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Les beaux restes – ( RC )


publicité ( sans le texte ) de Christian Dior, modif perso

Après les lendemains de fête,
voilà que s’apprêtent
les mains qui sortent de l’ombre
tenant un petit pot de vernis
en équilibre sur deux phalanges,
car les squelettes ont toujours envie
de vernis à ongles.
parce qu’ils ont cette coutume étrange
de pousser encore,
longtemps après la mort ;
personne n’aurait l’idée
de raboter des serres aiguisées…

Autant se faire une beauté,
( déjà la bague ne jette plus d’éclats ) :
il n’y a plus de soleil en bas,
ou bien c’est un astre noir
enfoui dans la terre,
qu’on ne peut pas voir :

Un léger maquillage
ne peut vous faire ombrage
on ne sait plus très bien si çà sert :
Oublié le rouge à lèvres
des noces funèbres !
nous nous contenterons d’un autre décor

je peindrais bien votre main en or – ,
mais les ongles en noir,

( je suis sûr
que ça entretient l’espoir…
Acceptez cet auguste geste
pour une vie future…
Vous avez de beaux restes,
je vous l’assure ! )…


Jean-Claude Deluchat – ma barque


illustration 33domy ( centerblog)

Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup
J’aurai dedans ma barque des gibiers et des fleurs
Des agapanthes bleues des baisers dans le cou
Une veine battante pour l’artère des chœurs
Des chants à perdre haleine dans la laine bergère
Qu’un souffle de printemps vient renaître par l’eau

Pour une aire de soleil et un sourire de frère
Qui sait me recueillir au chagrin du sanglot
Venez ici le jour est une aube fertile
Les nuages du ciel sont des cygnes si blancs
Qu’on dirait que les mois s’appellent tous avril
Et qu’un baiser de braise s’est assis sur un banc

Un banc de fruits vermeils et de levers charmés
Par un bruit de marées et de sables venus
Pour le marin perdu et le port arrimé
Jusqu’aux jetées gagnées et le phare des nues
Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup

Un air de noces claires par la source des vents
Une graine posée dans le terreau par où
Ma nuit s’est maquillée et desserre les dents
Sa candeur vermillon a des lèvres de fruits
Et ses seins contre moi sont un tissu de cœur
Qui serrent à mourir comme on sert à minuit
Aux cuivres des saxos des goulées de clameurs

Quelques mots que je sais hors les dictionnaires
Sans besoin de version pour perdre le latin
La toile rouge et noire et l’absinthe ouvrière
Et les tournées gratuites que servent des quatrains
Des dimanches de soie et d’oiselles moqueuses

Des demoiselles folles aux guêpières ouvertes
Quand le temps est à rire sur des berges heureuses
Pour se coucher sans gêne à même l’herbe verte
Je n’aurai pas grand-chose et ce sera beaucoup
Pour les enfants malades et leurs plumes égarées
Je veux qu’ils dorment au chaud en leur toile cachou
Que leurs souliers de cuir leur soient dûment ferrés
Qu’ils jouent à perdre haleine aux hochets rigolos
Et que le soir venu je relève leurs draps
Pour la dernière goulée d’un verre de vin chaud
Dans un tendre soupir aux caresses de chat
Que les faveurs des flots nous portent des voyages

Au plus loin de l’ivresse et des danses de feux
Pour ces gamins heureux jusqu’au bout de leur âge
Dans des pays nouveaux sans la larme des yeux
Bien loin sont les faïences aux halos scialytiques
Bien loin restent les fièvres et les terreurs passées

Je veux ma barque douce pour unique viatique
Chargée d’éclats de rires et d’énormes baisers …

—-

Jean-Claude Deluchat


Georges PEREC – Epithalames


 

Haggadah

Gerhard  Richter – Haggadah

 

 

Donne-moi ce murmure

ce chemin en écho

où commence ce dire

Mon cœur incendié remue une cendre noire

Rumeur rêche d’une corne d’or

Chimère de mercure ou de chrome

Une déchirure inconnue de douceur

Mienne, comme mon émoi même

 

