Le moine et le poisson – ( RC )

Nous allons suivre au long de ces vers
un jeune moine plein d’ambition,
qui par jeu , ou simple convoitise
entreprit ( pour améliorer l’ordinaire)
d’attraper un petit poisson,
or – qu’on se le dise,
rien dans les Saintes Écritures,
n’interdit, personne, au monastère
de se transformer en pêcheur :
les amateurs de friture
ou de fruits de mer
sont , par nature,
avant tout des hommes :
Ceux qui seraient tentés
( en dehors des pommes )
peuvent toujours, en confession
avouer tous leurs péchés
y compris celui de gourmandise
délaisser un moment la Passion –
pour des préoccupations plus terre-à-terre:
A aucun moment le règlement ne précise
qu’on ne mange pas de poisson
en célébrant le Mystère
les jours sans vendredi :
c’est donc à la fraîche
que notre moinillon
sentant grandir son appétit
partit à la pêche …
– mais son manque de discrétion
fit qu’aucun poisson ne montra son nez,
n’ayant pas envie d’accompagner
les poireaux et le potiron…-
( notre moine revint bredouille
et déclara – devant la communauté -)
…qu’il faudra faire contrition
et se contenter de nouilles
et de bouillon !
Otto Tolnai – la rose de Kichinev ( extrait )
photo : Anne Leroy
… et elle dit espèce de petit samouraï
et elle l’envoie chercher de la chicorée
mais le garçon simplet ne va pas chercher de la chicorée
petit âne têtu qui s’amourache
attend sa mission
l’oncle Béla de Kichinev l’aidera
à recarrier la meule de roses de sable —
bien sûr c’est déjà le sujet d’un autre
poème et peut-être que cela encore pourrait être le sujet
d’un poème à venir
(qui croirait que la poésie pure aussi est ainsi
que la poésie pure est autant thématique)
dans cet autre poème il serait révélé
que ce serait moi le garçon simplet
que la directrice envoie chercher de la chicorée
et il apporte de la chicorée
et nous buvons de la chicorée
et l’odeur de la chicorée s’infiltre
dans le reste de l’hospice
et quelqu’un s’accoude
l’oncle Béla de Kichinev s’accoude lui aussi
pourtant il est perclus
et il dit qu’il sent l’odeur de la chicorée
et ça c’était la vie
parce que la rose d’inde puante est belle
tout comme l’odeur de la julienne aussi est belle
tout comme l’odeur de la bouse de vache fraîche
tout comme l’odeur salée de sperme
de l’huître aussi est belle
mais ceci est le mystère
de la belle vie
personne ne connaît le mystère de la vie
tout le monde croit que c’est plus compliqué
bien que ce soit plus simple
le mystère de la vie est plus simple
personne ne connaît le mystère de la vie
parce que c’est cela le mystère de la belle vie
elle avait une odeur de chicorée
et alors je serais vraiment le garçon simplet
comme le petit Tibi Vigh l’aveugle
tout comme Jonathân Batta avec son basedow azur
parce qu’il y a un hospice dans l’asile psychiatrique
alors ce serait vraiment moi le garçon simplet
parce que j’ai l’habitude de faire un saut pour de la chicorée
parce que je suis le garçon simplet à la chicorée
parce que si tu n’arrives pas à Kichinev
pour Ouigorod avec la rose de Jéricho
il reste encore petit samouraï
il reste encore une mission
petit âne qui s’amourache
j’ai toujours voulu être un poète
avec une mission lointaine
si je meurs dans l’hospice
enlève-moi mes braies
–
la « rose de Kichinev » est extrait d’une parution des éditions » le temps des cerises »
Lou Andreas Salomé – vie énigmatique
photo Pentti Sammallahti
Certes, comme on aime un ami
Je t’aime, vie énigmatique –
Que tu m’aies fait exulter ou pleurer,
Que tu m’aies apporté bonheur ou souffrance.
Je t’aime avec toute ta cruauté,
Et si tu dois m’anéantir,
Je m’arracherai de tes bras
Comme on s’arrache au sein d’un ami.
De toutes mes forces je t’étreins!
Que tes flammes me dévorent,
Dans le feu du combat permets-moi
De sonder plus loin ton mystère.
