Sans dérogation – ( RC )
Le rêve du bâtisseur est
de toucher les étoiles, au plus près .
Il traduit l’orgueil des commanditaires
voulant toujours montrer
par la hauteur de leurs tours
qu’ils veulent dominer le monde .
Le mythe de la tour de Babel,
a donc encore cours,
mais se heurte toujours
un jour ou l’autre
aux lois de la physique ,
ne connaissant pas de dérogation .
Il semble que nos gouvernants
en font de même,
et jouent de leurs muscles
pour impressionner le voisin
en fabriquant des armes
de plus en plus meurtrières.
( C’est pour la dissuasion,
nous assure-t-on … )
– Donc si on comprend bien,
ce serait pour ne pas s’en servir :
on se demande alors à quoi bon
fabriquer de ces choses censées être inutilisées.
En attendant l’argent qu’on y consacre ,
et les inventions qui n’ont de potentiel
que machiavélique et destructeur,
détournent le réel du quotidien
en oubliant que nos pieds reposent sur terre ,
et sont moins concernés par une guerre des étoiles…
Car c’est bien détourner les esprits ,
de toujours embrigader les nations ,
dans une course folle à la puissance ,
alors même que les habitants
n’en tirent aucun avantage,
sinon vivre sous la crainte .
Ceux qui habitent de l’autre côté de la frontière ,
entendent le même discours,
et on les convainc, de même,
d’entretenir une armée,
de faire des recherches avancées,
et d’épier les voisins .
Ou bien , par le jeux des alliances ,
dont la stratégie n’est pas innocente ,
on détermine des zones d’influence ,
généralement situées sur des zones
où les richesses naturelles,
ne demandent qu’à être exploitées …
– jusqu’à ce qu’elles meurent d’épuisement,
ou que la technique
s’appuie sur d’autres ressources .
On se demandera quelques siècles plus tard,
pourquoi, – si on regarde Detroit, par exemple, –
des villes faramineuses et palais gigantesques
n’abritent que des courants d’air,
et font figure de spectres,
incongrus à la lisière de déserts .
Des pays où la vie, à l’instar de l’eau
s’est lentement retirée, dilapidée
pour la richesse et le confort de quelques uns..
De ces eldorados provisoires où
on a préféré se nourrir de pétrole … ,
le sol ( et leurs habitants ) se rappelleront ,
qu’il est plus facile de déplacer des capitaux ,
que des rivières et des forêts .
Comme pour les bâtisseurs, les lois de la géographie
sont sans dérogation
–
RC – juin 2017
Rêves d’Amérique – ( RC )
–
C’est une image que colporte le rêve :
C’est toujours mieux ailleurs,
Alors…
Tu as rêvé de l’Amérique,
Comme tant d’autres ,
parcourant les mythes,
et celui, bien entretenu,
de la géante de cuivre,
portant haut la flamme, et ceinte,
Comme pourraient l’être ceux qui s’en réclament,
D’une bannière aux multiples étoiles,
Etoiles blanches sur un bleu profond,
parfaitement alignées,
comme les tombes, dans les cimetières de la liberté,
des soldats ( américains, justement).
« America, America » d’Elia Kazan,
révèle le parcours de l’immigrant,
prêt à affronter tous les obstacles,
pour réaliser son rêve, qui coïncide aussi
à la perte de son identité,
parti pour un voyage sans retour.
Vivant de l’intérieur la sensation de déracinement
malgré son désir d’appartenance .
Les hommes qu’on croise,
n’ont plus le visage des conquérants.
Seul le commerce porte à le croire :
Ils ont les paupières lourdes ;
Ils ont englouti leur passé,
Et n’ignorent plus que ,
sur la bannière,
Les bandes rouges peuvent être aussi,
Un chemin de sang,
Comme l’a été celui de millions d’hommes,
Importés comme esclaves,
Il n’y a pas si longtemps.
Tu as rêvé d’Amérique,
Mais les étoiles ont pâli,
Et le ciel est sale.
La liberté tant vantée,
( surtout celle de faire de l’argent, )
Se mesure à leur poids de dollars
Où rivalisent ceux qui ont réussi.
C’est une partie de l’Amérique qui fanfaronne,
qui joue de sa sur-puissance,
et va guerroyer au Viet-Nam, ou ailleurs.
Mais il y a l’autre côté, qui étend ses bras de pieuvre
Le côté plus obscur, celui
des « raisins de la colère »,
Celui des hommes meurtris,
Dont on ne parle pas .
Eux connaissent l’Amérique de l’intérieur,
Et leur destin empêché les enfonce
dans la catégorie des « loosers » :
Leurs songes ne sont pas les mêmes… ;
Les étoiles se sont changées en pluie de larmes…
—
Ainsi , tu ne rêves plus d’Amérique ?
–
RC – juill 2015
Leon Felipe – Ne me racontez plus d’histoires
–
NE ME RACONTEZ PLUS D’HISTOIRES
Je les ai toutes comptées et contées,
Elles ont tous été dites et écrites.
Elles ont toutes été mises en bobines et archivées.
Le vieux patriarche les a racontées,
le chœur et la nourrice les ont racontées
un imbécile les a dites, plein de rage et de vacarme,
on les a gravées sur la fenêtre et sur la roue
et on en a conservé les matrices dans des coffres-forts.
Il existe des répliques exactes de toutes les tragédies,
des disques de toutes les psalmodies,
des photographies de tous les naufrages.
Pas une histoire n’est perdue. Soyez tranquilles.
On sait que le poème est une chronique,
que la chronique est un mythe,
l’Histoire un serpent qui se mord la fable
et le poète domestique le chroniqueur du Roi et de l’Archevêque :
le conteur d’histoires.
Tout est enregistré.
Et toutes sont encore vivantes. Le crieur public passe :
« Histoires !… Histoires !.. Histoires ! »
C’est le vieux conteur d’ombres et de rires
qui fait la publicité pour les histoires.
Mais je ne veux pas d’histoires…
Ne me racontez plus d’histoires.
II
JE CONNAIS TOUTES LES HISTOIRES
Je ne sais pas grand chose, c’est vrai.
Je dis seulement ce que j’ai vu.
Et j’ai vu :
que le berceau de l’homme on le berce avec des histoires…
Que les cris d’angoisse de l’homme on les noie avec des
histoires…
Que les pleurs de l’homme on les étouffe avec des histoires…
Que les os de l’homme on les enterre avec des histoires…
Et que la peur de l’homme…
a inventé toutes les histoires.
Je sais vraiment peu de chose, c’est vrai.
Mais on m’a endormi avec toutes les histoires…
Et je les connais toutes.
En présence de l’inconnu ( RC )
Un quart de tour de terre
Suffit à bouleverser les critères,
Mettre en présence l’inconnu
Aux enfants marchant les pieds nus,
Dans la poussière…
C’est quand même un mystère
De voir arriver par les airs
Et au-delà des mers
Tous ces gens venus d’ailleurs
Et d’un monde pensé meilleur,
Sortant de leur carrosse
Qui se reflète dans les yeux des gosses.
Ils n’en croient pas leurs yeux
Quand viennent se poser devant eux
Brillant de chromes et courbures,
De grosses voitures
Que leurs mains , osent parcourir
Les toucher du doigt, en garder souvenir
Lors d’une courte pause, regards en miroir,
Les reflets du toucher, se jouent en noir…
C’est avoir à portée de mains, le mythe
de l’occident, – que les rêves habitent…
Il y a toujours des pensées avides,
Même pour les bouteilles en plastique, vides.
–
RC – 24 décembre 2012
–