On ne verra pas le troupeau de brebis brouter tes cheveux – ( RC )

Vois-tu, si je me lève
je n’ai pas souvenir des mêmes rêves…
J’étais allongé sur le sol
et nulle part il n’y avait de route,
Au-dessus , le ciel m’entourait de sa voûte .
Le vent pousse des nuages
et les accompagne longtemps dans leur voyage.
L’un d’eux s’est distingué
en prenant l’allure d’un cavalier,
mais aucun (que je ne sache)
ne ressemblait à une vache…
Quelques champs pelés
réclamaient leur dû
car il n’avait pas plu
de presque tout l’été.
Quelques arbres échevelés
gardiens de la draille,
et au loin les sonnailles
de bêtes égarées…
Ce n’est pas encore aujourd’hui
qu’on verra la lune
entourée de brumes
ni le troupeau de brebis
brouter tes cheveux
même si la terre
partage beaucoup de mystères
avec les cieux…
–
voir aussi le post de Jean Tardieu : nuages
Jean Métellus – dans la nuit

Dans la nuit,
Couleur de ma peau, ciment des mystères,
Silence du soleil, démence des despotes
Un rêve instable murmure les hauts faits de l’histoire
Déplisse les cicatrices habitées par le temps
Dans la nuit,
Royaume des maudits, forteresse à jeun,
Forêt de peurs et de pleurs
Le goût de la lumière allumera-t-il la colère
Brisera-t-il la tutelle de l’ignorance et de l’impudence ?
Dans la nuit,
Baptistère et suaire des prières,
Terreau et tombeau des songes,
L’étreinte de la douleur vient froisser une tapisserie défaite
Elle effrite une mosaïque déjà en miettes
Dans la nuit,
Abri et prison du désir et des promesses
Mon pays affamé, craquelé, se réveillera-t-il ?
Mes frères bâillonnés, malmenés, se lèveront-ils ?
Malgré la misère, malgré les chimères
Malgré les convulsions des illusions
Libéreront-ils des mots d’aurore et d’ambre ?
Ils chanteront l’espoir,
Sanctuaire de l’audace et de la foi,
Demeure de la sagesse qui domine les hasards.
Jean Tardieu – fantômes

Ce n’est pas tout à fait la terre
que connaît un chacun.
Je découvre mille mystères
Dans les coins, un par un.
Le train, c’est une histoire étrange
avec tout ces regards !
Aux braves gens les mauvais anges
sont mêlés tôt ou tard.
Une route se remémore
tous les pas disparus
Mais elle attend — et rien encore
n ‘est vraiment apparu.
Qu il faille un peu manger pour vivre.
On connaît bien cela
Mais je veux qu’un dieu noua délivre
de qui nous mangera.
J’ai vu souvent de longs passants
sur l’asphalte foncé :
Ce n’étaient que des vêtements
où loge la fumée.
Peut-être, étant assez distrait.
m’étais-je trompé d’heure
Et les ai-je vus de trop prés
Au moment où ils meurent.
Moi-même, un jour, prés d’un miroir
Je fus bien étonné
de ne plus rien apercevoir
Ni mon front, ni mon nez !
Le ciel passait à travers moi
Tout était calme et lisse
Et j’entendais le temps qui glisse
Sur le sol gris et froid.
1940
texte publié dans la revue « poésie 84 »
Sophie Fauvel – la pierre