Être, penser durant des millénaires!
Enserre-moi dans tes deux bras :
Si tu n’as plus de bonheur à m’offrir –
Eh bien – il te reste tes tourments.
Nathalie Lauro – Je flotterai
–
Je flotterai avec
Mes rêves et mes passions,
Bien au dessus,
De toutes ces questions.
Je ne voudrais à aucun prix
Poser les pieds nus sur la terre
Et découvrir un beau matin,
Le sang, les larmes et la poussière.
Mais je voudrais à juste prix
Profiter d’un si grand mystère,
Alors ignorer de plein gré
Incertitudes et suspicions
Puis le cloître de leur prison,
Le noir, le gris, l’enfer, l’envers
Et le pouvoir de tes poisons.
Photo de « vue de l’esprit » – ( RC )
Imagine encore
un esprit sans corps,
c’est davantage qu’un fantasme,
pour entr’aperçevoir un ectoplasme…,
> tout ce qu’on invente :
les tables tournantes ,
et la convocation des esprits,
( s’ils en ont envie ),
Ils pourraient te parler
– ou garder leur bouche scellée – :
tout cela dépend
de quelques ingrédients,
( et juste ce qu’il faut de mystère
avec une cloche en verre ) :
les êtres trépassent,
mais le courant passe …
La photo a surpris
cet évènement fortuit :
c’est un instant unique ,
parcouru d’ondes magnétiques,
leur parcours aléatoire ,
avant qu’on puisse apercevoir
son image : ( attention
à la fragilité de la transmission ! ) :
C’est le visage d’un enfant,
apparu accidentellement :
rien ne le rattache au sol,
comme flottant sur le formol
retenu par des tubes blancs :
des vaisseaux vidés de leur sang,
d’où ce visage indéfini :
c’est ce qu’on appelle fort justement » une vue de l’esprit « .
–
RC – dec 2017
Federico Garcia Lorca – songe – mai 1919
Mon cœur repose auprès de la fraîche fontaine.
(Remplis-la de tes fils
Araignée de l’oubli.)
L’eau de la fontaine lui disait sa chanson.
(Remplis-la de tes fils
Araignée de l’oubli.)
Mon cœur réveillé redisait ses amours.
(Araignée du silence,
Tisse-lui ton mystère.)
L’eau de la fontaine, sombre, l’écoutait.
(Araignée du silence,
Tisse-lui ton mystère.)
Mon cœur tombe en roulant dans la fraîche fontaine.
(Mains blanches, lointaines.
Retenez les eaux !)
Et l’eau l’emporte, chantant d’allégresse.
(Mains blanches, lointaines.
Rien ne demeure dans les eaux !)
Federico GARCIA LORCA « Anthologie poétique » (Chariot)
Blés des causses – ( RC )
photos perso :causses Méjean & Sauveterre
Les petites sorcières de la nuit,
se cachent entre les pierres,
présentes et toujours immobiles ,
même dans la brume du jour.
En silhouettes inanimées ,
elles activent leurs ombres ,
endossant leur poids de silence.
Leur échappant , des vagues vert-jaune
ondulent au sol , caressées par le vent.
Les blés contredisent les gris austères .
Le causse a son discours
empreint de mystère
qu’on ne peut traduire,
avec des mots .
Mêmes les images
ne parlent que d’instants .
son étendue ne se cerne pas .
Comme l’ancienne mer qu’elle recouvre ,
il a quelque chose d’une houle
qui se prolonge aux horizons ,
avant de chuter brutalement
au plus profond des gorges.
–
RC – juin 2017
Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )
peinture : D Velasquez
Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire
L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle
qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…
Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.
Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée
vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….
Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).
On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .
Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.
–
RC
– juill 2017
Je marche dans l’inconnu – ( RC )
peinture: Ellsworth Kelly
–
Là où le monde secret des inanimés perd de son mystère ,
en léchant ses plaies de lumière ,
on se tire difficilement du sommeil ,
dans le parcours des heures qu’interromp le réveil .
On a encore dans la tête , mille rêves .
Ils éclatent, comme une bulle crève ,
quand le jour s’élance
l’aube effaçant le silence
du coeur même de la nuit .
