Elle fonce
Valery Larbaud – Thalassa ( fragment )
peinture: Charles Sheeler
Bruits du navire ; voix dans un corridor,
Craquements des boiseries, grincements des lampes oscillantes,
Rythme des machines, leur odeur fade par bouffées,
Cris mangés de vent, qui brouillent la musique
D’une mandoline égrenant : « Sobre las oias del mar… »
Et le bruit coutumier qui finit par être silence.
Oh ! sur le pont, là-haut, le vent long et féroce, le vent-pirate
Sifflant dans les cordages, et faisant claquer comme un fouet
Le drapeau de bandes et d’étoiles aux trois couleurs…
Valéry LARBAUD « Les Poésies de A.O. Barnabooth »
Dimitri T Analis – L’île, le réveil
L’île, le réveil
Tu t’éveilles, et ce lieu se répète
Dans la faille de sa nudité
Un nœud d’or, éblouissant, intact
Annonce un midi recommencé.
Tu t’éveilles, et ce même lieu fixe
Son regard sur ton épaule nomade
Tu comprends mieux, tu caresses
L’été d’une main encore tiède.
Instant sans date, tu as quitté l’île de l’oubli
Et calciné tu navigues dans le corps de l’amour
En laissant un creux grand comme un navire
Qui brûle l’horizon à la montée du jour.
Luis Mizón – Tu as souvent navigué dans ce navire démantelé
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photo: Benoît Vignet : navire échoué au Chili
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Tu as souvent navigué
dans ce navire démantelé
à la dérive.
Tu connais la coque de bois oscillante
le mascaron au front fendu
et le spectre des voiles
aboyant dans le brouillard
lorsque tu reviens chez toi du fond
de la mer
aveuglé par les vagues miraculeuses
dans le désordre de la houle.
Lorsque tu reviens en titubant
les bras ouvert
accrochés aux fils de la lune.
Lorsque tu montes de la mer à ta maison
à l’aube
couvert d’étoiles de mer.
…
( par rapport au document image Luis Mizón est aussi de nationalité chilienne)
Etienne de l’Abbaye – A l’avant de sa colère
sculpture: J Pierre Baldini
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A l’avant de sa colère
E de l’Abbaye propose beaucoup de ses créations sur son site « carburatrices »
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Là , où s’accrochent les lointains sur la toile … ( RC )
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Il est une joaillerie fragile,
Suspendue aux fils,
Toujours bien peignés,
De la toile d’araignée
Ce sont des gouttes pour décor,
Des perles de colliers lisses,
Qui, lentement s’épavorent,
Quand la journée glisse,
En arabesques changeantes,
Les insectes au vol léger,
Viennent alors s’y piéger,
Car la toile est transparente…
Et si c’est une autre toile,
Qui piège le paysage,
Ses étés et ciels d’orage,
Et des myriades d’étoiles.
Par petites nuances
Le tourbillon des doigts lestes
Où de grands gestes,
Soudainement dansent,
Quelques pas de lumière,
Accrochés sur les pourpoints,
Et habits de satin,
L’embarquement pour Cythère…
Nous entrons dans un monde imaginaire,
Emportés dans une aventure,
Où s’affrontent les couches de peinture,
Le cheminement du regard s’y perd,
Jusque dans les aires lointaines
Les miroirs des eaux croisent les jours.
Où , portés, par des ailettes, de jeunes amours
Traversent une perspective incertaine….
Tous ces personnages, ensemble
Se promènent comme dans un parc,
Tandis que l’on embarque .
Et l’eau se ride, et tremble…
> Laissons partir ce vaisseau,
Jusqu’au bout du monde,
Où les couleurs se fondent,
Et aussi …. les coups de pinceau .
Chaque regard est neuf ; aucun n’est usé,
La peinture, a traversé le temps,
Même à travers quelques instants,
Accrochés au musée.
