de mort? Cela, les horloges l’ignorent.
Théo Léger (1960)
Perfections et symétries – ( RC )
Tu mesures les formes parfaites,
où tous les côtés se répondent,
et obéissent aux mesures identiques .
Ainsi le constructeur tend vers l’utopie
de la vision où la mathématique
prend le dessus de la vie .
Les rosaces des cathédrales,
tournent en mouvements figés ,
aux soleils fractionnés,
Les mosaïques aux jeux complexes,
zelliges enchevêtrés
excluent l’humain dans le décoratif.
Des palais imposants,
forçant la symétrie,
se mirent à l’identique
avec le double inversé,
du bavardage pompeux
des images de l’eau .
Se multiplie la dictature
de la géométrie des formes
répondant à leur abstraction ,
comme des planètes qui seraient
cuirassées dans une sphère lisse
d’où rien ne dépasse.
… Des formes si lisses,
voulues à tout prix,
qu’elles génèrent l’ennui
excluant la fantaisie
le désordre
et le bruit.
Les formes parfaites
s’ignorent entre elles
définitives, excluant la vie
comme des pièces de musée,
pierres précieuses,
diamants de l’inutile
dont finalement
la froid dessin, clos sur lui-même
finit par encombrer .
Dans le passé, on ajoutait
à un visage de femme trop régulier
un grain de beauté, une mouche,
quelque chose pour lui apporter
une différence, un cachet
sa personnalisation, un « plus » de charme
une irrégularité, une surprise,
portant dans son accomplissement
la griffure du vivant
Elle se démarque du cercle fermé
de la beauté idéalisée par quelque chose
contredisant la perfection
Celle-ci demeure une vue de l’esprit,
bien trop lointaine
pour qu’on puisse s’en saisir.
–
RC – août 2016
Deux femmes en chapeau et leur enfant – (RC )

peinture: Claude Monet, les coquelicots d’Argenteuil – 1873, Musée d’Orsay Paris
–
– Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une peinture de Monet
D’une musique légère et virevoltante,
Chasse aux papillons, parmi les hautes herbes,
Une fenêtre ouverte sur le beau temps,
Mais rétrécie par le cadre lourd,
Des dorures inutiles,
–
Il fait chaud dans ce musée,
Les gens se pressent, dans l’exposition,
Les pas résonnent, sur le parquet verni,
Et sous la verrière, on voit des nuages gris,
Qui parlent de la ville,
Des immeubles qui se pressent,
Et des rues revêches, et des passants en imperméables.
–
La fenêtre de l’insouciance,
Ouvre sur la campagne.
Elle est riante, et tourne le dos,
Aux nouvelles des journaux,
A l’ère industrielle, qui s’étend,
Aux fumées des usines,
Envahissant bientôt l’horizon.
–
La campagne est riante,
C’est bien sûr le printemps,
Elle sonne , comme nostalgie,
D’un paradis perdu,
Oubliant les songes noirs,
Les anges qui blasphèment,
Et les grondements des avions.
–
Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une pente douce….
Il y a une musique légère, en robes longues
Des pianistes aux jambes fines et doigts d’araignées,
… C’est juste avant la ville,
( Enfin, quand je sors du musée,
Pour reprendre le métro ).
–
RC – 7 septembre 2013
–
Témoins discrets et obstinés ( RC )

objets abandonnés: photo images d’Yci
Restés en patience dans les greniers,
Soustraits au jour, et aux regards
Et tissés de toiles d’araignées
Et qu’on retrouve un jour, par hasard.
Les objets désuets stockés dans un coin
Gardent quelque part un message,
De leur voix venue de loin,
Leurs formes étranges, dont on ne sait plus l’usage.
Manches en bois et parties en fer,
Et l’éclat rouge des cuivres
Ce dont nous parlent les livres,
L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Les cabinets de curiosité
Les outils anciens du musée
Dont nous portons l’hérédité
A l’époque des fusées.
Le passé n’est pas éliminé
En traversant l’histoire
Les témoins discrets, se sont obstinés
En nous le donnant à voir
Et portent tout leur sens
Attendant que la mémoire nous revienne
Lorsque nous sommes en présence
Des époques anciennes…
–
Tout ce qu’on trouve enfoui
Au fond de nos tiroirs,
Petit à petit recouvert, du voile de l’oubli,
reste cependant en mémoire.
En dehors de la nôtre, pour agir ainsi
Elle voyage au-delà de l’absence,
Ou plutôt reste déposée, dans le lit de l’ici,
Lorsque la vie accumule, ses sédiments denses
Si lentement, qu’on n’a pas l’esprit d’y penser,
Cachant peu à peu , ce qui fait sa magie
En strates compactes et compressées,
Révélées par les sondages d’archéologie .
Je retrouve les traces,
De ce qui est resté tel quel
Et qui patientent, tenaces
Attendant l’action de la pelle…
Sous le manteau de la terre
On a caché ce qui fâche
Tout ce qui fallait taire
Que soigneusement, on cache
Sous le côté lisse
Et les parterres de fleurs
L’enquête têtue, peut trouver indices
Des drames et mal-heurts.
Sous les tombes muettes ,
Traces révélées de l’ADN
Ou bien , dans les éprouvettes
A remonter le temps qui s’égrène.
–
RC – 17 février 2013
Figures rougies du musée de cire ( RC )