On doit reconquérir son esprit ,
ranger l’armoire à nuages ,
se préparer au voyage ,
- Aujourd’hui nous attend ;
il faut plonger dedans ,
endosser son costume ,
poser ses pieds sur le bitume .
Il n’est pas certain qu’il s’ajuste exactement :
ce matin , je ressens un flottement
entre hier et aujourd’hui :
> pas sûr que ma vie
me suive à la trace :
à mesure, elle s’efface
sans plus me correspondre :
les minutes et les secondes ,
les années anciennes
ne sont plus les miennes :
le temps est discontinu :
> je marche dans l’inconnu.
–
RC – juill 2017
Clarice Lispector – Prends ma main
Prends ma main…
Je vais à l’instant te conter
Comment je suis entrée dans l’ineffable
Qui a toujours été ma quête insaisissable et secrète
Comment je suis entrée dans l’interstice
unissant les numéros un et deux
Comment j’ai connu la frontière qui sépare mystère et feu
Combien souterraine est cette frontière
Entre deux notes de musique vibre une autre note
Entre deux maintenants de vie se glisse un autre maintenant de vie
Et deux grains de sable même inséparablement liés
Sont partagés par un espace infime
Entre deux sentiments se loge un autre sentiment
Et dans toute matière se love un espace
Qui est respiration du monde.
Et cette incessante respiration du monde
N’est autre que ce que nous entendons
N’est autre que le silence.
Jacques Ancet – dire la beauté
*
sculpture H Matisse
Mais dire la beauté ,c’est dire un mot
qu’on écoute pour voir ce qui brûle
les yeux ou simplement les caresse
entre la transparence du ciel
et le regard s’étend le mystère
de l’apparence on cherche à franchir
cet infranchissable en remuant
les doigts et les lèvres il en résulte
ni chant ni mot un petit bruit.
Rabindranath Tagore – au coeur de la création
–
Tu es venu un moment auprès de moi, et tu m’as ému par le grand mystère de la femme,
qui palpite au coeur de la création.
C’est elle toujours qui retourne à Dieu le flot de sa douceur;
elle est la beauté toujours fraîche, la jeunesse dans la nature;
elle danse dans les huiles de l’eau, elle chante dans la lumière du matin;
en vagues bondissantes elle apaise la soif de la terre; en elle éclate l’Éternel,
jaillissant en une joie qui ne peut se contraindre plus longtemps et s’épand
dans la douleur de l’amour.
LVI.
( extrait de la « Corbeille de fruits » )
L’en-faille – ( RC )
–
Pourquoi taire l’amour,
pour que l’amour se terre?
Tant, se soulève, mystère,
Cette terre que je laboure…
En dessous, un feu qui gronde
On perçoit les braises de la faille ,
Terre nourricière, une entaille,
Prête à donner naissance au monde …
–
RC – sept 2015
Anna Jouy – Lève-toi
–
Un texte issu de l’abondant site d‘Anna Jouy, de sa section « prosaïque« –
( une écriture très originale)
—-
la nuit vient de finir au siphon, je l’ai vue tournoyer comme un doigt dans l’eau, dans le sens du temps.
une lune de chrome, visière passoire, brillante, électrique, minuscule lampadaire sur les chutes de mon bain
la nuit silencieuse qui s’en va avec la clochette du chat encenser la lumière, à la fraîche
et moi dedans, corps et rêves à retenir ses fanes.
…cette aube toujours entre nous
la nuit des filles au nombril de diam’s et le reste en deuil
la nuit dont on dit tant de biens et panse tant de maux
composition de mystères, ses potions, ses homélies
la nuit qui voile la terre pour mieux ouvrir le ciel
lever la tête, tendre vers ses étoiles
oh! oui la nuit des femmes, quand tout traîne à la semelle de jour en jour
…c’est bien l’aube
je change de bain et revêts l’étole esclave des messes journalières .
—
Alda Merini – Les plus beaux poèmes s’écrivent sur les pierres
–
Les plus beaux poèmes
s’écrivent sur les pierres
genoux écorchés,
esprit aiguisé par le mystère.
Les plus beaux poèmes s’écrivent
devant un autel vide,
encerclés par des agents
de la divine folie.
Ainsi, fou criminel que tu es
tu dictes des vers à l’humanité,
vers de la rescousse
et prophéties bibliques
tu es frère de Jonas.