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RC – juillet 2014
Onde portée en soi ( RC )

photo: le vaisseau fantôme, Teatro Comunale, Bologne
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Onde capitaine
Navire sans attaches,
Hollandais volant,
Fol éclat de rien,
Sous l’obscurité liquide
Orage de fond de miel,
Du vin dans mes veines,
Je dérive entre îles,
A l’exercice du réveil,
Abordant une terre,
Amère de vérité,
Les voiles en lambeaux,
C’est un adieu au rêve…
J’étais porté par les songes
Et j’écrivais sur le sable,
Egaré, enfui dans des inconnus,
Et le ressac emportant mes phrases,
Effacée, ma mémoire,
> Les pieds revenus sur la terre.
–
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RC – 28 mai 2013
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je ferai aussi le lien avec l’article de JFK, son intéressant site, et plus précisément son « écrire sur le sable », où il nous évoque la blogosphère…
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Adonis – la plume du corbeau
LA PLUME DU CORBEAU
1.
Je viens sans fleurs et sans champs
Je viens sans saisons
Rien ne m’appartient dans le sable
dans les vents
dans la splendeur du matin
qu’un sang jeune courant avec le ciel
La terre sur mon front prophétique
est vol d’oiseau sans fin
Je viens sans saisons
sans fleurs, sans champs
Une source de poussière jaillit dans mon sang
et je vis dans mes yeux
je me nourris de mes yeux
Je vis, menant mon existence
dans l’attente d’un navire qui enlacerait l’univers
plongerait jusqu’aux tréfonds
comme un rêve
ou dans l’incertitude
comme s’il partait pour ne jamais revenir
2.
Dans le cancer du silence, dans l’encerclement
j’écris mes poèmes sur l’argile
avec la plume du corbeau
Je le sais: pas de clarté sur mes paupières
plus rien que la sagesse de la poussière
Je m’assieds au café avec le jour
avec le bois de la chaise
et les mégots jetés
Je m’assieds dans l’attente
d’une rencontre oubliée
3.
Je veux m’agenouiller
Je veux prier le hibou aux ailes brisées
les braises, les vents
Je veux prier l’astre dérouté dans le ciel
la mort, la peste
Je veux brûler dans l’encens
mes jours blancs et mes chants
mes cahiers, l’encre et l’encrier
Je veux prier n’importe quelle chose
ignorante de la prière
4.
Beyrouth n’est pas apparue sur mon chemin
Beyrouth n’a pas fleuri – voyez mes champs
Beyrouth n’a pas donné de fruits
Et voici un printemps de sauterelles
et de sable sur mes labours
Je suis seul, sans fleurs et sans saisons
seul avec les fruits
Du coucher du soleil jusqu’à son lever
je traverse Beyrouth sans la voir
J’habite Beyrouth mais je ne la vois pas
L’amour les fruits et moi
nous partons en compagnie du jour
Nous partons pour un autre horizon
–
traduit de l’arabe ( auteur libanais ) – par Anne Wade Minkowski
Chants de Mihyar le Damascène Sindbad
La Bibliothèque arabe 1983
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Jean Daive – Le monde est maintenant visible .
Le monde est maintenant visible
entre mers et montagnes.
Je marche entre les transparences
parmi les années
les fantômes
et le matricule de chacun.
Les pierres
les herbes sont enchantées.
Tout se couvre
jusqu’au néant
de pétroglyphes.
Je compte les mâts
penchés près du rivage.
À perte de vue, la prairie des cormorans
car chaque maison est un navire
qui se balance.
Plutôt le crime ou plutôt
la mort des amants ou
plutôt l’inceste du frère
et de la sœur ou ―
je prends le temps
de manger une orange.
Dans ces moitiés d’assiettes et
autres fragments trouvés
avec pierres taillées, dessinées ou peintes
masse de cailloux, graviers avec sable
mesurent un site
une ville que j’explore
avec l’énergie d’un oiseau.
.
Jean Daive, L’Énonciateur des extrêmes, Nous, 2012, pp. 39-40.