Kate & William au musée Mme Tussaud de New York
–
Les figures rougies
Du musée de cire
En habits d’époque
Transpirent de drame
Comme des bougies
Portées de souvenirs
Et de soliloques
Ramollies aux flammes
Les regards humides
Des célébrités
Aux sourires figés
En bal costumé
N’échangent que du vide
Pour l’éternité,
— Présence obligée,
…. salons enfumés.
Ministres et présidents,
Gouvernants du monde
Côtoient tous, en vrac,
Stars et gens d’église…
Ramollissent lentement
Aussi bien ils fondent,
Se retrouvent en flaques
Sur la moquette grise.
–
RC – 27 décembre 2012
–
Ames au poids – (RC)
–

papyrus egyptien.. pesée des âmes
–
Des aventures en mythologies, beaucoup les partagent
Ce sont des dits, des légendes ( et des commérages)
Qui se colportent, en générations, dans les mémoires
Et donnent en naissance, de belles histoires
La pesée des âmes ( d’un poids négligeable)
Devait être comme l’or ( assez rentable)
Bataille des chiffres et ——-marchandages
Et j’organise un p’tit voyage !!
Par convois entiers, ou bien fusées
Les âmes sont partantes pour aller au musée…
Mais y en a qui trichent, comme le Dr Faust
Préférant livraison lente plutot que « chrono-post »
Ayant vendu, comme on le sait, son âme au diable
Et afficher en retour, un sourire aimable,
Qui pourrait convenir à Marguerite – (elle lui fait la bise) …!
Et aux échanges, y a aussi le marchand de Venise
Qu’à sa p’tite affaire, et n’connaît pas la crise !
C’est encore elle ( la crise), qui étonne et défrise..
J’ai donc reçu, y a pas si longtemps , une proposition
D’acheter l’esprit, l’âme et le talent – autorisation –
Pour une vie meilleure, un autre horizon
Ce qui, pour cette âme, était la meilleure solution…
M’étant jamais v’nu à l’idée de posséder deux âmes
Surtout quand l’autre est celle d’une femme…
———- mais tout compte fait, j’vais réfléchir…
Pas sûr qu’ça soit une bonne affaire – pour investir
Cela risque fort de perdre de la valeur
s’il me vient avec, douleurs et malheurs…!
A jouer malin, et passer par-dessus les lois
Même encore légères, les âmes seraient un poids…
Je dirai plus tard, les suites de l »aventure
Et leurs conséquences sur mon futur
Si je rends visite à la voyante, Mme Soleil
Qui a de petits seins, mais gros orteils …!
Elle connaît les comment et les pourquoi …
On verra donc, quel sera mon choix…
–

photo: Sculptures du tympan de Conques ( Aveyron) J Mossot
L’art et notre conscience, au musée (RC)

installation; Joseph Kosuth | Critique | Du phénomène de la bibiothèque | Paris 3e
L’art au musée
Puisqu’il est écrit quelque part que justement on s’y connaît , et sur l’art ,et,en dévotion.
Avec le sublime, avec le précieux, avec l’unique…
Nous sommes toujours prompts à baisser la tête, à dire merci, à demander qu’on nous accorde un peu de culture.
Et cette culture qu’on additionne contre nous-même, contre la nôtre, contre celle de tous les jours.
Celle qu’on ne voit pas, car justement en dehors de l’enceinte sacrée…
On naît domestique et soumis à la dévotion officielle, et si on n’y prend pas garde on meurt pareil, en ayant négligé le vivant autour de nous.
Qui porte autant de valeur, ——– parce que vivant, ——— justement.
–
librement inspiré du texte de Robert Piccamiglio, cité plus bas « dévotion » extrait de « on a affaire à l’existence » ( Robert Piccamiglio , qui a fait l’objet de plusieurs parutions de ma part, notamment « Midlands » voir par exemple l’« épisode 3 », )
et qui figure aussi dans « A la Dérive »- voir le blog très renseigné de Anne-Françoise ‘ de seuil en seuil’
—
— ( à noter que l’image de l’installation de J Kosuth choisie ( critique du phénomène de la bibliothèque ) , relatée par cet article de 2006,
reprend presque parallèlement les gestes de Marcel Duchamp, ( les ready-made )
sauf que celui-ci critiquait l’institution du musée, un siècle plus tôt )… (Cherchez la nouveauté avec les conceptuels)…
RC- le 3 mars 2012
—-
Dévotion
de dévotion puisqu’il est écrit quelque part que justement on s’y connaît en dévotion. Avec Dieu, avec les hommes,
femmes et les musées. Toujours prompts à baisser la tête, à dire merci, à demander qu’on nous accorde un petit pardon. La dévotion d’une guerre qu’on mène contre nous-mêmes, ça coûte cher. C’est calibré dans nos têtes. On naît domestique et si on n’y prend pas garde on meurt pareil.
le crachoir (RC)
En écho aux oeuvres ouvertes, et l’oreille du tyran… voir ici

fragment de statue de Staline. - oreille - Berlin
Au miroir du jour
J’ajoute sans détour
Qu’au tyran de métal
Dont il ne reste du mal
Qu’une vilaine oreille
(ça pourrait être l’orteil)
Mr Duchamp, en ready-made
Aurait trouvé de l’aide
Avec un nouveau sujet
En déplaçant l’objet
Pour en faisre la risée
Dans un beau musée
A cet objet d’hier
Ce serait pissotière
Ou bien un crachoir
A recueillir le noir,
Paroles assassines
Dûes au vieux Staline
Qui f’sait son malin
Dans la ville d’Berlin
Qui faisait son fier
Aux côtés d’Hitler
Son vieux copain d’ami
Devenu l’ennemi
Du peuple, petit père
A gardé la guerre
Et d’vieux souvenirs
Qui feront vomir
Dans cet entonnoir
De l’oreille -crachoir.