Mais dans la Terre Promise
où germent les pommes d’or
et l’arbre de la connaissance
Dieu n’est jamais descendu ni ne t’a jamais maudit.
Toi si, tu maudis
heure par heure ton chant
car te voilà descendu dans les limbes
où tu respires l’absinthe
d’une survie refusée.
–
Le più belle poesie
si scrivono sopra le pietre
coi ginocchi piagati
e le menti aguzzate dal mistero.
Le più belle poesie si scrivono
davanti a un altare vuoto,
accerchiati da agenti
della divina follia.
Così, pazzo criminale qual sei
tu detti versi all’umanità,
i versi della riscossa
e le bibliche profezie
e sei fratello a Giona.
Ma nella Terra Promessa
dove germinano i pomi d’oro
e l’albero della conoscenza
Dio non è mai disceso né ti ha mai maledetto.
Ma tu sì, maledici
ora per ora il tuo canto
perché sei sceso nel limbo,
dove aspiri l’assenzio
di una sopravvivenza negata.
–
Luis Cernuda – Je dirai la naissance
–
Je dirai la naissance
Je dirai la naissance des plaisirs interdits,
Comme un désir qui naît sur des tours d’épouvante,
Barreaux menaçants, fiel décoloré,
Nuit pétrifiée sous la force des poings,
Devant vous tous, même le plus rebelle,
Qui ne s’épanouir que dans la vie sans murs.
Cuirasse impénétrable, lances ou poignards,
Tout peut servir à déformer un corps ;
Ton désir est de boire à ces feuilles lascives,
Ou dormir dans cette eau caressante.
Qu’importe;
On l’a proclamé : ton esprit est impur.
La pureté, qu’importe, les dons que le destin a portés jusqu’au ciel, de ses mains immortelles ;
Qu’importe la Jeunesse, un rêve plutôt qu’un homme,
Au sourire aussi noble, plage de soie dans le déchaînement
Ces plaisirs interdits, ces planètes terrestres ,
Membres de marbre à la saveur d’été,
Suc des éponges abandonnées par la mer,
Fleurs de métal, sonores comme la poitrine d’un homme.
Solitudes hautaines, couronnes renversées,
Libertés mémorables manteau de jeunesses;
Qui insulte ces fruits, ténèbres sur la langue.
Est aussi vil qu’un roi, ou qu’une ombre de roi
Qui se traînerait aux pieds de la terre
Pour ne quémander qu’un lambeau de vie.
Il ignorait les limites dictées.
Limites de métal ou de papier,
Car le hasard lui fit ouvrir les yeux sous un jour si intense
Que n’atteignent pas des réalités vides,
D’immondes lois, des codes, des rues de paysages en ruines,
et si l’on tend alors la main,
On se heurte à des montagnes d’interdits.
Des bois impénétrables qui disent non,
Une mer qui dévore des adolescents rebelles.
Mais si l’opprobre et la mort , la colère et l’outrage ,
Ces dents avides qui attendent leur proie,
Menacent de déchaîner leurs torrents,
Vous autres, en revanche, mes plaisirs interdits,
Orgueil d’airain, ou blasphème qui ne renverse rien,
Vous offrez dans vos mains le mystère.
Un goût qui n’est souillé par nulle amertume,
Un ciel, un ciel chargé d’éclairs dévastateurs.
A bas. statues anonymes,
Ombre de l’ombre, misère, préceptes de brume
Une étincelle de ces plaisirs
Brille en cette heure vengeresse.
Son éclat peut détruire votre monde.
——
extrait de » Plaisirs interdits »
–
Thomas Pontillo – extrait de « Carnet pour habiter le jour »
N’être que colère
et ne pas être colère,
avoir de l’appétit pour un mystère
qui provoque félicité.
Tu tourmentes le secret
puis reviens boire l’eau fraîche dans les arbres.
Il y a tout à apprivoiser, du présent ( RC )

peinture: Sandro Botticielli; la naissance de Vénus 1490
–
D’abord fermer les yeux et les ouvrir ailleurs.
Et puis s’efforcer de la suivre « à l’instinct »
Comme sauter à pieds joints dans un autre monde.
Couleurs déplacées, ombres allongées, végétaux inconnus.