photo George Priebus – Cleons – Grèce
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Un souvenir présent,
Un brin de coquelicot,
Un parfum de sanglot,
Pour que jamais le vent
N’efface nos mystères.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Fleurie de nos amours
Des secrets interdits,
Des verbes alanguis,
Des nuits comme des jours,
Une lune coquine,
Des soupirs d’amour.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Une douce caresse,
Nos plus belles promesses
Epargnées par le temps.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Mon corps à moitié nu
Drapé de la lumière
De tes soleils perdus
Et pour te réchauffer
Embrassé la terre brune.
Elle vogue ta galère
Toutes voiles dehors
Gonflées de nos instants
En Toi coule mon sang.
J’avais posé naguère
Sur cette sombre pierre
Le rire de nos 20 ans.
Sophie FAUVEL ( provenance: le manoir des poètes)
Galette des bois – ( RC )
Gravure: Odilon Redon
C’est sans doute la fête,
car chaque soir
surgit dans le noir
de la lune, la galette
On la distingue à travers les bois
qui s’envole comme un phylactère
au dessus de la terre
toute à sa joie
de monde solitaire
satellite dégarni
nouvelle épiphanie :
Reine des déserts
observatrice nyctalope
de nos mystères,
divine commère
à l’oeil de cyclope .
–
RC – avr 2017
L’alphabet des métaphores – ( RC )
–
Ecoute le tressage des abeilles
Le bourdonnement de la ruche,
L’alphabet des métaphores…
Je dois contempler la lumière ,
M’agenouiller pour regarder
Les gouttes d’étoiles prisonnières d’une toile d’araignée,
Après avoir suivi des cours d’eau
Leur course étalée comme les doigts
Ou les nervures d’une feuille sur le sol,
La palette du ciel abrite toutes les nuances du vent
C’est un haut clocher,
On ne peut pas l’atteindre sans s’arracher au sol
Et les strates empilées des terres et rochers
Une colline est une voix à l’intérieur ,
Les arbres essaient d’en saisir les mystères,
En creusant plus profond encore,
Et dialoguent avec l’appel des saisons.
Peut-être y a-t-il beaucoup à lire,
Sous l’écorce de la matière,
Les nuances de l’écriture qui y est cachée,
Passent de l’anthracite à l’ivoire,
En ne négligeant aucune couleur de l’arc-en-ciel.
–
RC- mars 2015
Dominique Boudou – L’homme qui marche – 1

Mel Drucker – sculpture en fil métallique: homme marchant avec chiens ,
L’homme qui marche #1
Il faudrait souffler comme les autres hommes
A cette pause qui n’a pas de présence
Dans laquelle je m’oublierais pourtant
S’il n’y avait pas tous ces mystères
Sous nos pas
La tentation du jardin encore
Qui miroite au fond de tes yeux
Deux chaises intemporelles
Autour des cercles de l’eau
La grille qui grincerait
Comme elle grinçait tu t’en souviens
Le parfum de la terre
Dont nous savions le partage
Allons sois raisonnable
Je ne veux pas pleurer
Un autre enfant passe
Qu’on n’a pas remarqué
Qui connaît tout du chemin
Un enfant qui n’a pas d’enfance
Variation peu crédible, sur des évènements d’antan ( RC )
Marie est au bout d’une ficelle, à dépenser idées congèles
C’est un jeu de maux, jeu de vilains qui joint le geste
Aux paroles des étoiles, à compter les pieds, de nez,
Mettant voile et vapeurs, rien n’est sûr, ni le pied marin
Ce qui souffle en rêves coincés, s’étale dans la ruelle
Les murs ont des oreilles, les forêts appellent
Des doigts de velours, et rondement
Feuilletant le libre air ( par le plus grand des hasards)
Marre debout, roue dantesque, rien n’avance
Dans un passé, où l’orne hier, restant présent.
Idées congelées et mouvements suspects,
Voici un autre chapitre, qui se dépense
En gestes immobiles, alors qu’autour, tout remue
Madame, derrière son voile
Est assise et médite, sa fenêtre entr’ouverte
Juste un rayon de lumière filtre, d’entre nuages
Il apporte une bonne nouvelle,, — un ange passe
Et d’une flèche, illumine son visage
A cette venue, s’il est bien des mystères,
Il faut peu de choses, parfois
Pour faire parler de soi, sur la terre,
L’annonce aura mission de livrer un garçon!
–
Ramah Zeraï – dès que tu laisses tomber ton voile noir
Toi, dès que tu laisses tomber ton voile noir, les fantômes se réveillent et les mystères grandissent.
Il y en a qui partent la nuit, discrètement, comme pour ne pas déranger, d’autres arrivent à l’aurore.
Dans le désert, à la lueur de la lune, nous avançons dans le silence.
Le crissement du sable sous nos pieds. L’allure est lente et régulière. Quand nous prenons un peu de repos, les conteurs évoquent les esprits.