 

 

Epithalames ( Noce de Kmar Bendana
&  Noureddine Mechri)

Beaux présents  Belles absentes 

Poésie Points


Jean-Baptiste Tati-Loutard – Quelques lampées d’eau ne peuvent éteindre le feu du cœur


 

photo - montage perso

photo – montage perso

 

Nous avons enfoui l’éclat de noces
En ce bord du haut fleuve,
Et la terre tourne au seul vertige
De notre amour.
Les crues vont sonner l’alerte contre l’arbre
Où l’oiseau des sables sous la feuillée
N’est plus que son propre cri.
Quelques lampées d’eau ne peuvent éteindre
Le feu du cœur.
Tu es le seul pâturage qui me reste,
Étends ton corps comme l’herbe des champs,
Que j’y conduise le troupeau de mes désirs.


Salvatore Quasimodo – Chevaux de la lune et des volcans


peinture: Giorgio de Chirico 1928

CHEVAUX DE LA LUNE ET DES VOLCANS
à ma fille

Îles que j’ai habitées
vertes sur des mers immobiles.

D’algues sèches et de fossiles marins
les plages où galopent fous d’amour
les chevaux de la lune et des volcans.

Au moment des secousses,
les feuilles, les grues assaillent l’air :
dans la lumière des alluvions
brillent des ciels chargés ouverts aux astres ;

les colombes s’envolent
des épaules nues des enfants.

Ici finit la terre :
avec de la sueur et du sang
je me construis une prison.

Pour toi je devrais me jeter
aux pieds des puissants,
adoucir mon cœur de brigand.

Mais traqué par les hommes
je suis encore en plein dans l’éclair,
enfant aux mains ouvertes,
aux rives des arbres et des fleuves :

ici l’anatomie féconde de l’oranger grec

pour les noces des dieux.

CAVALLI DI LUNA E DI VULCANI


al la figlia

Isole che ho abitato
verdi su mari immobili.

D’alghe arse, di fossili marini
le spiagge ove corrono in amore
cavalli di luna e di vulcani.

Nel tempo delle frane,
le foglie, le gru assalgono l’aria :
in lume d’alluvione splendono
cieli densi aperti agli stellati ;

le colombe volano
dalle spalle nude dei fanciulli.

Qui finita è la terra :
con fatica e con sangue
mi faccio una prigione.

Per te dovrò gettarmi
ai piedi dei potenti,
addolcire il mio cuore di predone.

Ma cacciato dagli uomini,
nel fulmine di luce ancora giaccio
infante a mani aperte,
a rive d’alberi e fiumi:

ivi la latomia d’arancio greco
feconda per gli imenei dei numi.


Cycle des gouttes recommencées ( RC )


A chaque goutte d’eau, le cycle recommencé

ce qui s’enfuit en vapeur, retombe un peu plus tard,

en condensé, et les grandes rivières s’en vont leur chemin

saluées par les arbres qui s’inclinent sur leur destin,

Enracinés d’un apparent immobile,

pendant que plus d’un printemps, des saisons alternées

promettent d’autres senteurs, de nouvelles nappes.

On remet de couvert,         pour des années dansées,

à l’égard de temps,     pour nous,        recommencés.

mais en se posant un peu,         la tête sur les épaules,

sous les mêmes ponts, coulent des eaux semblables…

la Saône a conservé sa couleur olive,

et le Rhône le bleu-vert ,                  au long cours,

lorsqu’ils se rencontrent en noces             liquides.

rien ne semble changé,   les enfants jouent toujours au parc

nous avons perdu la clé, ce ne sont pas les mêmes,

qui se succèdent, sous l’œil bienveillant

des mères ,tenant par ailleurs très bien leur rôle

à l’ombre des saules…

On aurait pourtant pensé,       filmée en accéléré,

que l’éternité se déroulait,          recommencée,

comme deux gouttes d’eau,                       dit-on

poursuivant leur cycle

au delà des saisons.

RC    – 5 mars  2013