Elle ne connaît d’attraction terrestre,
qu’un pied léger, posé sur le jour qui naît…
Les combinaisons de soi , à elle
les mots qui lui parviennent, ne sont plus les mêmes
Chargés de sens et d’irisations multiples
Un ensemble silencieux, refermé sur son mystère,
Peut-être à contourner, faute d’avoir les clés du passé.
J’ai ouvert les yeux, finalement, à l’audace d’une fusion,
A l’harmonie d’un jour auquel elle accorde des touches de soie,
Comme la naissance de Vénus, de Botticielli,
Ayant l’évidence d’une éclosion, unique et attendue, à nos yeux neufs,
…. Il y a tout à apprivoiser, du présent.
–
RC – 26 mai 2013
En présence de l’inconnu ( RC )
Un quart de tour de terre
Suffit à bouleverser les critères,
Mettre en présence l’inconnu
Aux enfants marchant les pieds nus,
Dans la poussière…
C’est quand même un mystère
De voir arriver par les airs
Et au-delà des mers
Tous ces gens venus d’ailleurs
Et d’un monde pensé meilleur,
Sortant de leur carrosse
Qui se reflète dans les yeux des gosses.
Ils n’en croient pas leurs yeux
Quand viennent se poser devant eux
Brillant de chromes et courbures,
De grosses voitures
Que leurs mains , osent parcourir
Les toucher du doigt, en garder souvenir
Lors d’une courte pause, regards en miroir,
Les reflets du toucher, se jouent en noir…
C’est avoir à portée de mains, le mythe
de l’occident, – que les rêves habitent…
Il y a toujours des pensées avides,
Même pour les bouteilles en plastique, vides.
–
RC – 24 décembre 2012
–
Miguel Veyrat – Je n’aurai pas peur de la mort
JE N’AURAI PAS PEUR de la mort
lorsque s’achèveront les mots,
car ma voix s’anime
au vent qui donne la vie,
qui s’agite
ou qui brille en sombre majesté,
et qui parfois frémit.
C’est plus fort
que l’amour et que la peur,
et plus fort
que la mort tout entière. (Un coq
chantera lorsque s’achèveront
les mots
—mystère: Moitié rêve
et moitié miroir l’aiguillon, silence).
Je serai enfin réel: je mourrai
en train d’agir, en train de vivre.
–
Réminiscences ( la complainte du phoque en Alaska) – (RC)
Réminiscences
–
Il reste Ce qui reste de nostalgie quand la danseuse, tourne, et tourne,
et tourne encore sur elle –même.
Ce couvercle ouvert de la boîte à musique qui multiplie la mémoire entrebaillée
des instants précieux. « Et Qu’çà nvaut pas la peine de laisser ceux qu’on aime,
pour aller faire tourner des ballons sur son nez… »
Il reste toujours quelque chose du geste de ta main.
Il reste ton regard incrusté dans le mien,
plus dru que je pourrais jamais en faire écho sur ma toile.
Il me reste plus qu’un bout du jour, pour voyager avec ta barque d’aquarelle,
qui se dilue dans la brume, et n’arrive jamais, – au voyage immobile comme l’est ma mémoire.
Sur elle la nuit n’aura jamais de prise.
Avec la chanson d’Aubert, rêver d’une autre terre
Qui resterait un mystère… tu serais sa réalité.
Et la terre serait ronde.., si j’étais un phoque en Alaska, j’inventerais une ronde,
en emportant le jour, en emportant les vagues… et nous verrions les berges d’un pays neuf,
au lever du jour, enfin remisé du cadre…
je pourrais alors fermer le couvercle de la boîte à musique, qui me dit en ton nom
cette attente, la complainte.
« Qu’çà nvaut
pas la peine de laisser ceux qu’on aime,
pour aller faire tourner… »
RC 3 juin 2012
PS: tout le monde aura bien sûr reconnu mon rappel de la chanson de « Beau Dommage », écrite par Michel Rivard… l’aquarelle ci-dessous est de Martine Bernier.