–
Souvenir voyageur ( RC )
En parcourant le blog d’Oceania,
j’ai fait comme souvent, un parcours dans les lointaines parutions dans le temps, pour les réactualiser…
je suis donc parti du poème de Louis Brauquier, pour varier sur sa page
et en voici le résultat…
—–
Lorsque mon souvenir ira voyager dans vos paroles
En possible accueil, c’est une trace ténue
Qu’en vous soigneusement, vous garderez émue
En une dernière escale, comme une aile frôle
Au plus sûr de votre cœur, ce sera une place.
Pour l’ ami aux paroles prodigues
Ayant peut-être égaré le nom, qui navigue
Au milieu de l’esprit que rien n’embarrasse
C’est un homme vivant qui part et s’élance
Comme un ciel d’orage sur les mâts
L’homme le plus tenté par l’amour s’ébat
Et pousse les navires avec élégance
Eugénio de Andrade – Les paroles
Eugénio de Andrade – Les paroles
Elles sont comme un cristal,
les paroles.
Certaines, un poignard,
un incendie.
D’autres,
seulement de la rosée
Grosses de mémoire, elles viennent en secret.
Incertaines, elles naviguent ;
navires ou baisers,
les eaux frémissent.
Désemparées, innocentes,
légères.
tissés de lumière,
Elles sont la nuit.
Même pâles,
elles rappellent encore de verts paradis.
Qui les écoute ? Qui
les recueille, ainsi,
cruelles, défaites,
dans leur nacre pure ?
Bricolage matinal – de Bleu pourpre
Bricolage matinal
L’ultime présence de l’instant est à portée de doigts , ainsi, fouiller l’intime et mettre à jour la palette de mon ample grondement.
Ciel de plomb et pourtant…un regard comme déversé vers l’horizon suffit pour avoir les entrailles épousées par une lasure fine de bleu lavé.
Puis,
La lueur qui s’entête à se défouler derrière les lourdeurs du temps …
Alors… permettre au tourbillon de devenir transparence.
Et défiger l’instant
Là
Il y a une fenêtre, tant que j’aurai des yeux derrière les tempes, il y aura une fenêtre et un soleil qui joue à taper à ma fenêtre…je l’ouvre ou l’entrouvre, ça dépend du choix du sable.
Il y a du vent , tant que j’aurai des joues offertes, il y aura du vent…avec à sa bouche des mélodies, des symphonies, des fados , des blues et les chorales du diable … ça dépend si je suis rouge ou si je suis bleue.
Du vent qui viendra me souffler les poumons et m’écarquiller devant des horizons à marée haute…
Puis, sûrement un navire , un trois-mâts aux voilures gigantesques, perçant la brume opalescente des sorties de nuit … je l’ai construit avec un vieux radeau qui traînait là, que j’ai trouvé dans un élevage de coquillages . C’est un bricolage d’entre deux heures, me le pardonnerez-vous ?
Fuir la perfection et s’adosser à l’inattendu…
J’ai la paume ouverte au présent .
Ne rien attendre est ma robe de papier de soie.
Ne rien attendre est le jasmin qui s’enroule à mes chevilles.
Une serrure au creux du ventre, l’image est vraie, et étonnante, une serrure, même deux, voyez-vous, j’ai deux serrures au creux du ventre . Je crois avoir cherché les clés, mais des clés qui n’existent pas ou plus…je crois qu’à force d’avoir essayé des clés non – adaptées, j’ai du forcer mes deux serrures, et les laisser béantes d’inaptitude .
Un flot de sang s’en est échappé à mon insu jusqu’à ce que ça m’allonge de force, là, sur une plage blanche et brûlante.
Je suis debout, avec ma robe de papier de soie et mon jasmin odorant autour des chevilles.
Je suis bien, là…
Parmi les fleurs oranges
Et les dunes de chévrefeuilles.
Je laisse mes serrures se recouvrir , je leur offre un tapis vierge qui deviendra un autre trésor intime.
La paume ouverte au présent et adossée à l’inattendu du parfum des vents autour, tout autour…
Nathalie 18 aout 2011
communiqué grâce à bleu-pourpre et sa « tentative de lumière » ( elle y parvient) , sur son article – je l’en remercie