Inspiré du dernier post de Nath: « le fond de la coupe »
–
Apparition – les regards d’Edouard Manet (RC)
peinture: Edouard Manet -détail – le bar des Folies Bergère
Apparition –
–
C’est un chemin, qui progresse avec le temps
Sans savoir ce que réserve, la brise du geste
Le tracé, dont on perd la maîtrise, peut être funeste
Du doute qui s’installe, et attend
Ton apparition mystérieuse au-delà de la voile
Amenée par un souffle, une intuition
Avec, pour couleurs, l’écho de la passion
Qui se livre passage, au cœur de la toile
On dirait même qu’elle progresse
Dans le feutre, et la densité de la nuit
Souveraine aux noirs de son puits,
Les couleurs concentrées, qu’on délaisse
Et c’est du jour , que je vais cueillir
La matière même du mystère
Aux sensations d’ocres et de terre
Carnations et éclats, à rejaillir
Et, pour l’éclat, celui de ton regard
Qui me guette et qui vient
Recueillir , et capter le mien
En deçà de la peinture, et de l’art
RC 22-mai 2012
.
( avec en tête la façon dont E Manet rend le regard de ses modèles)
Aspirateur de leurres – ( RC )

peinture; Ferdinand Hodler: le bon samaritain
De temps en temps – ce n’est pas dommage …
Nettoyage et ménage, rime avec balayage
Dissection du futur, aide précieuse des oracles
Je sais, – de nos jours, on fait des miracles !
Car cela ne fait pas mystère
Même la tête à l’envers
Regardant notre terre
Et notre vie de poussière
On décompte – heurts et malheurs
Et grâce à l’aspirateur de leurres
S’il ne reste qu’un point lumineux
Il sera pour toi – j’en suis heureux
C’est quand même , bien l’espoir
De ne plus broyer que du noir
( ç’aurait pu être pire ! )
Qui soutient l’acte d’ écrire
— RC 11 et 13 avril 2012
inspiré du post de JoBougon… et un peu modifié depuis.
Liberté et langue de bois (RC)
–
Le paradoxe de la liberté
C’est de vouloir la regagner
Mais qui a dit qu’on l’avait une fois gagnée?
Ou si on en a l’idée, seulement en petite quantité …
Elle est effectivement délimitée
En actualités et calamités
Et quand on la saisit, c’est de joie
— et quand on la perd, nous sommes aux abois
Aussi tant que peut se faire
Ne pas en faire de mystères ( ni se taire)
C’est l’inverse des politiques et rois
Oui, justement, les grands discours en langue de bois
Une langue ,où parler équivaut à ,ne rien dire
– je préfère dans ce cas un concert de poêles à frire
Et garder la liberté de penser… plutôt que celle, mitée
Des discours des phraseurs (tout en habiletés )
Car même en captivité , l’esprit humain s’échappe
Les colombes volent, et personne ne les attrape
—
RC 11 avril 2012
–
Henri Thomas – Ma tombe
Ma tombe.
Ma tombe voyage, un jour elle est là,
sous les peupliers, à peine indiquée,
un jour ici, quel vaste mausolée,
le marbre au granit mêle son éclat !
C’est aussi la mer, c’est aussi le feu,
tantôt j’y suis seul, tantôt j’y suis deux,
entortillé dans une chevelure,
on est bien ensemble, on est des lémures.
on m’a mis aussi sur la ronde tour
festin pour le soleil et le vautour,
On m’a mis aussi dans la jarre peinte
après quantités de pratiques saintes,
On m’a mis aussi… mais c’est un mystère.
J’ai mille tombeaux sur la vieille terre.
Henri Thomas. « Le Monde absent » 1947.
–
Cribas – Le carcan du poète
Le carcan du poète
Par Cribas le dimanche 31 décembre 2006,
–
Qu’on s’en aille !
Au loin
Le cœur des malfrats
De la poésie.
Je suis un voleur de mystères
Un extincteur avec des gants.
Lorsque je mets le feu aux vers
C’est que je vois rouge
Du bout de mes phalanges
Je nage heureux dans l’indécent.
Un seul instant,
Mais pour toujours.
Au diable les corneilles
Et les pies de passages.
Je délivre un message
Car je rêve ou je m’éveille,
Devant de blanches colombes
Ou des ailes de mésanges.
Un instant,
Mais pour toujours.
Que je m’en aille
Au loin !
Le cœur en petites phrases
D’hérésie soudain !
–
—